le-calendrier-electoral-conteste-dans-le-sangA six mois de la présidentielle, la Guinée se lève contre le calendrier électoral. La fronde est réprimée par les forces de l’ordre et des manifestants ont été tués.

Un partisan de l’opposition guinéenne a été tué, ce jeudi, dans de violents heurts avec les forces de l’ordre déployées massivement pour empêcher des manifestations dans tout le pays contre le calendrier électoral. Mais à moins de six mois de la présidentielle, le blocage autour du « calendrier électoral de la discorde » paraît total : le président Alpha Condé en a de nouveau exclu la révision, exigée par l’opposition pour reprendre le dialogue.

Les militants de l’opposition s’insurgent ainsi contre les propos d’Alpha Condé, un ancien opposant embastillé et le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française, écartant toute modification du calendrier fixé par la Commission électorale nationale indépendante (Céni).

Soupçons de fraude

A l’issue d’un entretien avec son homologue François Hollande à Paris, le président a même réaffirmé, ce mercredi, que l’élection se tiendrait en octobre, à l’échéance fixée par la Céni, qui a encore reporté le scrutin local, à mars 2016. L’opposition soupçonne, elle, le pouvoir de vouloir utiliser les exécutifs communaux provisoires qu’il a désignés (faute de scrutin à cet échelon depuis 2005) pour influer, y compris par la fraude, sur la présidentielle.

« Alpha ne peut pas se passer des prestations de ces délégations spéciales et des autres élus locaux qu’il a nommés dans l’épreuve de l’élection présidentielle », a affirmé Cellou Dalein Diallo, candidat malheureux au second tour en 2010 après avoir largement devancé Alpha Condé au premier. « Et s’il perd les communales, il pourra difficilement justifier une victoire « éclatante » au premier tour de la présidentielle. »

Pouvoir et opposition revendique leur succès

Ainsi, après une journée « ville morte » à Conakry, au début du mois, puis des manifestations non autorisées mi-avril et lundi (avec plusieurs morts et au moins une vingtaine de blessés) l’opposition cherchait à étendre sa contestation au reste du territoire.

Alors que le calme était revenu en début de soirée, chacun des deux camps revendiquait un succès. Le gouvernement a ainsi proclamé qu’en dehors d’une partie de la capitale, la contestation n’avait touché que « quatre préfectures (Dalaba, Dabola, Pita, Labé) » (lire en encadré) du centre du pays, favorable à l’opposition, sur un total de 33. Il a fait état d’un bilan d’un mort, Ousmane Bah, 28 ans, à Labé, fief du chef de file de l’opposition, l’ex-Premier ministre Cellou Dalein Diallo, et de 14 blessés, dont 11 policiers et gendarmes, ainsi que de 93 arrestations.

Des manifestations qui « iront crescendo »

Ousmane Bah a été tué à coups de matraque et quatre autres protestataires ont été blessés par les forces de l’ordre, selon une source hospitalière et des témoins, le gouvernement évoquant « un projectile au niveau des cervicales ». Le corps a été conduit par les manifestants aux cris de « Allahou akbar » (Dieu est le plus grand) et « Mort aux dictateurs », à la morgue de l’hôpital régional de Labé, où régnait une forte tension.

Le porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla a revendiqué « un succès total », déplorant néanmoins « un bilan encore très lourd ». « Partout où la marche a été empêchée par les forces de l’ordre, la journée s’est transformée en journée ville morte », a-t-il dit, annonçant la poursuite des manifestations qui « iront crescendo ».

À Mamou et Kindia, à l’est de Conakry, les forces de l’ordre ont empêché les manifestants de se rassembler. Plusieurs dizaines de partisans de l’opposition ont été interpellés, d’autres blessés. À Conakry, des échauffourées qui ont éclaté en banlieue ont fait au moins cinq blessés légers parmi les civils, selon des témoins et l’opposition. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour empêcher une délégation conduite par l’ancien ministre Diallo de sortir de chez lui dans l’après-midi.