648x415_soldat-francais-yaloke-9-fevrier-2014L’ONU a-t-elle voulu enterrer un rapport interne sur des viols commis par des soldats français sur des enfants en Centrafrique? The Guardian a déclenché la polémique, ce mercredi, en évoquant la suspension d’un cadre de l’organisation qui avait transmis le document aux autorités françaises.

Selon le journal, le rapport en question a pour objet des abus sexuels commis par des Français appartenant aux troupes de maintien de la paix en Centrafrique sur des enfants. Ces agressions se seraient déroulées entre décembre 2013 et juin 2014 dans le cadre de la Minusca, la mission onusienne en République centrafricaine. Parmi les dizaines de milliers d’enfants déplacés par les affrontements dans le pays, certains se seraient plaints à un membre du Haut-Commissariat aux droits de l’homme et à un spécialiste de l’Unicef, qui les interviewaient, d’avoir été violés par des soldats français censés les protéger dans un centre de réfugiés à Bangui, la capitale.

Des abus qui «retournent l’estomac»

Les victimes, dont une partie sont orphelins, accusent leurs agresseurs de leur avoir proposé de l’argent et de la nourriture en échange de faveurs sexuels. Le plus jeune, âgé de neuf ans, raconte notamment avoir été abusé sexuellement avec un ami par deux soldats français alors qu’ils se trouvaient à un checkpoint, où ils cherchaient quelque chose à manger. Terrorisé, il a ensuite quitté le camp.

«Les abus sexuels réguliers par le personnel de la mission de maintien de la paix et le mépris flagrant des Nations unies retournent l’estomac», explique Paula Donovan, de l’organisation Aids Free World, qui a fourni le rapport au Guardian. «Mais l’horrible vérité, c’est qu’il ne s’agit pas de cas isolés», ajoute-t-elle aussi, pour dénoncer le déni et la dissimulation dont font l’objet, selon elle, les affaires de violence sexuelle aux Nations unies. Par le passé, l’organisation a notamment fait face à des scandales de pédophilie en République démocratique du Congo, au Kosovo et en Bosnie, et de soupçons d’agressions sexuelles en Haïti, au Burundi et au Liberia.

Une enquête ouverte en France

Selon The Guardian, le rapport aurait été confié durant l’été 2014 à des cadres de Haut-Commissariat aux droits de l’homme, à Genève. Voyant que sa hiérarchie ne bougeait pas, Anders Kompass aurait alors envoyé le document aux autorités françaises. Celui-ci a ensuite été transmis par le ministère de la Défense au parquet de Paris. Une enquête préliminaire a finalement été ouverte en juillet 2014, a indiqué l’AFP, confirmant une information du site FTV Info. Les «sanctions les plus fermes» seront prises si les abus sexuels sont «avérés», ont indiqué à l’AFP les autorités françaises.

Prises dans la polémique, les Nations unies ont elles aussi réagi ce mercredi soir, par la voix d’un porte-parole adjoint. L’organisation confirme avoir mené au printemps 2014 une enquête sur des «accusations graves d’exploitation sexuelle et d’abus commis sur des enfants par des militaires français» en RCA avant le déploiement de sa mission dans ce pays. Et selon ce porte-parole adjoint, Farhan Haq, un responsable de l’ONU a bien été suspendu pour avoir transmis en juillet 2014 les résultats de cette enquête aux autorités françaises au mépris des procédures. «Notre conclusion préliminaire est qu’une telle conduite ne peut pas être considérée comme celle d’un lanceur d’alerte», a-t-il souligné.

Anders Kompass a été suspendu le 17 avril et fait actuellement l’objet d’une enquête de l’ONU, a indiqué mercredi le conseiller juridique du ministère suédois de la Justice.