À cinq mois de la fin de son premier mandat, le chef de l’État a deux priorités : en finir avec l’épidémie d’Ebola et contenir une opposition acharnée à contester sa légitimité. Entretien exclusif avec un président militant bien décidé à remporter toutes les batailles. Propos recueillis à Conakry par François Soudan

 

Au palais Sékhoutoureya d’Alpha Condé, tout au bout de la presqu’île de Kaloum, on est longtemps entré (presque) comme dans un moulin. Il a fallu une attaque contre sa résidence et les conseils pressants de ses proches pour que le président guinéen consente enfin à ce que son palais républicain se mette aux normes sécuritaires. Aujourd’hui, on y montre patte blanche et obligatoirement désinfectée : fouilles et savon bactéricide de rigueur. L’épidémie d’Ebola, tueuse d’hommes et d’espérances dans un pays qui commençait à peine à sortir du marasme grâce à la stabilisation de son cadre macroéconomique et au retour des investisseurs, est venue anéantir les rêves de décollage à l’asiatique que nourrissait ce chef d’État de 77 ans, candidat pour un second mandat en octobre prochain. Certes, il en faut plus, beaucoup plus pour faucher l’énergie du camarade Alpha, aussi acharné à micromanager les 11 millions de Guinéens qu’à entretenir, avec l’aide d’un coach, son corps d’ascète. Mais quand on s’aperçoit qu’aux coups de boutoir d’un virus d’autant plus dangereux qu’il est en phase d’extinction s’ajoutent ceux d’une opposition politique déterminée à en découdre dans les rues d’une capitale au bord de l’infarctus, on se demande si Dieu ne prend pas un malin plaisir à maintenir les Guinéens dans son éternel purgatoire. On le pense, et voici que surgit d’une porte dérobée notre président aux allures d’Obi-Wan Kenobi blanchi sous le harnais des sept épisodes de Star Wars. Sous le bras, une pile de dossiers. Dans la main, un petit sac contenant cinq téléphones portables : un pour la hotline Ebola, un avec les numéros des chefs d’État, un pour les ministres, un pour la sécurité, un pour la famille et les amis. Dans sa poche, une missive. Parce que, en Guinée, c’est quand toutes les portes du dialogue semblent closes que s’ouvre enfin l’issue de secours, le président vient d’adresser au leader de l’opposition Cellou Dalein Diallo une invitation à se rendre au palais pour déminer ensemble le chemin qui mène à l’élection présidentielle. Las : après avoir tergiversé, ce dernier, manifestement sous pression de sa base et de ses partenaires, finira par décliner la proposition. Atypique, disponible, torrentiel, attentif au moindre détail, aussi hâtif que réfléchi, aussi méthodique qu’impatient, Alpha Condé reste le président à part d’un pays à part. D’une fidélité absolue en amitié, impitoyable envers ceux qui le trahissent, injuste parfois envers des proches tellement proches qu’il ne paraît plus les voir, cet homme capable d’improvisations étonnantes et dont les excès ne sont qu’apparents a une qualité que personne, partisans comme adversaires, ne peut lui dénier. Sa passion jalouse, minante et dévorante pour l’une des plus belles femmes d’Afrique