PHOfaf28544-f7ce-11e4-864f-554de7028f42-805x453Un rapport d’experts indépendants dénonce les « défaillances » de l’Organisation mondiale de la santé dans la gestion de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest.

Ils ne comprennent «toujours pas pourquoi des avertissements précoces lancés de mai à juin 2014 n’ont pas abouti à une réponse adéquate et sérieuse». Très critiquée pour la lenteur de sa réaction devant l’épidémie d’Ebola qui ravageait trois pays d’Afrique de l’Ouest, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) est la cible d’un rapport d’experts indépendants mandatés par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Ils en ont publié lundi une version préliminaire, avant le rapport final prévu pour la mi-juin. Après plus d’un an d’épidémie, 26.000 malades et près de 11.000 morts, ils dénoncent les défaillances de l’agence onusienne dans sa gestion de cette «épidémie sans précédent», et notamment «de graves lacunes dans les contacts avec les communautés locales au cours des premiers mois de l’épidémie».

Une épidémie sans précédent

Le virus est connu depuis 1976, mais cette épidémie d’Ebola, partie d’un village de Guinée en décembre 2013, n’a ressemblé à aucune autre. Pour la première fois, le virus a vite atteint les capitales surpeuplée de Guinée, Liberia et Sierra Leone ; les populations touchées, qui n’avaient jamais croisé ce virus, ont rechigné à appliquer les consignes des autorités sanitaires (lavage des mains systématique, funérailles sécurisées, etc.) et leur ont accordé peu de confiance ; les systèmes de santé en mauvais état de ces trois pays très pauvres n’ont pas pu répondre à l’afflux de malades. Et les occidentaux ont été accusés de n’avoir déployé les grands moyens que lorsqu’Ebola a menacé de traverser leurs frontières ou d’affecter leurs économies.

L’OMS, rappellent les experts mandatés par l’ONU, a déclaré l’urgence de santé publique mondiale le 8 août 2014. Après un bon millier de morts. L’épidémie avait été déclarée le 22 mars 2014 par le ministère de la santé guinéen, plus de trois mois après le décès du patient «index», puis l’organisation Médecins sans frontières avait lancé l’alerte le 31 mars sur une épidémie «sans précédent». En mars dernier, MSF publiait un rapport au vitriol pour dénoncer le manque de réactivité de l’OMS et l’engagement très tardif de la communauté internationale ; les humanitaires y avouaient aussi leurs propres «limites» dans ce combat inégal contre un virus tueur.

L’OMS face aux opérations d’urgence

Désormais, l’épidémie semble proche de sa fin et a officiellement été déclarée terminée au Liberia. Mais les questions restent entières sur les capacités de la communauté internationale à réagir à de telles situations. Mis en place le 9 mars à la demande des États membres de l’OMS, le groupe d’experts indépendants s’est efforcé, sous la houlette de la Britannique Barbara Stocking, présidente du Murray Edwards College à Cambridge, d’évaluer «tous les aspects de l’action de l’OMS» face à l’épidémie Ebola. Et le bilan n’est pas brillant. «Il y a un consensus fort pour dire que l’OMS n’a pas une capacité et une culture suffisamment fortes pour mener des opérations d’urgence» accuse ainsi le rapport.

En janvier 2015, la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, admettait que son organisation avait été «trop lente» à réagir et proposait un plan d’amélioration en trois axes : renforcer les systèmes de santé des pays pauvres ainsi que les moyens de l’OMS en situation d’urgence, et organiser le développement de nouveaux médicaments. Un propos en forme d’avertissement: «Le monde imprévisible des microbes nous réservera toujours des surprises. (…) Le monde ne doit plus jamais être pris par surprise faute de préparation.» Du 18 au 26 mai, la 68e Assemblée mondiale de la Santé réunira à Genève les États membres de l’organisation. Reste à savoir ce qu’ils feront des leçons d’Ebola, et de l’invitation des experts mandatés par l’ONU qui les invitent à mettre sur pied un fonds d’urgence ainsi qu’une force internationale d’intervention sanitaire.