Abdoul-Guillaume Bachelay, secrétaire national à l’industrie du PS, parlant de Ségolène Royal, disait : « qu’on commette des erreurs en politique c’est possible; qu’on les commette toutes, c’est fou ! ».

L’actualité politique guinéenne est dominée par la rencontre qui s’est tenue à Ouagadougou entre les présidents de l’UFDG et des FPDD. Cette rencontre s’est soldée par une décision officielle appelant les deux parties à nouer une alliance électorale pour affronter la présidentielle prévue le 11 octobre 2015. Alors, la question qui se pose est de savoir à qui profiterait cette alliance ?

Pour bien répondre à cette question, il faut tenir compte de la situation politique actuelle de la Guinée qui, sans doute, est confrontée à un régionalisme biaisé, fortement entretenu par une élite immorale (si ce terme a un sens en Guinée). En effet, depuis la mort du général Conté en décembre 2008, les antagonismes entre l’élite « politico-opportuniste » issue des différentes régions du pays ont donné naissance à des coordinations régionales « socio-affairistes ». La collaboration circonstancielle entre ces deux clans aurait atteint son point culminant durant le second tour de l’élection présidentielle de 2010. Et c’est depuis que la notion de république a perdu tout son sens dans cette ancienne colonie de la France.

C’est pourquoi, et pour ne pas réveiller le diable, qu’il n’est pas question ici de revisiter les carences des différents régimes qui se sont succédé dans cette Guinée indépendante. D’ailleurs, parlant de l’élite politique guinéenne, il serait préférable de ne pas aborder la notion de morale ; pas parce qu’elle n’est pas importante, mais plutôt parce qu’elle ne semble pas avoir un sens chez nos hommes politiques. Ainsi, dans cette affaire d’alliance entre l’UFDG et les FPDD, nous ne parlerons que des conséquences politiques qui pourraient en découler.

Le moment serait-il opportun pour nouer des alliances électorales ?

De par son poids électoral, l’UFDG est sans doute le principal parti de l’opposition. Et c’est normal que le parti cherche à élargir son électorat à travers des alliances avec d’autres groupements qui évoluent sur le terrain. Mais si c’est pour gagner une élection, les alliances à elles seules ne suffisent pas ; surtout quand il s’agit d’alliance avec de partis minuscules qui n’ont jamais participé à une élection en Guinée ;et dont le poids électoral est purement théorique. C’est pour cette raison qu’on pourrait se permettre d’affirmer qu’à travers cette alliance ou plutôt cette intention d’alliance avec les FPDD, l’UFDG aurait compromis le peu de crédibilité qu’elle incarnerait au sein de l’opinion nationale et internationale. De ce point de vue, on pourrait dire qu’à l’UFDG c’est l’heure de la folie politique ; pour ne pas paraphraser Guillaume Bachelay cité plus haut au début de l’article. Voyons pourquoi !

L’ultime priorité de l’UFDG devrait être l’obtention d’un fichier électoral assaini et d’une cartographie électorale fiable. Avec un poids électoral aussi important, une élection transparente en Guinée serait sans doute à l’avantage de l’UFDG. Et puisque nous avons une opposition plurielle en Guinée, une cohésion au sein de cette opposition est primordiale dans cette lutte pour la transparence des élections ; surtout à un moment où un dialogue est enclenché à cet effet entre les acteurs politiques.

Rappelons que l’UFR, depuis pratiquement le lendemain des élections législatives de 2013, chercherait à rassembler l’opposition autour d’un idéal appelé « candidature unique » de l’opposition dès le premier tour de l’élection présidentielle. Une très belle idée en soit ! Même si l’UFR fait plus de bruit autour de ce sujet, l’UFDG aurait tous les atouts pour que son candidat soit celui choisi pour représenter l’opposition. Il suffirait alors que l’UFDG engage une concertation au sein de l’opposition pour que, non seulement les critères de choix du candidat soient établis ; mais aussi et surtout les contours des différentes alliances qui en découleraient. Dans une telle concertation, l’UFR n’aurait aucun argument valable pour convaincre l’opinion que son candidat serait le mieux placé pour porter le manteau de candidat unique ; puisque le fait d’être d’une minorité ethnique du pays serait aberrant comme argument.

On pourrait alors conclure que l’UFDG a raté une occasion de faire valoir son leadership en refusant le débat autour de cette question de candidature unique de l’opposition. Rappelons que l’argument avancé par l’UFDG pour ce refus serait d’opter pour le scenario de l’élection présidentielle de 2010 où ils y avaient plusieurs candidats au premier tour ; pour ensuite former une alliance au deuxième tour. Par conséquent, il serait inconcevable que l’UFDG change de position en voulant nouer des alliances avec d’autres candidats déclarés pour affronter le premier tour de la présidentielle. Ainsi, à moins que l’alliance annoncée avec les FPDD ne soit pour le deuxième tour de la présidentielle d’octobre 2015 ou pour les élections locales prochaines, l’UFDG serait responsable de toute rupture avec son ancien allié UFR.

La question de candidature unique ne devrait point causer de litige entre l’UFDG et l’UFR. Même si l’UFR semblait un peu frustrée ces derniers temps, ce parti n’a jamais dit qu’il fallait impérativement choisir son président comme candidat. L’UFDG devrait accepter que l’opposition qu’elle incarne puisse en débattre afin que le candidat le mieux placé puisse être plébiscité comme étant l’unique de l’opposition. Comme je l’ai déjà mentionné, l’UFR n’aurait aucune chance devant l’UFDG concernant cette question dans un débat ouvert. Mais hélas !

Une alliance mort-née ?

Généralement, entre des candidats officiels, les alliances se forment après le premier tour d’une élection à deux tours. Le candidat qualifié pour le deuxième tour essaye de rallier certains candidats malheureux du premier tour ; et selon leur poids électoral.Et puisque l’UFDG et les FPDD ont chacun un candidat déclaré pour l’élection présidentielle de cette année, il serait donc prématuré de parler d’alliance avant le premier tour de cette élection.

L’UFDG avec son poids électoral plusieurs fois confirmé, et sa place méritée au sein de l’opposition, n’accepterait jamais que son leader chéri soit écarté de la course pour le premier tour. De même, les FPDD, fort du privilège d’ancien président de son leader qui, de surcroit, serait devenu un symbole dans sa région d’origine, n’accepteraient jamais que celui-ci soit un complément pour un autre candidat. Au delà de cette situation d’ego entre les deux prétendants, l’UFDG ne saurait accepter aux FPDD ce qu’elle aurait refusé à l’UFR. On peut aussi parier que le leader des FPDD qui a déjà goutté aux honneurs liés à la fonction de président de la république ne pourrait s’allier derrière un homme fut-il chef de file d’une opposition désunie. C’est d’ailleurs pour toutes ces raisons que d’aucuns penseraient que cette alliance est mort-née ; au moins dans sa partie premier tour de l’élection présidentielle. Et à défaut d’un soutien dès le premier tour de cette élection présidentielle, une telle alliance ne bénéficierait en rien l’UFDG ; même pas pour les élections locales.

En voulant trop gagner, l’UFDG risque de tout perdre

Je n’arrive toujours pas à cerner l’engouement suscité au sein de l’UFDG depuis l’annonce de cette alliance. Les arguments avancés çà et là ne pèseraient pas; surtout quand on sait la situation politique actuelle de la Guinée. En effet, les tensions nées de la formation des alliances entre l’UFDG et ses pairs de l’opposition lors des élections législatives de 2013 resteraient toujours palpables. Rappelons qu’à cause des manquements envers certains de ses compagnons au sein de l’opposition, l’UFDG n’aurait pratiquement plus de leader allié issu de la Basse Côte. Et si le GPT et l’UDG sont officiellement dans la mouvance présidentielle, il n’est un secret pour personne que la NGR, la Geci, et d’autres partis qui réclameraient la Basse Côte comme étant leur champ d’action, seraient plus proches de la mouvance présidentielle. Ainsi, en perdant son ancien allié UFR, l’UFDG aurait presque tout perdu dans cette région. Par conséquent, les militants de l’UFDG, quoique très nombreux en Basse Guinée, auraient toutes les difficultés à mener dans la quiétude une campagne électorale dans cette region. Il suffirait alors d’un petit différent entre militants pour crépiter les violences. Espérons que nous n’arriverons pas à ce point !

Même si cette alliance avec les FPDD voyait le jour, cela ne garantirait en aucun cas une mainmise de l’UFDG sur la Guinée Forestière. D’ailleurs, à part ses prérogatives d’ancien président de la république, et les émotions qui auraient suivies la tentative de son assassinat, il n’y a aucune donnée fiable sur le poids électoral du président des FPDD.

Par contre, des partis comme l’UGDD, le GRUP, et l’UPG accepteraient difficilement le dicta d’une formation politique aussi jeune dans leur fief. Au-delà des formations politiques, les coordinations régionales auraient plus d’influence sur leur communauté qu’un leader de parti politique. Il n’est un secret pour personne que la coordination de la Guinée Forestière serait plus proche de celle de la Haute Guinée.

Pour preuve, les multiples tentatives par la coordination Haali Pular d’avoir une rencontre avec ces coordinations seraient restées vaines. D’après un communiqué publié par la coordination Haali Pular, seule le Kountigui de la Basse Côte avait répondu présent à cette rencontre. Par contre, la récente visite chez le Kountigui à Dubreka du richissime homme d’affaires et de surcroit initiateur du dynamique mouvement Alpha15, ne saurait être fortuite. En effet, le message véhiculé par le Kountigui lors de cette visite du patron de Guicopress n’augurerait pas de lendemains meilleurs pour l’UFDG. Toute chose qui pourrait mettre l’UFDG en difficulté dans cette partie de la Guinée reconnue pour son hospitalité exemplaire.

En plus, pour celui qui sait lire entre les lignes, les réactions venant des partenaires étrangers et des organismes des droits de l’Homme ne seraient pas à l’avantage de l’UFDG. D’ailleurs, on ne peut pas dissocier la politique et la morale puisque, dans une vraie république démocratique, la politique alimente la légalité, et la morale assure la légitimité. C’est pourquoi, j’ai été sidéré d’entendre des hommes, censés être l’élite guinéenne sur laquelle la jeune génération pourrait s’inspirer, défendre que la morale n’a pas de place en politique. D’où mes inquiétudes sur l’avenir démocratique de ma chère Guinée. Je rappellerais à tous ces apprentis politiciens et à tous ces théoriciens, que la politique sans morale est synonyme de dictature absolue.

Conclusion

Aujourd’hui, l’UFDG serait confronté à un dilemme politique difficile à surmonter. L’élection présidentielle du 11 octobre arrive à grand pas. La mouvance présidentielle semble avoir l’avantage du temps. Cette alliance annoncée avec les FPDD, au lendemain d’un blocage entre elle et son ancien allié UFR, devrait être gérée avec abnégation en tenant compte des sensibilités du pays. Sinon, l’UFDG risquerait de perdre la Basse Guinée sans pour autant avoir la Forêt. Je termine par cette citation du célèbre poète Roland Topor qui disait qu’ « il suffit d’un gramme de merde pour gâcher un kilo de caviar. Un gramme de caviar n’améliore en rien un kilo de merde ». Espérons que les FPDD ne soient pas un gramme de merde pour l’UFDG. A bon entendeur salut !

Bon Ramadan à tous…

D’ici là, merci de contribuer au débat.

A Aziz Bah