nkurunziza-592x296-1436442060La présidentielle au Burundi, prévue le 15 juillet, pourrait être reportée. Face à Pierre Nkurunziza qui tient à briguer un troisième mandat controversé, sept candidats sont en lice. Mais certains ne se présentent que pour faire de la figuration..

C’est l’élection  présidentielle de tous les dangers au Burundi. Quinze années après l’accord d’Arusha qui a mis fin à des années de guerre civile, le pays risque de basculer de nouveau dans les violences à l’issue de ce scrutin controversé. Malgré l’opposition interne et internationale, le président sortant, Pierre Nkurunziza, élu en 2005 puis réélu en 2010, voudrait briguer un troisième mandat.

La présidentielle a été fixée au 15 juillet par les autorités burundaises, mais elle pourrait vraisemblablement être reportée au 30 juillet, suivant la recommandation des chefs d’État de la sous-région, voire à une date ultérieure si Yoweri Museveni, le tout nouveau médiateur de la crise, le recommande. En attendant une « décision politique », la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) se dit prête à organiser le scrutin à la date prévue.

Face à Nkurunziza, sept candidats sont en lice mais tous ne se présentent pas pour le battre. Des plus proches du pouvoir aux plus violemment opposés, galerie de portraits de ceux qui se sont lancés dans la bataille.

  • Gérard Nduwayo (Uprona, reconnue par le pouvoir)

« Qu’est-il allé faire dans cette galère ? » s’interroge un diplomate sous-régional qui ne comprend pas la démarche de son collègue Gérard Nduwayo, candidat à la présidentielle pour le compte de l’Union pour le progrès national (Uprona) dite « légale », puisque la seule aile du parti reconnue par le pouvoir.

L’essentiel, c’est de participer à la gestion consensuelle du pays

Accusé par ses détracteurs d’être un faire-valoir de Nkurunziza, Gérard Nduwayo, 53 ans, s’en défend. « Je me suis présenté à la présidentielle pour remettre sur la table un débat qui me tient à coeur : celui de la démocratie consensuelle au Burundi telle que consacrée dans l’accord d’Arusha mais dont les règles du jeu ne transparaissent pas assez clairement dans la Constitution actuelle », confie-t-il à Jeune Afrique.

Cet expert en médiation – il a participé aux négociations entre Kinshasa et les rebelles du M23 à Kampala entre 2012 et 2013 et à médiation en Centrafrique de juin 2014 à janvier 2015 – est convaincu qu’«il faut réinventer la démocratie au Burundi, l’adapter aux configurations et aux mouvements politico-sociaux du pays ». Pour lui, « compte-tenu des clivages politico-ethniques burundais qui virent parfois aux violences, l’essentiel, c’est de participer à la gestion consensuelle du pays ». Quitte à composer avec Nkurunziza…

  • Jacques Bigirimana (FNL)

Du côté des Forces nationales de libération (FNL), du moins la branche reconnue par le ministère burundais de l’Intérieur, on estime officiellement qu’il n’est pas question de laisser Nkurunziza briguer un troisième mandat. Paradoxe : le parti n’a cessé d’appeler ses partisans à ne pas descendre dans les rues pour s’opposer à une nouvelle candidature du président sortant.

Mais son candidat à la présidentielle, Jacques Bigirimana, prétend tout de même être en mesure de remporter le scrutin face à Nkurunziza pour « redynamiser le pays ». Une fourberie, aux yeux de ses détracteurs…

  • Jean de Dieu Mutabazi (Copa)

À la tête de la Coalition des partis politiques pour une opposition participative (Copa), Jean de Dieu Mutabazi est également soupçonné d’être un candidat fabriqué par Pierre Nkurunziza.

D’ailleurs, « ce sont des militants du CNDD-FDD [Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie, parti au pouvoir] qui viennent fournir les rangs des sympathisants dans les manifestations organisées par ce genre des regroupements politiques », accuse Me Armel Niyongere.

  • Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye, deux anciens présidents

Face à Nkurunziza, deux anciens présidents de la République sont également prêts à en découdre. « Légaliste », selon ses propres propos, Sylvestre Ntibantunganya, au pouvoir au entre avril 1994 et juillet 1996, martèle qu’il n’est « pas prêt à cautionner la mascarade électorale qui se prépare au Burundi ».

Yoweri Museveni pourra nous remettre sur la table des négociations.

Avec l’ancien président Domitien Ndayizeye (2003-2005), candidat lui aussi, et deux autres ex-chefs d’État burundais, Sylvestre Ntibantunganya a multiplié les appels envers Nkurunziza pour qu’il renonce au troisième mandat. « Aujourd’hui, je continue de croire que la médiation confiée au président ougandais Yoweri Museveni pourra nous remettre sur la table des négociations pour sauvegarder les intérêts vitaux de la nation », espère-t-il.

À l’en croire, cela passerait entre autres par l’annulation des législatives et communales du 29 juin organisées dans des conditions qui ne permettent pas qu’on leur accorde une quelconque crédibilité, le report de la présidentielle sur base d’une nouvelle date négociée entre protagonistes de la crise, le désarmement des milices dont les Imbonerakure et le respect strict de l’accord d’Arusha qui limite à deux les mandats présidentiels.

  • Agathon Rwasa (Mizero y’Abarundi)

Même son de cloche du côté de la Coalition d’opposition des indépendants de l’espoir, regroupement politique autour d’Agathon Rwasa, principal opposant à Pierre Nkurunziza et candidat à la présidentielle.

« Nous exigeons l’établissement d’un calendrier électoral consensuel », souligne François Bizigimana, le porte-parole de l’alliance. Et d’ajouter : « Si tous les tous les autres candidats, proches ou non du président sortant, ont leur place dans la course présidentielle, la candidature de Pierre Nkurunziza viole l’esprit et la lettre de l’accord d’Arusha. »

  • Jean Minani (Frodebu-Nyakuri)

Premier parti à avoir remporté les premières élections démocratiques du pays en 1993, le Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu-Nyakuri, le vrai en kirundi) aligne aussi son candidat pour l’échéance à venir : Jean Minani. Dans la crise actuelle au Burundi, les détracteurs de ce gynécologue obstétricien de formation, ancien ministre de la Santé et ancien président de l’Assemblée nationale, l’accusent de souffler le chaud et le froid. De fait, il est difficile de savoir pour qui Minani roule vraiment….

Trésor Kibangula