BOKOU HARAMDepuis le début du mois de juillet, les attentats sanglants commis par Boko Haram se multiplient au Nigeria. Mais les islamistes nigérians sont-ils vraiment plus actifs qu’avant ? Analyse chiffrée d’une année de terreur.

Entre le 1er et le 3 juillet, les attaques attribuées à Boko Haram ont fait plus de 200 morts, dont près de 150 en une seule journée. Cela représente l’un des plus lourds bilans enregistrés à l’actif du groupe terroriste depuis un an. Durant les deux premières semaines de juillet, les islamistes de Boko Haram ont fait plus de victimes que la moyenne des douze précédents mois. Soit au moins 338 selon notre compte réalisé à partir des estimations du gouvernement nigérian et de la Croix rouge. Et c’est sans compter les victimes de Boko Haram – qui a récemment étendu son offensive – au Tchad, au Niger et au Cameroun.

Le mois de juillet 2015 semble donc se diriger vers un record au Nigeria, alors que les mois d’avril (69 morts) et de mai (107 morts) ont été les moins meurtriers depuis novembre 2014. En effet, de novembre 2014 à mars 2015, les islamistes avaient fait entre 235 et 395 victimes par mois

« Après une accalmie de quelques mois avant l’investiture du président Buhari, on assiste à une hausse des attaques meurtrières. On prévoit au moins un total d’une quarantaine d’attentats de Boko Haram en juillet au Nigeria et dans les pays voisins », prévient Martin Ewi, spécialiste des menaces transnationales à l’Institut d’études sur la sécurité (ISS) de Pretoria, en Afrique du Sud.

Nouvelle stratégie de Boko Haram

Que faut-il en conclure ? « Nous avons obligé Boko Haram à changer de stratégie », avançait récemment à Jeune Afrique le ministre de l’Intérieur nigérien, Hassoumi Massaoudou. « Ils ne peuvent plus tenir de territoires et sont obligés de pratiquer une guerre asymétrique », estimait-il.

En effet, Boko Haram évite maintenant les confrontations face-à-face et privilégie plutôt les attentats-suicides, surtout depuis son allégeance au groupe État islamique, a noté Martin Ewi. « Boko Haram est la stratégie du dernier recours parce que les attaques kamikazes causent la perte de nombreux soldats », analyse-t-il.  Et de poursuivre : « Plusieurs indices nous confirment qu’ils sont très affaiblis malgré la hausse du nombre d’attaques ». Un moment propice pour intensifier les frappes contre le groupe terroriste, selon l’analyste.

L’entrée en scène de la coalition régionale menée par le Tchad au début de l’année a forcé Boko Haram à battre en retraite dans les mois qui ont suivi. « Mais plus une opération militaire est longue, moins elle est efficace. Et c’est aussi pourquoi Boko Haram réussit à multiplier les attaques depuis un mois », soutient le chercheur d’origine camerounaise.

L’élection de Buhari, un tournant ?

Si l’élection du nouveau président nigérian a incontestablement donné un souffle nouveau à la coopération régionale contre les jihadistes, elle ne peut être considérée comme un tournant durable. Malgré une baisse de la violence durant les mois d’avril et de mai, pour les populations du nord du Nigeria, le nombre d’attaques depuis le début de juillet démontre clairement que la terreur n’a pas faibli durablement.

Cependant, Boko Haram ne pourra pas continuer au rythme actuel. Avec des attaques presque quotidiennes au Nigeria, au Niger, au Tchad ou au Cameroun, le groupe terroriste « cherche à prouver qu’il peut combattre sur tous les fronts », dit Martin Ewi. « Mais pas pour longtemps », ajoute-t-il, car de cette façon, Boko Haram risque d’épuiser ses ressources.

Muhammadu Buhari à la Maison Blanche

Cependant, pour mettre fin définitivement au règne de terreur du groupe Boko Haram, le président nigérian aura besoin de soutien. C’est tout l’enjeu de sa visite à la Maison Blanche prévue le 20 juillet 2015.

Selon Martin Ewi, l’invitation du président Barack Obama représente un signal clair que les Américains sont enfin prêts à s’engager concrètement dans la lutte contre Boko Haram. « Ils pourraient fournir un entraînement militaire aux soldats de la coalition et un soutien logistique », croit-il.

Pour préparer le terrain à une éventuelle deuxième phase de la lutte contre le groupe terroriste, Muhammadu Buhari a limogé lundi les chefs de l’armée de terre, de l’air et de la marine. « Rien de surprenant », renchérit le chercheur de l’ISS. Il avait besoin de faire table rase et de placer des hommes de confiance pour ramener la sécurité dans son pays.