mp3Quand on va au théâtre, après la première scène qui pose le conflit de l’histoire, ce que tout spectateur averti attend, c’est le dénouement. C’est là que l’on mesure les talents et la virtuosité de l’auteur. C’est là que l’on sait si l’auteur est doué, par la surprise ou le caractère téléphoné de la fin que l’on applaudit ou devant lequel l’on reste de marbre. Dans l’affaire Ousmane Gaoual, on nous aura servi un mauvais spectacle d’un bout à l’autre. Ce n’est pas seulement l’entame qui était ratée. Toute la représentation exhalait l’amateurisme, les sentiers battus et les dérapages incontrôlés. Pour vous en convaincre, je sais que vous avez suivi l’histoire, mais souffrez que je vous la raconte. Une seule fois. A ma manière. Cette manière qui dédramatise ce fait divers auquel on a voulu faire porter des costumes ubuesques de crime d’Etat.

Tout commence un samedi. C’est un beau et sympathique week-end qui démarre pour un homme. L’homme débarque chez un autre homme qui lui doit une voiture. Le Premier a déjà depuis plusieurs mois lâché pas mal d’oseille pour cette caisse. Le second zozo mange tranquillement dans son bureau. A plusieurs reprises, il a déjà fait tourner en rond son client et d’autres à propos de ces véhicules payés par prélèvement automatiquement. L’argent en jeu se compte par dizaine de millions et le client n’a toujours pas aperçu la fumée de l’échappement de son carrosse. Donc, ce samedi matin, l’homme débarque chez le concessionnaire pour exiger son bien déjà payé. S’ensuit une altercation. Des voix d’élèvent. Les graves foutent le camp pour être remplacées par des aigues. L’homme est connu pour son tempérament à pas se laisser marcher dessus par qui que ce soit. Il attrape un verre d’eau qu’il balance sur le joli costume du maître des lieux. Histoire de le laver un peu de ses sales sous et de sa foutue prétention. Histoire peut-être aussi de le nettoyer de la crasseuse odeur accumulée de sa mauvaise fréquentation du palais pestilentiel, pour pas dire présidentiel. L’homme quitte les lieux, laissant l’autre à ses habits mouillés de honte.

Entre temps, le plus haut sommet est au courant de l’incident. Il s’agite et dégringole de son sommet au point de se retrouver dans les caniveaux. Nageant dans la puanteur des ordures de la saison des pluies. Jetant aux orties les quelques cache-sexes de dignité chèrement acquis par notre République et exposant au monde entier la nudité de notre fragile démocratie. Il faut ce qu’il faut pour tenir en laisse les chiens de garde de la liberté qui se risquent encore à quelques aboiements insoumis pour dire que le sacrifice de nos martyrs ne sera pas vain. Il faut piétiner les lois parce qu’elles ne sont faites que dans les limites des brimades qu’elles autorisent et des abus qu’elles garantissent. Et ceci est une affaire d’interprétation et des objectifs de ceux qui nous gouvernent.

C’est ainsi qu’une simple et banale affaire de cris domestiques se retrouve sur les médias du monde entier. On ferme les frontières. Des fois que l’homme voudrait se déguiser en femmelette et se retrouver à Piné. Des armes automatiques chantent aux alentours du domicile de l’homme des symphonies d’intimidations. Des hommes en uniforme font des perquisitions inopinées en quête d’armes dans la maison de l’homme qui a versé quelques gouttes d’eau sur son adversaire qui lui doit un véhicule. S’il a utilisé de l’eau comme arme, qui sait combien de bidons et de bouteilles de flotte il cache dans son frigo ! Une chasse à l’homme est engagée dans la ville. Les médias d’Etat sont mis à contribution avec un pro-crieur public complètement à côté de ses pompes qui fait une telle lecture de la loi dont toto n’aurait aucun mal à lui tirer la langue et les oreilles. C’est à croire que le gugusse ronflait comme un vieux moteur d’Alakabon pendant ses cours de droits, ou qu’il reluquait le postérieur de sa prof au lieu de se concentrer les articles traitant du code peinard et du code de procédure.

Faut lui expliquer à tartempion ou du moins le mettre à jour sur le principe de base qui fonde le droit : la forme commande le fond. Ce n’est pas comme une gonzesse dont les formes généreuses seraient terriblement stimulantes et puis le fond ressemblerait à la jarre au bord du carrefour dans laquelle toute personne peut boire, pour peu qu’elle ait soif. Faut aussi expliquer à machin de pro-crieur public que flagrant délit, c’est en somme comme flagrant de lit. C’est à dire que si t’es venue tremper ton concombre dans l’abricot de la femme de ton voisin, si le cocu ne t’attrape pas dans son pieu et qu’il te retrouve chez toi avec ta quatrième épouse entrain de te faire enlever les cheveux blancs de la tête, ton flagrant délit se nomme flagrant délire. T’es en ce moment complètement à côté de tes pompes, pour ne pas dire ton caleçon. Faut enfin expliquer à l’accusateur public que s’il veut une accusation béton, c’est quand même la honte de présenter un papelard falsifié. Ce n’est pas trop pro et c’est trop la honte de notre justice. Voilà comment entre autres les avocats de l’homme ont démonté son dossier. Mais puisque la patronne à la toque présidentielle ne voulait pas trop lui foutre la honte, elle décide de prononcer une condamnation en sursis. Cette fin, aussi banale que pâle, est finalement la seule que pouvaient nous offrir nos autorités dont les muses sont à l’image de leurs étriquées et basses ambitions.
Enfin, on espère que l’homme fermera sa gueule et qu’il dégagera. On espère qu’il se fera plus petit qu’il ne l’est pendant la période électorale qui s’annonce. On espère que d’autres langues pendues et fourchues comme la mienne seront intimidées et iront lécher du bonbon glacé. Seulement voilà ! Il y a des langues et des palais qui préfèrent les brûlures joyeuses de la vérité au lit soyeux de la lâcheté. Dans notre République où l’honneur et la dignité ont foutu le camp, la peur et les hésitations sont les ferments de la dictature en gestation qu’il faut combattre de toutes nos forces. Les thuriféraires du régime doivent savoir que l’ultime acte de celui qui a subi privations et humiliations est de regarder son oppresseur droit dans les yeux en lui plantant la dague du désespoir, parce qu’il espère que le sang qui jaillira purifiera sa terre et son honneur souillés. Jamais nous ne fermerons donc nos gueules et jamais nous ne dégagerons. Que ce la soit dit et bien compris !

Soulay Thiâ’nguel