C-Samba-PAnza
Catherine Samba Panza Présidente du Gouvernement de transition de la République Démocratique Centrafrique

La douzaine d’élections présidentielles que l’Afrique s’apprête à vivre à partir de la rentrée (Guinée et Burkina ouvriront le bal le même jour : 11 octobre) et jusqu’à la fin de 2016 ont une caractéristique commune que nul n’a jusqu’ici remarquée – ce qui est en soi révélateur. Aucune femme n’a la moindre chance d’être élue et dans la plupart des pays concernés, il n’y a tout simplement aucune candidate.

Pour ceux qui se souviennent encore du Programme d’action de Pékin adopté il y a vingt ans par les déléguées africaines à l’issue d’une conférence mondiale des femmes placée sous le thème de la conquête de l’espace public, le constat est rude. L’Afrique a beau compter deux femmes chefs d’État (dont l’une, Catherine Samba-Panza, n’est que « de transition »), elle a, dans le domaine clé de la parité en politique, régressé – si c’était encore possible.

Le problème est qu’à de rares exceptions près l’entrée des femmes en politique (et a fortiori au plus haut niveau de l’État) continue d’être vécue par l’Homo africanus comme une effraction. Ou alors comme une nécessité ponctuelle, prière ensuite aux effrontées de retourner à leur fonction domestique et reproductrice. L’amnésie masculine est, en l’espèce, aussi volontaire que répétitive.

Un rôle important dans l’histoire

On oublie ainsi volontiers que les Africaines ont joué un rôle crucial dans la décolonisation. De la révolte des Loméennes en 1933 aux moudjahidate de la guerre d’Algérie en passant par la marche des Ivoiriennes sur Grand-Bassam en 1949 et la résistance concomitante des Sénégalaises, les exemples abondent. Une fois les indépendances acquises, retour aux foyers.

À l’époque qui a suivi, celle des partis uniques et de leurs ineffables organisations féminines, les femmes embrigadées sont à la fois des faire-valoir et des animatrices de meetings, pagnes à effigies du chef moulés sur avantages en nature.

Souffle alors le grand vent des démocratisations accélérées et des conférences nationales. Comme au temps des colonies, les Africaines sortent dans les rues des capitales, en première ligne. Togo, Niger, Zaïre, Mali, Cameroun : partout, leur courage, leur détermination et leur capacité à identifier les actions adéquates font merveille. Les pouvoirs cèdent ou reculent. Nouveau retour aux marmites et place aux hommes, pour lesquels elles ont tiré les marrons du feu.

L’Africaine qui songe à se lancer en politique se voit souvent suspectée d’être une mauvaise épouse et une mauvaise mère

Obstacles pour les Africaines

Depuis, rien n’a changé ou presque. Pour les régimes en place comme pour les oppositions qui aspirent à les remplacer, les femmes sont un vivier électoral périodique et un passage obligé dans les discours de campagne.

La politique reste un domaine presque exclusivement masculin et l’Africaine qui songe à s’y lancer se voit souvent suspectée, par ses collègues et sa propre communauté familiale, d’être une mauvaise épouse et une mauvaise mère alors que nul ne se pose la question de savoir si l’homme politique est un bon mari et un bon père.

La solution passe-t-elle par une politique obligatoire de quotas, comme au Rwanda, pionnier en la matière ? C’est possible. Mais pas aussi simple qu’il y paraît. Dans nombre de pays d’Afrique francophone en effet, les volontaires ne sont pas légion. Déçues par la dénaturation du combat politique et par le fonctionnement de partis où tout est fait pour ne pas les attirer, les plus dynamiques ne s’intéressent guère à l’engagement militant, préférant s’investir au sein de la société civile et d’ONG refuges, afin d’y défendre leurs droits, en marge des institutions démocratiques.

Les femmes spectatrices du théâtre politique

Faute de chercher à négocier leur contribution en échange d’une vraie représentation au sein des centres de décision et faute d’avoir inscrit leur engagement aux moments cruciaux dans une stratégie d’accession et de participation au pouvoir, les femmes africaines restent donc largement spectatrices du théâtre politique.

En matière de développement bien sûr, mais aussi de gouvernance, cette situation d’infériorité est un immense gâchis. Il serait bon que les hommes le sachent en effet : cette autre moitié du ciel africain que sont les femmes est en général plus travailleuse, plus honnête, plus sociale et moins prédatrice qu’eux-mêmes. À elles de comprendre que le fameux slogan « one man, one vote » signifie aussi « une femme, une voix ». Le pouvoir aux femmes ? Et si c’était cela, la seule alternance qui vaille ?

François Soudan