hissen habréLors de la reprise de son procès, lundi à Dakar, Hissène Habré a de nouveau refusé de comparaître et a dû être amené de force dans la salle d’audience par les autorités. Ce qui a provoqué une réaction musclée des partisans de l’ancien dictateur tchadien.

Un turban d’un blanc immaculé, qui dépasse du dossier du fauteuil ou quatre colosses encagoulés des Éléments pénitentiaires d’intervention (ÉPI) le clouent malgré lui. C’est la seule image qu’aura aperçu de lui, ce lundi matin à Dakar, le public clairsemé venu assister au procès de Hissène Habré. La défense de rupture de l’ancien président tchadien n’est pas seulement juridique, mais aussi physique: Habré refuse de comparaître devant ses juges, et malgré ses 73 ans, il est prêt à engager ses dernières force dans la bataille. C’est donc porté par plusieurs gardes à l’allure de ninjas qu’il a fait son entrée dans la salle 4 du palais de justice de Dakar, où siège, après 45 jours d’interruption, la Cour d’assises africaine extraordinaire chargée de le juger pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture.

Deux heures plus tôt, l’audience s’était ouverte dans le calme, sur un siège vide. « L’accusé se trouve dans la cave du tribunal. On attend vos instructions », répond le procureur général Mbacké Fall au président Gberdao Gustave Kam, qui l’interroge sur l’absence de Habré. Ordre est donné de lui délivrer une sommation d’huissier afin qu’il comparaisse. L’audience est provisoirement suspendue.

Véritable pugilat

Elle ne reprendra qu’une heure et demie plus tard, dans un véritable pugilat. À la seconde où Hissène Habré apparaît, allongé, porté jusqu’à la barre par les hommes de l’ÉPI, ses partisans, massés aux premiers rangs, se lèvent comme un seul homme, prêts à engager le combat face aux gendarmes sénégalais. Une échauffourée s’ensuit, et une dizaine de pro-Habré déterminés seront évacués sans ménagement par une porte de service. Pendant ce temps, l’accusé ne compte pas rester là contre son gré, et contraint quatre agents pénitentiaires à le maintenir de force sur son fauteuil. Il faudra attendre une bonne trentaine de minutes pour que ces derniers relâchent quelque peu leur étreinte, l’ancien homme fort de N’Djamena s’étant assagi.

Avant l’incident, lors d’une brève plaidoirie, les avocats des parties civiles s’étaient montrés déterminés : pas question pour eux de permettre au bourreau présumé des victimes qu’ils représentent d’opter pour l’esquive, face à une juridiction dont il conteste la légitimité. Ils ont donc demandé au président Kam de rester fidèle à la position qu’il avait adoptée lors de l’ouverture du procès, le 20 juillet, en contraignant l’accusé à comparaître. Le magistrat leur a donné gain de cause, en rédigeant une ordonnance sommant Habré d’assister aux audiences pendant toute la durée du procès.

Des avocats qui boycottent l’audience

Dans la salle des pas perdus, François Serres, l’un des deux avocats officiellement constitués par Hissène Habré, qui boycotte l’audience à la demande de son client, fulmine: « Nous sommes dans un cirque de violence et de brutalité qui ne peut susciter que l’indignation absolue. Je n’ai jamais vu qu’un homme, libérateur de son pays, puisse être maintenu et brutalisé physiquement pendant la lecture d’un acte d’accusation. »

Lors d’une interruption d’audience, les trois avocats sénégalais commis d’office par la cour d’assises afin de garantir une saine administration de la justice faisaient savoir, quant à eux, qu’ils défendraient Hissène Habré, même contre sa volonté. « C’est une mission que nous a confié une juridiction », se justifiait l’un d’eux, Me Gning. Une décision qui relèverait, selon François Serres, d’une « violation de l’éthique et de la déontologie » de la corporation, puisque Hissène Habré refuse d’être défendu lors du procès.

Entamée en fin de matinée, la lecture par un greffier de l’ordonnance de renvoi devait se poursuivre tout l’après-midi, en présence d’un Hissène Habré toujours cloué à son siège.

Mehdi Ba