Lionel-ZinsouAu cours d’un entretien avec BBC Afrique , Le premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou, a déclaré qu’il était à contre-courant des préjugés

BBC: Vous aviez dit sur une radio française que la Françafrique était plus un mythe qu’autre chose. Mais quand vous voyez les compagnies françaises contrôler, dans des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, les principaux secteurs de l’économie, n’êtes-vous pas à contre-courant de la situation ? Regardez-vous la situation avec des œillères ?

Lionel Zinsou : Je suis à contre-courant des préjugés. La première banque dans notre pays est marocaine. La première entreprise dans notre pays est MTN, qui est sud-africaine. Le premier partenaire de l’échange du Bénin s’appelle la Chine. Le deuxième partenaire de l’échange import-export du Bénin s’appelle l’Inde.

Donc je crains que ce soit un arrêt sur image. On décrit un Bénin des années 1960, peut-être jusqu’aux années 1970. D’ailleurs, cela vaut pour toute l’Afrique. Prenez les parts de marché relatives de la France, aujourd’hui elle n’est pas plus en domination que la Grande Bretagne dans les pays anglophones. Il faut regarder le monde pour ce qu’il est : la Chine existe, l’Inde existe, la Turquie, la Corée du Sud ou encore le Brésil sont devenus des partenaires considérables.

Prenez simplement le système financier : vous avez les banques du Maroc, celles du Nigeria ou bien celles de l’Afrique du Sud. Les banques françaises en zone franc ne sont mêmes plus les premières banques, ce sont les banques marocaines. Il y a un arrêt sur image, les préjugés semblent durer 20 ans de plus que les réalités économiques.

Quand des Français se plaignent de la Françafrique, de ses réseaux politiques, des associations mafieuses, je pense qu’ils ne se sont pas aperçus que la France avait perdu tellement de terrain relatif. Et quand se sont des Africains qui se plaignent de la Françafrique, encore une fois à cause des connexions politiques, et qu’ils pensent qu’ils sont encore dominés par la France, moi je leur dis : « Regardez les chiffres ».

Là, je vous ai cité des puissances étrangères et les pays émergents. La croissance de l’Afrique est émergente de façon complètement endogène, et ce qui est important dans notre pays, ce sont les entreprises du Bénin. Ce qui est de plus en plus réel – il suffit d’ouvrir les yeux – c’est l’intégration africaine avec des marchés régionaux.

Quand nous sommes voisins du Nigeria, il ne faut pas se demander si c’est la France qui domine. Il faut regarder les chiffres de base et il faut regarder combien l’intégration entre le Bénin et le Nigeria est puissante. C’est un simple arrêt sur image. C’est devenu une mythologie, mais une mythologie très vivante.

via BBC Afrique