Contre toute attente, le candidat républicain va devenir en janvier prochain le 45e président des États-Unis.

Son discours sur les emplois, les vies et les valeurs en danger aura finalement unifié l’Amérique conservatrice.

Le spectacle continue. Donald Trump a réalisé son rêve. Lui, l’ancien magnat de l’immobilier reconverti en animateur de téléréalité, vainqueur improbable de l’élection présidentielle, président-élu de la première puissance mondiale, concentre désormais l’attention du monde entier.

Ultime satisfaction : désormais, tout le monde doit le prendre au sérieux. Souvent sous-estimé et considéré comme un bouffon ou un bateleur inculte, il s’est imposé comme il a appris à le faire, en fusionnant politique, téléréalité et réseaux sociaux.

Fils d’un entrepreneur immobilier et d’une adepte des mondanités

Donald Trump, un baby-boomer né en 1946, a grandi dans une belle demeure aux colonnes victoriennes, sur une colline plantée de grands chênes, au cœur de la riche enclave de Jamaica Estates, dans le district du Queens (New York), avant dernier d’une famille de cinq enfants.

Son père, Fred Trump, entrepreneur immobilier, lui a très vite donné le goût de la compétition : finir ses chantiers avant les autres, louer ses bâtiments le premier, racheter l’un ou l’autre de ses concurrents en faillite.

Mary Trump, sa mère, une immigrée écossaise, aime les mondanités et le grandiose. Elle lui transmet le sens de la mise en scène qui a fait le succès de son émission de téléréalité « The Apprentice » et de ses meetings de campagne.

« Le monde est dangereux. Il faut être prêt à se battre »

Tous les matins, un chauffeur l’emmène à l’école élémentaire privée de Kew Forest, dans le quartier voisin de Forest Hills. Surveillé de près par un père autoritaire, le jeune « Donny » aime la bagarre, verbale et physique. Son père apprécie et l’encourage à être un « tueur ». Mais quand il y ajoute des escapades secrètes à Manhattan, ses parents l’envoient en internat au lycée militaire de Cornwall, au nord de New York.

Pendant cinq ans, il s’épanouit dans la culture « macho » de cet environnement très masculin et hiérarchisé. C’est lui qui ramène les jolies filles sur le campus, lui aussi dont le nom apparaît dans le journal pour ses performances dans les matchs de base-ball. Donald Trump décroche ensuite un diplôme de la prestigieuse Wharton School à Philadelphie, sans jamais oublier la leçon apprise de son père et de ses professeurs de l’académie militaire : « Le monde est dangereux. Il faut être prêt à se battre. »

La Trump Tower, seul vrai succès de sa carrière

Dans les années 1970 et 1980, l’héritier se lance dans l’immobilier à Manhattan avec l’aide de son père, cosignataire de ses premiers contrats pour l’acquisition du Grand Hyatt Hotel et qui lui prête 7,5 millions de dollars pour acheter un casino à Atlantic City. Il construit la fameuse Trump Tower sur la 5e Avenue, le seul vrai succès dans sa longue carrière d’entrepreneur.

Les années 1990 et 2000 sont plus difficiles avec une succession de faillites. Trois mariages et cinq enfants plus tard, Donald Trump se réinvente dans la téléréalité, entre 2004 et 2015, avec « The Apprentice » qui atteint l’audience record de 28 millions de spectateurs dans sa dernière saison. Dans une interview au New Yorker publiée en juillet 2016, Tony Schwartz, le journaliste qui lui a servi de nègre pour l’écriture de The Art of The Deal (« L’Art de la négociation »), best-seller publié en 1987, décrit un être « pathologiquement impulsif et autocentré » avec un « besoin d’attention totalement compulsif ». Un « narcisse fasciné par lui-même, à l’intersection de la célébrité et du néofascisme », ajoute Mark Danner, professeur à Berkeley.

Fier de son ignorance en matière de politiques publiques

De la publication de son livre, vendu à plus d’un million d’exemplaires, jusqu’à sa candidature, Donald Trump a construit avec succès le mythe d’un « dealmaker », négociateur sans égal, toujours capable de tirer le meilleur parti de chaque situation et qui sortira l’Amérique de son malaise. « La seule chose qui lui restait à faire, c’est d’être candidat à la Maison-Blanche », commente Tony Schwartz.

Son style de management ? Côté positif, ceux qui l’ont fréquenté citent son charisme, sa spontanéité, sa facilité de communication et sa capacité à décider rapidement. Côté négatif, son tempérament volatil et imprévisible. À la tête d’une entreprise clanique et familiale, Donald Trump déteste la bureaucratie. Dépourvu de toute expérience politique, il n’a jamais dirigé une grande organisation, fier de son ignorance en matière de politiques publiques.

Dans sa vision du monde, les États-Unis doivent renégocier leurs accords commerciaux et leurs alliances de sécurité. L’Amérique doit cesser de payer pour défendre des pays qui ont les moyens de se défendre par eux-mêmes, qu’il s’agisse des pays du Golfe, du Japon et de la Corée du Sud ou des États membres de l’Otan, quitte à tout reconsidérer s’ils ne veulent pas payer pour le déploiement des forces américaines. Il rétablira l’équilibre de la balance commerciale avec la Chine, construira un mur « impénétrable » sur la frontière avec le Mexique et interdira l’immigration en provenance des « régions terroristes ».

Accusations de sexisme, misogynie, racisme et xénophobie

Jusque dans les derniers jours de la campagne, Donald Trump a déployé son talent à jouer sur les peurs en propageant les théories du complot les plus inquiétantes. La plus récente : affirmer que les élections seraient truquées par les autorités en faisant voter des immigrants illégaux et des morts.

Aux yeux de ses partisans, les accusations de sexisme, misogynie, racisme et xénophobie portées contre lui sont un badge d’honneur. Même s’ils ne prennent pas au sérieux toutes ses promesses, ils se sentent respectés quand quelqu’un de sa stature, – un riche membre de l’élite classé au 121e rang dans l’oligarchie des milliardaires américains –, choisit de se mettre de leur côté pour rejeter furieusement le « politiquement correct ».

« Celui qui se bat pour gagner mais ne sait jamais pourquoi »

Au nom de l’autodéfense, plus de 60 millions d’Américains lui ont accordé leur suffrage. Ses supporteurs lui pardonnent sa grossièreté, son refus de publier ses déclarations fiscales et son éloge des autocrates. Son discours sur les emplois, les vies et les valeurs en danger a unifié les conservateurs. Lui seul prendra en main la protection de la patrie, lui, l’homme fort qui protégera l’Amérique.

Que cache-t-il derrière le masque de l’acteur ? Le guerrier protestant presbytérien sera-t-il capable de « rendre l’Amérique à nouveau grande » comme le proclame son slogan de campagne ? Quel rôle incarnera-t-il dans le bureau ovale ? « Donald Trump joue toujours à Donald Trump, celui qui se bat pour gagner mais ne sait jamais pourquoi », soutient Dan P. McAdams, chef du département de psychologie à la Northwestern University. Sa présidence nous fournira la réponse.