Pour la première fois dans l’histoire des lamidats (chefferies traditionnelles du 1er degré) du Nord Cameroun, des femmes ont été intronisées comme notables pour jouer un rôle décisif aux côtés de leurs collègues hommes.

Selon la coutume sahélienne, les femmes jouent un rôle secondaire sur tous les plans.

La barrière a été brisée au lamidat de Banyo dans la région de l’Adamaoua.

Le lamido de Banyo Mohaman Gabdo Yaya répond à Mohaman Babalala du service haoussa de la BBC.

Pourquoi cette innovation au sein du lamidat de Banya?

J’ai essayé de comprendre pourquoi nos ancêtres n’associaient pas beaucoup les femmes à leurs activités. On pensait que les femmes devaient s’occuper de la nourriture et des enfants uniquement, de faire les enfants, de les élever. Mais de nos jours, quand on voit le monde, on voit que sans femme dans tout ce que tu fais, tu n’obtiens que la moitié. Donc pour obtenir 100% il faut que les femmes participent à l’action. Même dans les élections, quand c’est rien que les hommes qui votent, vous avez moins de 50%. Mais quand les femmes sont là, on atteint 80 à 90%. C’est pour ca qu’il faut associer les femmes.

Moi, Lamido, je ne peux pas aller dans la concession de quelqu’un pour expliquer à sa femme ce qu’il faut faire. Même s’il est à côté, je ne pourrai pas entrer. Mais les notables femmes que nous avons installées, tout le monde a accepté, peuvent aller de maison en maison expliquer ce qu’il faut, expliquer le social, genre « il faut amener les enfants à l’école », « il faut soigner les enfants et les amener à l’hôpital », « il faut soigner de telle façon telle maladie qui attaque les enfants ».

Est-ce une idée originale provenant de vous-même me ou bien une proposition qui vous a été faite pour que vous introduisez des femmes comme notable au sein de votre lamidat ?

Même pour les réunions, vous ne voyez que les hommes. Il faut que nous introduisions les femmes dans tout ce que nous faisons et nous gagnerions. Les Ong autres ne veulent plus passer par les gouvernements pour aider les populations. Pour que l’aide soit direct, il faut que nous organisions les jeunes, les femmes, les pauvres etc. Ainsi quand un pays veut aider directement une catégorie sociale, cela va arriver directement et non par procuration ou via la représentation du mari, de l’homme ou du gouvernement.

Image caption Une des notables femmes

Est-ce que vous n’avez pas rencontré l’opposition de vos sujets par rapport à cette innovation au sein de votre lamidat ?

A proprement parler, j’ai d’abord sensibilisé les gens. J’ai expliqué : « est-ce que vous voyez des inconvénients ? Ceux qui voient des inconvénients n’ont rien dit, ils gardent leurs femmes pour eux. Ceux qui y voient un avantage dans ce que nous allons faire, ont spontanément adhérer à cette idée. Et j’ai choisi les volontaires, les femmes qui veulent bien travailler et faire ce que nous attendons d’elles.

En tant que lamido où commence votre tâche au niveau du spirituel et au niveau du temporel ?

Au Cameroun, la loi n’interdit pas aux chefs traditionnels d’être également un élu du peuple. Au contraire, c’est un plus. Cela m’ouvre plusieurs portes pour résoudre tous les problèmes du Banyo. Vous savez nous vivons la mondialisation. La mondialisation c’est des idées qui viennent pour la plupart d’un peu partout.

Des idées et des habitudes qui nous viennent étouffent nos propres idées, nos propres valeurs, nos propres activités. S’il n’y a pas de chefs traditionnels qui essaient un peu de faire valoir nos propres valeurs traditionnelles, vous savez que nous allons devenir plus blancs que les blancs.

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