Il est temps que nous parlions de la façon de résoudre nos problèmes. Assez de diagnostics ! Il est maintenant clair que la solution aux problèmes de l’Afrique est entre les mains des Africains et non entre celles de l’Occident. Cela a été ma conviction, ma passion et ma vision au cours des 15 dernières années. Je crois fermement que nos défis et nos problèmes sont susceptibles de perdurer jusqu’à ce que nous arrivions à « domestiquer » la démocratie américaine en Afrique. La plupart de nos attentions ont été dirigées uniquement vers les seules élections.
Il est clair que nous avons besoin d’une refonte de notre système « démocratique » actuel. Nous avons l’occasion de le faire avant qu’il ne soit trop tard. En même temps, tous nos efforts jusqu’ici ont été orientés vers la production de connaissances avec peu ou pas de préoccupation concernant leur application à des situations de la vie réelle. Qui va résoudre nos problèmes pour nous ? Que cela nous plaise ou non, nos problèmes sont susceptibles de persister et d’empirer jusqu’à ce qu’un groupe de savants et d’intellectuels relèvent le défi et montrent la voie à suivre concernant les mesures appropriées qui doivent être prises pour mobiliser toutes les parties prenantes du développement dans tous les secteurs de notre économie. Il existe d’innombrables conférences, ateliers et séminaires consacrés à l’Afrique avec des idées et des communiqués brillants mais où sont les impacts de leurs résultats sur la vie des Africains ?
Le temps est venu pour les universitaires et les intellectuels africains, dans diverses disciplines, de décider ce qu’eux, en tant qu’individus, peuvent faire s’ils sont nommés aux grands postes pour résoudre les problèmes spécifiques. Il ne suffit pas de critiquer le système gouvernemental sans avoir des idées alternatives. À mon avis, l’accent mis sur l’importance et le caractère pratique des connaissances produites par les chercheurs africains est instructif dans la quête du développement africain.
Ce que la plupart d’entre nous décrivent comme des problèmes – la cupidité, l’égoïsme, la corruption, la mauvaise conduite, etc – sont les manifestations du vrai problème, qui est la crise institutionnelle. Dans le but de recherche de solutions concrètes aux problèmes, un diagnostic approfondi de leurs causes est indispensable. Voilà pourquoi il est nécessaire de concevoir un mécanisme institutionnel qui puisse mettre en synergie les efforts des parties prenantes grâce à la planification polycentrique. Celle-ci passe par la mise en place d’assemblées communautaires autonomes qui peuvent nous aider à accomplir la mission de contrôle et de contrepoids au pouvoir central. Nous devons comprendre une chose : les dirigeants corrompus ne changeront jamais, sauf si les citoyens mettent en place des systèmes qui vont restreindre leurs excès et leur mégalomanie. Laissez-nous apprendre des Américains. Ils se sont attaqués au problème au 18ème siècle et les réponses trouvées les ont conduit à la conception des institutions résolvant le problème d’action collective, qui a donné naissance au fédéralisme, lequel à son tour a produit la démocratie.

Nous devons bien étudier et comprendre toutes ces expériences avant de résoudre nos propres problèmes en Afrique. Cela nous oblige à nous engager dans un processus de pensée philosophique, de recherche et d’étude. Sans se poser des questions et sans traiter des problèmes, il ne peut y avoir de tentatives de production de réponses possibles. Ce dont nous avons besoin pour le nouveau gouvernement est une compréhension de la façon de domestiquer la démocratie, restructurer la sphère publique et l’économie politique. Les faits confirment que les élections sont assimilées à la démocratie en Afrique, une situation erronée, trompeuse et calamiteuse, puisque les élus ne sont pas responsables devant les électeurs après les élections. Les défis et les problèmes auxquels est confrontée l’Afrique sont au-delà des personnalités au pouvoir. Un examen rapide des problèmes africains montre que nos problèmes sont au-delà des élections, du parti gagnant/au pouvoir et des personnalités dirigeant les bureaux à différents niveaux de gouvernement.
La voie à suivre pour notre pays est de domestiquer la démocratie, restructurer la sphère publique et l’économie politique à travers la planification et la stratégie polycentrique de résolution des problèmes. Ceci va permettre l’émergence d’une Afrique inclusive où tout le monde compte, et les citoyens se sentent reconnus et responsabilisés, ce qui facilitera une atmosphère de paix et de sécurité, et garantira de la justice sociale et la prospérité économique. S’il y a une crise sociale en Afrique c’est parce que la grande majorité de la population se vautre dans une pauvreté abjecte. Le niveau élevé des inégalités est un précurseur de plusieurs défis et problèmes auxquels notre continent est confronté.
Jusqu’à que nos citoyens soient intégrés dans les projets de développement, les programmes gouvernementaux ne seront pas centrés sur les personnes. Les divers peuples d’Afrique, indépendamment de leur dotation et de leurs capacités entrepreneuriales, vont continuer à souffrir, tandis que la violence, l’insécurité et la pauvreté seront exacerbées. La domestication de la démocratie, et la restructuration de l’économie politique et la sphère publique peuvent être atteintes grâce à une planification polycentrique, et à la mise en place d’Assemblée Communautaires Autonomes (SGCA) pour une expérience pratique de l’approche inclusive et participative de la résolution des problèmes à tous les niveaux (communautaire, étatique, fédéral, etc.). Les SGCA constituent un mécanisme institutionnel qui vont créer une plate-forme de réflexion et d’inclusion des minorités et des groupes marginalisés (les jeunes, les femmes, les retraités, etc.) pour les réintégrer et les réhabiliter.
La planification polycentrique est un mécanisme institutionnel multi-couches et multi-centres qui concerne la réhabilitation des capacités d’auto-administration des collectivités locales en tant que fondement pour reconstruire l’ordre social et économique du bas vers le haut. C’est aussi un processus d’optimisation de l’utilisation des ressources physiques, humaines et institutionnelles en engageant les citoyens dans des relations contractuelles avec l’autorité publique. C’est dans cette approche « par le bas » que réside le salut de l’Afrique.
Samson R. Akinola, chef du département de planification régionale et urbaine à l’Université Osogbo, Nigeria.