L’ère des complots en Guinée s’ouvre en 1960 avec l’opération « Persil », une opération de déstabilisation menée par les services français. Une équipe du 11e choc, le bras armé du SDECE, s’est installée à Dakar. Des Guinéens de la diaspora ont été entraînés aux techniques de guérilla. Mais l’opération doit être démontée. Son échec est immédiatement exploité par le pouvoir guinéen, fragilisé par ses échecs économiques et ses luttes internes. Et de ce premier complot qui, d’une certaine façon a engendré tous les autres qui ont suivi, réels ou imaginaires, nos confrères font un traitement en sept articles dont nous publions ci-dessous le premier

1/7 : Menace aux frontières

Ahmed Sékou Touré, président de la Guinée, photographié le 10 novembre 1959 à l’aéroport de Londres après son arrivée d’Amérique.
Planet News LTD / AFP

À la charnière des mois d’avril et de mai 1960, le dirigeant guinéen Sékou Touré fixait l’un des grands traits de ses années de pouvoir en dénonçant un complot ourdi de l’étranger et en faisant juger puis condamner ses supposés complices. Manipulation ? Réponse nécessaire à une opération secrète de l’ancienne puissance coloniale ? Au terme d’une enquête historique de plusieurs mois, RFI raconte l’histoire de ce complot « fondateur » pour la gouvernance du régime de Sékou Touré. Car s’il y a bien eu une tentative de déstabilisation menée depuis le Sénégal et la Côte d’Ivoire par les services français, les condamnations et la communication qui ont suivi démontrent l’extrême habileté politique du leader guinéen. Dans ce premier volet de cette série en sept volets, nous revenons sur les faits qui se sont déroulés entre avril et mai 1960, deux mois au cours desquels les Guinéens ont réalisé qu’il y avait une menace à leurs frontières.

Conakry, 11 avril 1960. Des drapeaux vert et jaune habillent la grande salle dans laquelle s’installent, les uns après les autres, les délégués venus assister à la deuxième conférence de solidarité afro-asiatique[1]. Un slogan sur une banderole rouge vif barre l’un des murs « L’Algérie sera le tombeau de l’impérialisme français ! » Un peu plus loin, une autre banderole indique « Liquidation de l’impérialisme et du colonialisme ! » La conférence est ouverte par un discours du dirigeant guinéen, Ahmed Sékou Touré. Le secrétaire général de la conférence, l’Égyptien Youssef El Sebaï présente lui, le rapport politique. Il y dénonce les manœuvres « néo-colonialistes » belges, britanniques et françaises, illustrées (dit-il) par la création de la « prétendue communauté »[2]. Le journal Le Monde rapporte que des tracts, décrivant la conférence comme une « manœuvre de propagande communiste » ont été distribués dans les boîtes aux lettres de Conakry[3].

L’origine de ces tracts ? Inconnue. Mais une ombre plane effectivement sur le rassemblement. Selon La Croix, « les bruits les plus alarmants » circulent lors du congrès afro-asiatique[4]. Un diplomate français est plus précis : en ce mois d’avril, la capitale guinéenne bruisse de rumeurs selon lesquelles des personnalités importantes du régime préparent un renversement du pouvoir. Une date circule : celle du 24 avril, présentée comme celle du « grand jour ». La rumeur place même à la tête de la conspiration Barry III (Ibrahima Barry), le ministre de la Justice[5].

En avril 1960 Sékou Touré fait face à une triple menace. Il risque un débordement par les durs de son régime, les plus favorables à l’Est et au communisme. Il doit également contrôler la possible émergence d’une force d’opposition « modérée ». La troisième menace, elle, est sans ambiguïté subversive. Il s’agit d’une tentative de renversement armé du régime qui a bénéficié du soutien du SDECE (Service de Documentation Extérieure et de Contre-Espionnage), les services secrets français. Le pouvoir parviendra d’un seul geste à contenir ces trois périls… à retrouver, pour un moment au moins, une marge de manœuvre politique qu’il semblait avoir perdue. Il réussira, par la même occasion, à éliminer un chef religieux emblématique des tensions de l’époque entre le pouvoir et la communauté musulmane. C’est cette histoire que nous allons reconstruire tout au long de de cette série…

Les nouvelles qui vont tout précipiter viennent du Fouta Djalon. De la préfecture de Mali. Un homme, Boubacar Djelly Dieng est arrêté. Des caisses d’armes venant du Sénégal retrouvées (lire plus bas : Le « complot des armes » à Mali, une mémoire locale).

Le 19 avril, Ahmed Sékou Touré s’adresse aux cadres du PDG (Parti Démocratique de Guinée). Les informations qu’il a à partager avec eux sont de la plus haute gravité. Il dénonce des entreprises de subversion « encouragées par l’étranger », annonce qu’il sévira sans pitié contre les responsables de ces mouvements, « quels qu’ils puissent être ». Le mot d’ordre descend jusque dans les quartiers : des manœuvres dirigées de l’extérieur menacent le pays. Elles iraient « jusqu’à la menace d’intervention militaire sur les frontières »[6].

Toute la nuit, les patrouilles armées circulent dans la capitale. Les points névralgiques sont contrôlés. Les véhicules arrêtés et fouillés. Les responsables des sections ont été chargés de mener des perquisitions chez les suspects. Ils doivent procéder à des arrestations quand des preuves suffisantes ont été recueillies. Les premières personnes sont mises sous les verrous[7].

Vue de Mali, dans le Fouta Djalon en Guinée. | Coralie Pierret

Le 20 avril 1960, Sékou Touré prend cette fois-ci la parole devant la foule. Il s’exprime longuement en langue vernaculaire et reprend, avec plus de véhémence encore, les accusations de la veille. Les Guinéens l’entendent par la suite sur les ondes de Radio Conakry : « Un nouveau complot, déclare-t-il, un des plus monstrueux depuis le 28 septembre, a été publiquement démasqué, preuves à l’appui ». Le responsable guinéen rappelle le précédent de décembre 1959, où dit-il « l’impérialisme français » avait subi « un échec sanglant ». Puis il en vient au nouveau « complot » : « comme toujours, le colonialisme français s’est acquis la complicité de certains éléments africains pour organiser sa sale besogne. S’appuyant sur leur cupidité et leur ambition démesurée, les adversaires de la cause africaine n’ont pas hésité, cette fois encore, à organiser à travers le pays un réseau de Contre-révolutionnaires, dont les mobiles sont bien évidents »[8].

Ahmed Sékou Touré mentionne dans ce discours l’existence de préparatifs militaires le long de la frontière du Sénégal, notamment la construction d’un poste émetteur, et parle de l’installation de camps militaires le long de la frontière avec la Côte d’Ivoire. Des avions devaient survoler la Guinée le 25 mai et lâcher « un million de tracts » appelant au soulèvement des populations. Des spécialistes du sabotage devaient également être recrutés. « 5 000 » assure le leader guinéen. Ahmed Sékou Touré précise qu’un libanais, M. Chaoul et un inspecteur des télécommunications chargé des installations téléphoniques ont été arrêtés en tant que « principaux organisateurs du complot ». D’autres personnalités guinéennes ont également été mises sous les verrous. Tout cela, dit-il, a été révélé par la saisie d’une correspondance manuscrite avec des organisations gaullistes extérieures[9].

Une résolution du Bureau Politique National du PDG est « adoptée à l’unanimité des 60 000 militants présents au meeting ». Elle pointe « l’acharnement aveugle des impérialistes contre la jeune république de Guinée et l’inconscience des provocateurs indignes du titre de citoyen guinéen qu’ils recrutent parmi les soi-disant intellectuels ambitieux et sans scrupules, sous-produits du régime défunt, sans lien avec le peuple, véritables punaises égarées au sein du Parti. »[10]

Le 21 avril, cette fois-ci, c’est une conférence de presse qui est convoquée. Ahmed Sékou Touré y revient sur certains détails : il a eu connaissance de l’installation de dépôts de munitions et de camps aux frontières du Sénégal, du Soudan et de la Côte d’Ivoire, ainsi que de la mise en service prochaine d’une station de radio voisine du territoire guinéen. Des tracts ont été imprimés et devaient être lâchés sur le territoire guinéen. « D’anciens officiers guinéens de l’armée française, dit-il, ont été sollicités pour servir d’encadrement au soulèvement populaire »[11]. Sékou Touré exhibe un tract censé représenter une pièce à conviction. Il annonce que la répression contre ceux qui se sont associés à cette entreprise sera « impitoyable ». Il se livre également à un développement – qui peut paraître surprenant au premier abord[12] – sur la légalité d’une éventuelle opposition politique. Il indique que, si on présente aux plus hautes instances un projet de parti d’opposition qui semble conforme aux intérêts supérieurs du pays, le PDG accordera une subvention de démarrage d’un million, des véhicules et un local. L’argumentaire ne sera pas repris dans les jours qui suivront[13].

Conakry, elle, reste étroitement surveillée. Le palais présidentiel, la poste centrale, les dépôts d’essence sont gardés par des soldats en armes. Les arrestations se poursuivent jusqu’à l’intérieur du pays, mais il se confirme progressivement qu’aucun des ministres n’a été inquiété. Pas même Barry III, qui apparaît à plusieurs reprises aux côtés d’Ahmed Sékou Touré.

Le 3 mai 1960, le chef de la région de Mali, dans le Fouta Djalon, reçoit l’ordre de mettre de toute urgence en route pour Conakry les armes saisies, qui doivent être présentées au corps diplomatique. Des instructions similaires sont transmises par Keïta Fodéba, ministre de la Défense Nationale et de la sécurité guinéenne, au chef de la région de Beyla. Neuf personnes arrêtées à Youkounkoun doivent également être transférées à Conakry[14]. Lors de l’ouverture de la session parlementaire, ce même jour, le chef de l’État guinéen prend la parole à la suite du président de l’Assemblée Nationale. Ont été réunis pour l’occasion les chefs de mission diplomatique, les directeurs des principales entreprises commerciales et industrielles et des représentants des syndicats. Le représentant français a pris soin de ne pas assister à la cérémonie, « craignant justement que l’affaire du ″complot″ ne fût de nouveau évoquée dans des termes inadmissibles ». La France est effectivement mise en cause par Ahmed Sékou Touré : « Tout le long de nos frontières avec la République du Sénégal et de la Côte d’Ivoire ont eu lieu des infiltrations d’armes et de munitions, ont été établies des installations militaires dont l’importance suffit à situer au niveau de l’armée de la communauté française le dessein criminel qui a été projeté pour compromettre la sécurité et le développement de notre nation. » Une exposition des armes saisies « au domicile des conspirateurs » s’ouvre à la permanence du PDG à Conakry. Et la liste des armes trouvées près de la frontière avec le Sénégal est rendue publique.

Le 6 mai, prenant à nouveau la parole devant les cadres du PDG, Ahmed Sekou Touré s’attarde cette fois-ci sur les responsabilités des « contre-révolutionnaires » à l’intérieur du pays. « Ceux-là, a-t-il dit, se trouvent à tous les échelons des comités de section au gouvernement, et leur action est plus néfaste au pays que les manœuvres dirigées de l’extérieur ». Il annonce également la création d’un tribunal populaire qui rassemblera des membres de l’Assemblée Nationale, du bureau politique, de l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée et de la jeunesse. Une « commission technique de travail » sera formée en son sein. Elle recevra les pleins pouvoirs en matière d’investigation et d’enquête, réunira et examinera les dossiers. Les magistrats n’en feront pas partie.

Les diplomates sont invités à venir constater à la permanence nationale du PDG les « preuves du complot ». Toutes les ambassades sont représentées à l’exception des ambassades britannique et française. Un représentant de l’ambassade d’Allemagne qui vient à cette exposition confirme que les fusils exposés sont bien des Mauser, mais il estime qu’une partie seulement viendrait des manufactures qui existaient sur le territoire de l’actuelle RFA. Le reste proviendrait, selon lui, de la RDA[15].

Le 9 mai, Sékou Touré dénonce le caractère « permanent » du complot mené contre la Guinée[16]. Au cours d’une « conférence des cadres », le leader guinéen dresse également un premier bilan des sanctions judiciaires adoptées[17]. Le tribunal populaire a rendu un jugement au sujet de trois réseaux et a prononcé 19 condamnations à mort : à Mali (dans le Fouta Djalon), trois condamnations à mort ont été décidées, 21 personnes sont condamnées à des peines de travaux forcés. À Youkounkoun, huit personnes sont condamnées à mort, mais pour la plupart en leur absence : 7 condamnés sur les 8 ont réussi à s’enfuir au Sénégal. À Conakry, enfin, 8 personnes sont condamnés à la peine capitale. L’ancien inspecteur du travail Diallo Ibrahima, tout d’abord. À ses côtés, Sekou Fofana, Mamadou Camara, l’imam de Coronthie El Hadj Lamine Kaba, Camara Facine dit M’Bombo, Senghor Ousmane Bakele. Le libanais Said Chaoul, suspecté d’avoir été le chef de ce groupe, est lui aussi condamné même s’il s’est « suicidé » en détention. Claude Bachelard, Français, spécialiste radio, se voit infliger la peine capitale par contumace, il a réussi à fuir vers le Sénégal. Pierre Rossignol, qui détenait un poste émetteur non déclaré, a pour sa part été arrêté. Il est condamné à 20 ans de travaux forcé et à la confiscation de ses biens. Les services français croient savoir qu’il a évité la condamnation à mort grâce à une intervention d’Ismaël Touré, le demi-frère du leader guinéen, qui a « fait valoir qu’une telle peine risque de provoquer des incidents avec la France, ce qui ne serait pas le cas avec une peine de travaux forcés »[18]. Un ressortissant suisse, Francis Fritschy, est condamné à 15 ans de travaux forcés. Il avait accompagné Bachelard à l’aérodrome le jour de sa fuite[19].

Le « complot des armes » à Mali, une mémoire locale

Au nord du pays, Mali est la dernière préfecture enfoncée dans les vallées de la région guinéenne du Fouta Djalon, avant la frontière sénégalaise située à soixante-dix kilomètres. Aucune route bitumée ne traverse cette ville délaissée. Les poteaux électriques de la société publique Electricité de Guinée y sont en cours d’installation. « Le courant n’est pour le moment jamais arrivé jusqu’ici », lance un habitant. Dans les masures obscures et éparses, un nom continue de résonner sur les hauteurs de Mali : celui de Boubacar Djelly Dieng, un personnage honni par le régime de Sékou Touré pour avoir « comploté contre la Révolution ».

Dans l’enceinte de l’école primaire, Monsieur Ila l’instituteur se souvient de la « nuit des écoles », des veillées organisées dans les établissements scolaires juste après l’indépendance de la Guinée. « À Mali en 1960, les paroles de nos chants d’écoliers évoquaient l’histoire de Boubacar Djelly Dieng et ses complices qui convoyaient des armes fournies par la France du Sénégal vers la Guinée pour déstabiliser le gouvernement naissant. »

De ce paysan et scieur de long (coupeur de bois qui transforme les troncs en planche, ndlr), il ne reste aujourd’hui presque rien. Ni photo, ni vêtement. « La cantine avec ses effets personnels que les autorités nous ont renvoyé à sa mort a brûlé dans un incendie », explique son fils. Seuls demeurent les souvenirs partagés au sein de la famille. Et plusieurs hectares dont a hérité Aliou Dieng.

La concession de Boubacar Djelly Dieng à Afia-Mali en Guinée. | Coralie Pierret

Ces terres se trouvent au village d’Afia-Mali, à trois kilomètres de la préfecture guinéenne. Au bord de la piste dégradée et fendue menant au Sénégal, un puit hors d’usage se devine au pied de deux arbres plantés par Boubacar Djelly Dieng. En contre-bas de sa concession, une bananeraie, œuvre également de l’ancien propriétaire, ombrage encore quelques natifs. Le temps a détruit les cases en paille de deux de ses épouses, seule la maison en banco qui abritait l’une d’entre elles est toujours debout. En face de ce vestige, tiré à quatre épingles pour l’occasion, Aliou Dieng qui parle rarement de son père, narre fièrement son histoire. « Il se déplaçait souvent jusqu’à Gaya, à quelques kilomètres d’ici en direction du Sénégal car il y possédait un terrain. J’avais cinq ans quand mon père s’est fait arrêter à la frontière. Ici, dans notre concession, je voyais des caisses mais personne ne savait ce qu’il y avait dedans. » C’est à cause de ces caisses en bois que ses deux « marâtres » se feront plus tard arrêter. Car après la perquisition à leur domicile, « des munitions et des armes issues de ces coffres ont été déballées en centre-ville. »

Toute la population locale semble alors suspectée de complicité. Le neveu de Boubacar Djelly Dieng, Ousmane, raconte que se sont enchainées une « quinzaine d’arrestations », y compris dans les coins reculés de ce Mali villageois. « Les forces de l’ordre sont allées au bas-fond, incitant la population à se dénoncer. ″Ceux qui ont transporté les armes, venez, nous allons vous offrir un cadeau″, disaient les gendarmes et policiersAinsi un à un, les habitants ont été arrêtés, y compris ceux qui n’avaient pas participé au trafic », précise Ousmane Dieng.

Le récit du « complot des armes » dépasse rapidement la lisière de la préfecture. Ousmane, qui est alors en huitième année au lycée de Labé, l’apprend depuis cette ville, capitale de la région : « En avril 1960, nous célébrions une fête nationale lorsqu’on nous a appris que des armes auraient été découvertes à Mali, introduites par certains guinéens à travers la frontière. Nous, élèves originaires de Mali, nous étions très gênés. » Les armes trouvées chez Boubacar Djelly Dieng avaient-elles été acheminées dans le but de fragiliser la Révolution ? Une chose est sûre : « Mon père n’était pas d’accord avec le régime de Sékou Touré », se rappelle son garçon.

Aliou Dieng, le fils de Boubacar Dieng | Coralie Pierret

Selon le récit familial, Boubacar Djelly Dieng est décédé fusillé au pied du mont Kakoulima, près de Conakry. « Mes belles-mères ne sont revenues que quelques années après », explique Aliou Dieng. Lui-même a subi les conséquences des soupçons : « Deux ans après les arrestations, les autorités locales refusaient mon inscription à l’école. Mon oncle a fait les corvées pendant trois mois à la préfecture pour que je puisse enfin être accepté ». Des cadres de l’époque sont également  mutés. Ainsi, le grand frère de Boubacar Djelly Dieng, fonctionnaire de la récente administration guinéenne, doit déménager à Dubréka au début des années soixante.

Aujourd’hui encore, les photos d’époque qui trônent sur le buffet du salon d’Ousmane témoignent de l’importance de sa famille, de ses prérogatives et de ses privilèges d’alors. La famille Dieng a longtemps régné « sans partage » sur Mali. Depuis le début du siècle, de père en fils, les chefs de canton se succédaient ; le dernier fut le frère de Boubacar Djelly Dieng. Formé à l’école normale William Ponty de Dakar, Alpha Mamadou Cellou Dieng a occupé la fonction de 1925 à 1957, date de la suppression de la chefferie traditionnelle. Le prestige passé a-t-il nourri des jalousies familiales ? « Boubacar a été dénoncé par une parente éloignée du côté maternel, une certaine Nioca. Par la suite, elle a été décorée de la médaille d’honneur sous la Première République », indique Ousmane, professeur d’histoire à la retraite.

Ousmane Dieng, le neveu de Boubacar Dieng | Coralie Pierret

Si chez les Dieng de Mali, Boubacar a laissé le fantôme d’un homme courageux et hardi, la famille d’un de ces complices a, elle, perdu le fil de cette histoire. « Vous avez de la chance de nous trouver de ce côté de la frontière aujourd’hui, toute la famille était au Sénégal il y a quelques jours à cause d’un décès » témoigne la fille d’Amadou Oury Wara. Accusé d’être lui aussi un comploteur, en fuite, il a élu domicile au Sénégal et n’est jamais revenu. Il a a priori fini ses jours en « Haute Volta », l’actuel Burkina Faso. « Il me semble », tente de se souvenir l’aînée de la famille, avant de décrocher la seule photographie qu’il lui reste de son père qu’elle dépoussière dans son jardin. La brise fraiche et capricieuse du Fouta Djalon souffle. À quelques buttes et virages de cette concession, au bout d’une piste sinueuse, la « dame du Mali » se dresse. Et de cette célèbre falaise, il est possible, les jours de beau temps, d’apercevoir le fleuve Gambie et la ville sénégalaise de Kédougou.

Source : Rfi Savoirs

 [1] Selon la chronologie établie par Pierre Siraud, le chargé d’affaire de France en Guinée, la séance inaugurale de la deuxième conférence de solidarité des Peuples afro-asiatiques a eu lieu le 11 avril 1960, la séance de clôture le 15 avril. Cf. « Rapports de la Guinée avec les pays étrangers », TD n°351/AL du 8 avril 1960. Archives Diplomatiques. La Courneuve. Boîte 51QO/43.

[2] La « Communauté française » est, selon les termes de la constitution de la Ve République, un cadre juridique de type fédéral dans lequel doivent s’inscrire à partir de 1958 les relations entre la France et les colonies qui auront choisi le statut d’ « État membre ». La Communauté correspond à une volonté française de l’époque de maintenir ces territoires dans la sphère d’influence de Paris, en dépit des idées indépendantistes qui s’y installent.

[3] Cf. « CONAKRY : M. Sekou Touré a ouvert lundi la ″conférence de solidarité″ afro-asiatique sous le signe de la ″liquidation du colonialisme″ », Le Monde, 12 avril 1960.

[4] Cf. TK « Une forte opposition au gouvernement se développe en Guinée », La Croix, 28 avril 1960, p8.

[5] Ces éléments supplémentaires sur les rumeurs d’avril et le fait que le nom d’Ibrahima Barry circule sont rapportés par Pierre Siraud, le chargé d’affaires de France en Guinée, dans son Télégramme 361/365 du 20 avril 1960. Archives diplomatiques, La Courneuve, Série Afrique-Levant 1960-65, boîte 51QO/43.

[6] Cf. Télégramme 361/365 du 20 avril 1960. Archives diplomatiques, La Courneuve, Série Afrique-Levant 1960-65, boîte 51QO/43.

[7] Cf. « L’affaire du complot » Télégramme 431/AL du 30 avril 1960, Archives diplomatiques, La Courneuve, Série Afrique-Levant 1960-65, boîte 51QO/43.

[8] Cf. Télégramme n°368/373 du 21 avril 1960, Archives diplomatiques, La Courneuve, Série Afrique-Levant 1960-65, boîte 51 QO/43.

[9] Les informations complémentaires citées dans ce paragraphe sont rapportées dans l’article « Un complot contre-révolutionnaire découvert à Conakry annonce M. Sékou Touré » dans Marchés Tropicaux, 23 avril 1960, p 997.

[10] Cf. Télégramme n°368/373 du 21 avril 1960, op cit.

[11] Télégramme n°375/76 du 22 avril 1960, archives diplomatiques, la Courneuve boîte 51QO43.

[12] Mais qui ne l’est pas si on considère que le régime se sent également menacé par les modérés du régime, cf. volet 8 de cette série « Un coup politique derrière le complot ».

[13] « L’affaire du complot » Télégramme 431/AL du 30 avril 1960, Archives diplomatiques, La Courneuve, Série Afrique-Levant 1960-65, boîte 51QO/43.

[14] « Les événements de Guinée » Document du SDECE réf. 31396/A du 24 mai 1960. Op. cit.

[15] « Les événements de Guinée » Document du SDECE réf. 31396/A du 24 mai 1960. Op. cit.

[16] « Situation Intérieure » Télégramme Diplomatique 532/AL archives diplomatiques, la Courneuve boîte 51QO/43.

[17] Cf. « Les lendemains du Complot » Télégramme n° 479/AL du 14 mai 1960, Fonds Foccart Arch. Nat. 5 AGF/1637 et « Les événements de Guinée » Document du SDECE ref. 31396/A du 24 mai 1960. Op. cit. Nous retenons ici le décompte des condamnations réalisé par le SDECE.

[18] Les événements de Guinée, document du SDECE référence 31919/A du 15 juin 1960 p3. Service Historique de la Défense, Archives de Vincennes, boîte GR 10 R 853.

[19] Un document officiel Suisse du 23 février 1961 rappelle les principaux éléments de l’affaire Fritschy. Né en 1934, originaire de Laufon, un moment photographe technicien auprès de l’ONU à Genève, Francis Fritschy part s’installer pour la Guinée en février 1960, « afin d’y exercer son métier ». « Deux mois et demi après son arrivée, notre compatriote fut arrêté et incarcéré, sous prétexte d’avoir participé à un complot contre l’Etat. Sans avoir pu comparaître devant une juridiction et se défendre, un tribunal populaire prononça contre lui une peine de 15 ans de travaux forcés en même temps qu’étaient condamnés à mort ou à des peines de travaux forcés plus élevées 38 africains et 2 autres Européens. Des renseignements de provenances différentes permettent de conclure que Fritschy n’avait participé à aucun complot politique. Cependant, par inconscience, notre compatriote a commis l’imprudence de conduire à l’aéroport de Conakry un Français qui s’est enfui avec un avion du club d’aéronautique parce que devenu suspect aux yeux des autorités guinéennes. » « Affaire Francis Fritschy », s.B.32.11Guinée – GT/dw. Berne, le 23 février 1961. Documents Diplomatiques Suisses. Consulté sur http://dodis.ch/16793