espionamericainQue doivent penser les Africains des révélations relatives à la surveillance des trois derniers dirigeants français par l’Agence de renseignements américaine, NSA ? Eux qui se ruent outrancièrement sur les moyens de communication électronique, caractéristiques de notre époque, ont-ils des raisons de s’inquiéter ? Face à cette manie de surveiller tout et tout le monde, peuvent-ils faire ou dire quelque chose ou bien devront-ils se résoudre à subir cette intrusion dans la sphère privée des individus et des sociétés ? Ce sont là quelques-unes des questions auxquelles le continent demeure confronté, après les révélations tonitruantes de nos confrères de Libération et de Mediapart.

C’est un  peu avec l’œil du spectateur que bon nombre des Africains perçoivent les notes de wikileaks relayées par Libération et Mediapart.  Vu que le précédent avec la chancelière, Angela Merkel, était déjà dans les mémoires, ils ne sont pas nécessairement surpris. Naturellement, comme beaucoup, ils sont préoccupés. Mais ils sont convaincus qu’ils n’y peuvent rien. Quand Angela Merkel, jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou France Hollande sont victimes, les Africains savent qu’il est vain, pour eux, de tenter quoi que ce soit.

Ils sont cependant en face un dilemme plutôt insoluble. D’un côté, cédant aux sirènes de la modernité pilotée par l’occident et grâce à la Chine qui met à disposition des produits et services à des prix qui leur soit accessible, ils se sont tous mis à l’électronique. Smartphones, tablettes et autres laptops font partie de leur univers ordinaire. Personne ou presque ne peut plus s’en passer. On n’en a pas parce que c’est nécessaire. Mais on doit en avoir parce que c’est tendance. A cela s’ajoute que le phénomène des réseaux sociaux s’est invité dans toutes les demeures. Du coup, il ne faut pas espérer que la solution à l’espionnage de l’Afrique puisse venir de sa déconnexion. La marche est irréversible. Aussi irréversible que les dirigeants au premier plan, jadis plutôt ringards, se font happer, les uns après les autres.

D’un autre côté, ils ne peuvent rien contre le phénomène de la surveillance de masse qui, lui aussi, semble tout aussi irréversible. Ne disposant pas des moyens notamment techniques pour y faire face, ils préfèrent ne pas en avoir la prétention. Il leur est préférable de ne pas s’encombrer d’un souci aussi futile. Il en résulte qu’ils consentent à subir. Ils ont conscience de ne pas avoir de vie privée. Mais ils assument parfaitement. Quant aux dirigeants, ils ne font pas autrement. Ayant conscience, eux aussi, de leur vulnérabilité, ils opposent la résignation à la surveillance électronique.

 Boubacar Sanso Barry