Ce mardi 21 avril, Mohamed Morsi a été condamné à 20 ans de prison par un tribunal du Caire. La justice lui reproche d’être impliqué dans des arrestations et des actes de torture contre des manifestants durant son mandat, et d’avoir incité à la violence. Mais l’ancien président égyptien échappe à la peine de mort. Dans le quartier informel et populaire de Boulac, les Cairotes réagissent à ce verdict, qui a également suscité de nombreuses réactions de la part de la confrérie des Frères musulmans, dont l’ancien président était membre.
Sur les terrasses improvisées des ruelles de Boulac, la condamnation de Mohamed Morsiest loin d’être le sujet numéro 1 de discussion, rapporte notre correspondant au CaireFrançois Hume-Ferkatadji. Depuis quelques mois, la politique a déserté les conversations, explique un mécanicien. Pour lui, le procès de l’ancien président n’est qu’une mascarade supplémentaire.
« Nous ne comprenons rien »
« En tant que citoyen égyptien, j’ai perdu toute confiance dans le système judiciaire il y a déjà trente ans de cela, confie-t-il. Nous avons une sorte de tradition en Egypte : celui qui a le pouvoir peut faire ce qu’il veut. Il peut mettre en prison qui il veut, ou faire sortir qui il veut. Mais nous, en tant que peuple, nous ne comprenons rien à ce qui se passe. »
Autour de lui, plusieurs hommes se lèvent de leur chaise pour acquiescer et finissent par conclure que ni les Frères musulmans, ni l’armée ne méritent le pouvoir. Mais dans le bureau qui se trouve à deux pas, le discours est tout à fait différent : « La peine n’est pas assez sévère ! Morsi, il faudrait le pendre », lance un homme.
Un autre, propriétaire de plusieurs commerces dans le quartier, renchérit : « Nous avons passé la pire année de notre vie quand il était au pouvoir. Ce qu’il dit à propos de l’islam, nous le savons déjà, c’est eux qui ne connaissent rien. De toute façon, ce n’était pas vraiment le chef, juste une marionnette des Frères musulmans. »
« Pas habilité à juger un président »
Dans l’autre camp en Egypte, après l’annonce du verdict, les déclarations, communiqués et appels se sont multipliés sur les chaines de télévision satellitaires proches des Frères musulmans, ainsi que sur les médias sociaux, relate Alexandre Buccianti, également correspondant de RFI au Caire. La « coalition pour le soutien de la légalité », composée essentiellement de Frères musulmans, a rejeté le jugement comme « nul et non avenu ».
Ossama, le fils de Mohamad Morsi, a affirmé que son père était toujours président en exercice et que « le tribunal à la solde du coup d’Etat n’était pas habilité à juger un président en exercice ». Le cheikh Youssef al Qaradawi, autorité spirituelle de la confrérie, s’est joint aux différents appels pour manifester et poursuivre la révolution contre « les putschistes ». Un haut responsable en exil a même appelé à « internationaliser l’affaire ».
L’aventure judiciaire n’est pas terminée pour Mohamed Morsi. L’ancien président doit faire face à quatre autres procès. De quoi éloigner un peu plus les habitants de Boulac de la politique, et susciter encore l’indignation des partisans de l’ex-chef de l’Etat.