Un étudiant en électronique féru d’informatique
Sid Ahmed Ghlam serait arrivé en France il y a six ans dans le cadre d’une procédure de regroupement familial. Ayant déjà passé deux ans dans le pays entre 2001 et 2003, notamment à Saint-Dizier, où il rejoint son père avec sa mère, et après avoir été contraint de rentrer en Algérie faute de papiers, il s’engage en 2009, à Reims puis à Paris, dans des études d’électronique. Lors de son arrestation, dimanche matin, il séjournait dans un foyer étudiant du 13è arrondissement de Paris et était blessé d’une balle à la jambe, raison pour laquelle il a été interpellé.
Il avait en effet appelé lui-même les secours, dimanche 19 avril vers 9 heures, affirmant avoir été agressé et perdre beaucoup de sang. Le Samu avait alors appelé la police, comme il se doit en cas de blessure par arme, et cette dernière est aussitôt remontée, en suivant les traces de sang, jusqu’à un véhicule garé non loin de là. À l’intérieur : kalachnikov, arme de poing, gilet pare-balles, munitions et gyrophare.
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Féru d’informatique et de réseaux sociaux, sur lesquels il manifestait son attrait pour le jihad, le jeune Algérien est décrit comme une personne discrète par ses voisins de foyer. « C’est la première fois qu’on entend parler de lui depuis qu’il a pris l’appartement.,Iil n’y a eu aucun signalement, il payait son loyer normalement, environ 200 euros par mois », décrit une porte-parole du Crous, Constance Blanchard.
« Je suis un peu choqué d’apprendre ça comme ça », a déclaré à l’AFP un de ses voisins, Léo Coeur, étudiant de 18 ans en philosophie à Paris 1, qui a observé le déploiement policier dimanche. « Je suis inquiet », « j’ai peur qu’il se passe quelque chose dans une fac parisienne », soupire-t-il.
En contact avec un homme en Syrie
Sid Ahmed Ghlam semble pourtant avoir préparé minutieusement un attentat, qui devait avoir lieu de manière imminente, comme les policiers vont le découvrir en inspectant son domicile. Des armes, des documents détaillant les attaques ou encore le temps d’intervention supposé des policiers ont été retrouvés dans la chambre 310 qu’il occupait. D’autres, en arabe, évoquent « les organisations terroristes Al-Qaïda et État islamique », selon le procureur de Paris, François Molins.
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L’analyse du matériel informatique a également permis d’établir que Sid Ahmed Ghlam « était en contact avec une autre personne pouvant se trouver en Syrie avec laquelle il échangeait sur les modalités de commission d’un attentat, ce dernier lui demandant explicitement de cibler particulièrement une église », a expliqué le procureur.
Surveillé par les services de renseignement
Sid Ahmed Ghlam avait exprimé sur Facebook, « comme des dizaines voire centaines d’autres, son envie de partir en Syrie » pour y mener le jihad, rapporte une source policière. Il était à ce titre connu des services de renseignement et faisait l’objet d’une « fiche S » de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Celle-ci implique notamment une surveillance discrète, d’autant que plusieurs membres de son entourage semblent aussi avoir basculé dans l’islam radical.
D’après Le Monde, Sid Ahmed Ghlam aurait également passé une semaine en Turquie en février 2015 et, placé en garde à vue à son retour, il aurait été relâché peu après, faute d’éléments permettant de « justifier l’ouverture d’une information judiciaire », d’après le ministère de l’Intérieur. Son casier judiciaire ne fait état d’aucune condamnation et, si son nom figurait dans une procédure pour des faits de violence volontaires en août 2013, celle-ci avait été classée sans suite en raison du retrait de plainte de la victime.
Soupçonné du meurtre d’une jeune femme
Sid Ahmed Ghlam est également soupçonné du meurtre d’une jeune femme, perpétré dimanche matin à Villejuif. « L’exploitation des données GPS » a permis de préciser « sa présence à Villejuif, dans le créneau horaire où Aurélie Châtelain était assassinée alors qu’elle se trouvait dans son véhicule, assise sur le siège passager en train de consulter son ordinateur », a déclaré le procureur, précisant que le meurtre avait eu lieu à environ deux kilomètres d’une église de Villejuif qui était visée par le terroriste.
« Aurélie Châtelain a été tuée d’une seule balle (…). L’ADN de l’individu a été retrouvé dans le véhicule d’Aurélie Châtelain, une sur le frein à main, l’autre sur le bas de caisse gauche. » a indiqué François Molins. « De même, du sang d’Aurélie Châtelain était retrouvé sur la parka du mis en cause », a-t-il ajouté. L’expertise balistique a permis de déterminer que l’une des armes saisies dans le coffre de Sid Ahmed Ghlam était bien celle qui avait tiré la balle qui a tué Aurélie Châtelain.
Où en est l’enquête ?
Après des « déclarations fantaisistes » lors de sa garde à vue, Sid Ahmed Ghlam s’est « enfermé dans un mutisme complet », a dit le procureur. Néanmoins, plusieurs armes et des gilets tactiques retrouvés lors des perquisitions laissent penser qu’il aurait pu avoir des complices. L’enquête s’oriente donc vers son entourage. À Saint-Dizier, où vit sa famille, des opérations de police se sont déroulées dans la partie pavillonnaire du Vert-Bois, un quartier propret et arboré, avec des maisons d’un étage collées les unes aux autres.
Mercredi matin, les policiers de la Brigade de recherches et d’intervention (BRI) ont arrêté une jeune femme de son entourage, habillée d’une burqa et convertie récemment à l’islam, selon des sources proches de l’enquête. Elle résidait depuis six ou sept mois dans un petit pavillon loué dans le quartier avec deux enfants en bas âge, les volets toujours fermés. Sid Ahmed Ghlam s’y rendait régulièrement le week-end.
La femme de 25 ans est « extrêmement discrète, ne faisant pas d’histoire ». On ne la voyait « que lorsqu’elle allait chercher ses enfants à l’école », selon une voisine. C’était la seule femme à porter la burqa dans le quartier, ajoute-t-on dans le voisinage. « Elle n’a pas de petit ami » et « s’est convertie il y a environ deux ans à l’islam », qu’elle pratique « à fond et ne parle pas de terrorisme », confie Angélique, sœur de la jeune femme interpellée. À ce stade, son lien précis avec le suspect n’est pas clair.
(Avec AFP)