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Titi Camara et sa vie d’après

titiLes dernières nouvelles de Titi Camara parlaient d’un incendie qui aurait pu le laisser sur le carreau. Qu’on se rassure, Titi va bien. L’ancien Marseillais nous raconte « sa vie d’après ».

« Une honte pour la Guinée ! ». La nomination de Luis Fernandez à la tête de la sélection guinéenne n’a pas vraiment plu à Titi Camara. D’ailleurs, un peu plus de deux mois plus tard, la grogne n’est toujours pas retombée, pour ce qu’il estime être un manque de considération des techniciens locaux. « Que les coachs et joueurs africains rentrent au pays ! harangue-t-il. On a besoin de leur expertise et de leurs compétences ici. Quand on voit un Tévez, sollicité par les meilleurs clubs de la planète, qui choisit de rentrer jouer chez lui, en Argentine… ça fait chaud au cœur. »

De sélectionneur à ministre

Titi Camara n’a jamais caché son amour pour la Guinée. « Il répondait tout le temps présent. J’ai grandi avec son poster dans ma chambre. On s’identifiait tous à lui, se souvient Kaba Diawara, son ancien coéquipier à Marseille et en sélection. Même blessé, il se débrouillait pour partir avec la sélection alors que les clubs ne laissent pas forcément les joueurs africains rejoindre leurs équipes nationales. » C’est précisément pour cette raison que Camara se fera éjecter des deux écuries de Premier League – Liverpool et West Ham – dans lesquelles il a évolué : « Gérard Houllier m’avait interdit de venir à une rencontre de la Guinée contre le Sénégal. Je ne l’ai pas écouté. ». Hors des pelouses, la Guinée du football ne le quitte plus. « Après avoir été mon coéquipier, Titi est devenu mon sélectionneur. Dès qu’il m’a appelé j’ai dit oui, je savais où je mettais les pieds. Dommage que le Syli traverse à cette époque-là une grande période de transition » analyse aujourd’hui Diawara.

Débarqué au bout de trois matchs de qualification à la CAN 2010, Titi réussit tout de même à rebondir en tant que ministre des Sports, le 28 décembre 2010, motivé par Alpha Condé, le nouveau président de la République. « Nos destins se sont croisés. Il m’a motivé pour adhérer à son projet, confirme Camara. Alors je me suis battu à ses côtés pendant la campagne présidentielle, je voulais apporter ma pierre à l’édifice. Même joueur, j’ai oeuvré dans l’humanitaire, mais je voulais encore plus en faire en m’engageant dans la politique. En Afrique, il faut être décideur pour pouvoir mettre des projets en œuvre ». S’il admet ne pas avoir visé initialement cette place de ministre, il accepte tout de suite ce « défi à relever ». Il n’aurait peut-être pas dû…

« La majorité des Africains pensent que les politiques sont corrompus »

Son costume de ministre fait rapidement oublier aux Guinéens l’aura qu’il dégageait. Diawara détaille : « Je me suis rendu compte en jouant pour la Guinée à quel point le football tenait une place vitale, essentielle, au pays. En Afrique en règle générale, mais surtout dans notre pays, le foot, c’est social  ». Comme parachuté, on reproche à Titi son manque de compétences, même au sein de son parti. « Beaucoup ont remis en cause ma légitimité mais attendez, personne n’est né politicien, théorise Camara. On apprend sur le tas, sur le terrain. » S’il ne regrette absolument pas son engagement, séduit par le « le projet de société pour la jeunesse guinéenne et pour les sports », il concède, avec le recul, avoir pris un risque : « Malheureusement, la plupart des Africains pensent qu’à partir du moment où vous faites partie d’un régime politique, vous êtes corrompus. Ils ont des a priori. »

Après une CAN 2012 mal gérée, il promet un état des lieux qui ne viendra jamais, d’une sélection éliminée en poules. « Il y a certaines erreurs que je n’aurais pas commises avec du recul. Mais je suis têtu et les erreurs font de toute façon partie de la vie, ça vous apprend à ne pas les répéter. Mais faire le compte rendu de la CAN ne servait à rien. » Camara a la tête dure et se défend aussi sur le marronnier du foot africain : les embrouilles autour des primes. « Des joueurs sélectionnés mais qui n’ont pas joué voulaient les mêmes primes que ceux qui jouaient, explique Titi. Celui sur le banc n’a pas à avoir le même salaire que celui qui court et le mérite, non ? » L’ancien Marseillais est aussi soupçonné d’avoir détourné l’argent. « Ce que j’ai gagné pendant ma carrière m’a suffi, merci, se défend-il. L’éducation que j’ai reçue et la rigueur européenne à laquelle j’ai été habitué pendant ma carrière m’a poussé à travailler dans la transparence ».

« Titi zéro! Titi zéro! »

Début juin 2012, le gouvernement guinéen annonce la mise en place d’un comité de soutien financier aux joueurs de l’équipe nationale. 900 000 euros placés à la Banque Centrale sont collectés. « J’ai trouvé la collecte maladroite déjà ». Problème : il manque de l’argent au moment du versement et Tita Camara est encore accusé. « Je ne savais même pas combien il y avait d’argent sur ce compte. Et je n’ai jamais su qui avait pioché dedans » Le fossé entre « Titi, le patriote » et les Guinéens se creuse. Le 10 juin de la même année, la Guinée accueille l’Égypte en qualifications du Mondial 2014. Mais Titi n’est pas en tribune, sur les ordres du chef de l’État. Ce que le public ne sait pas. Dans un stade plein à craquer, le public crie en chœur : « Titi zéro! Titi zéro! » à plusieurs reprises avant le coup d’envoi mais aussi à la mi-temps. Un moment difficile à vivre pour l’ancienne gloire guinéenne : « Je l’ai très mal vécu. Quand on a été sportif de haut niveau il y a des moments difficiles, des moments de doutes, et des moments de gloire où vous maîtrisez. Là, je ne maîtrisais plus. »

Pour ne rien arranger la Guinée tombera sous le sabre des Pharaons (2-3). « Ce qui m’a réconforté, c’est que quand on a tout donné à son pays sans arrière pensée, sans tricher : il y a un bon Dieu. Le peuple a eu tort et les joueurs sur le terrain m’ont fait pitié. Tout est retombé sur eux après la rencontre » Et de poursuivre : « En Afrique, nous avons nos coutumes, nos moeurs. Nous croyons à la destinée, nous avons peur de la malédiction. Moi, quand je les ai revus, je leur ai dit : « À cause de vous, j’ai été insulté au stade, vous ne gagnerez jamais rien » et je suis sorti de la pièce. À eux d’assumer. » Camara remercié en octobre de la même année, après un remaniement ministériel, Kaba Diawara offre une clé de lecture de l’échec en haut des instances de son idole : « Le football tient une part tellement importante en Guinée… Dès que t’es connu et que tu as beaucoup de caractère, ça dérange. S’il était resté dans la partie purement technique, sportive, il s’en serait sorti mais dès que ça touche à la politique et à l’argent… On devient facilement critiquable ». « La politique et le sport, c’est différent. », résume Titi.

Incendie et silhouette fine

Aujourd’hui, Camara est revenu au sport, à son sport. Ayant fondé une académie mixte de foot, le Racing Club de Guinée, dont il est aujourd’hui le président, Titi a retrouvé sa fierté : « Mes joueurs passent en U15 cette année ». Déposée comme une société, son académie est aussi valorisée à hauteur d’un million de dollars. « Ici, c’est sport ET études. J’espère que ces jeunes deviendront des hommes et des femmes responsables. » espère l’ancien ministre. Responsable, son jardinier l’était un peu moins en septembre dernier. Ayant mis un poil trop d’essence sur un tas d’ordure dans son jardin, l’employé a malencontreusement cramé au deuxième degré son Titi de patron, brûlé aux jambes et aux bras. Après trois semaines en clinique, Camara n’en veut pas forcément au jardinier maladroit, mais plutôt à ses anciens acolytes du ballon rond. « Ce qui m’a le plus choqué c’est qu’à part quelques membres du gouvernement qui m’ont rendu visite, aucun footballeur n’a demandé de mes nouvelles. Aucun de mes anciens coéquipiers. C’est ça la vie ! » Fidèle à sa bonne humeur légendaire, Camara, remis sur pied, prend aujourd’hui l’incident avec le sourire« J »ai perdu 10kg dans l’histoire ! ». Et cette silhouette affinée est désormais facile à trouver : « Je suis tous les jours au stade ! »

In Sofoot.

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