Entre, d’un côté, un président élu il y a cinq ans et qui entend bien renouveler son bail avec le palais de Sékhoutouréya pour terminer ses chantiers contrariés par les crispations politiques et l’épidémie d’Ebola et, de l’autre, une opposition dont le seul objectif est de l’en expulser, le dialogue apparaît presque impossible. La chance ténue de ne pas basculer à nouveau dans le cycle suicidaire de la violence, Alpha Condé l’a pourtant saisie, et de sa concrétisation dépend l’organisation, le 11 octobre prochain, d’une élection présidentielle apaisée.
En invitant le chef de file de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, à le rencontrer le 20 mai, puis en demandant à son Premier ministre d’ouvrir des négociations avec cette dernière, le redoutable animal politique qu’est Condé a certes tenté un coup de poker. Puisque l’opposition exige que les élections locales précèdent la présidentielle et les législatives sous prétexte que les exécutifs communaux, non renouvelés depuis dix ans, sont dirigés par des fonctionnaires suspects de partialité, et puisque cette même opposition demande avec insistance que la composition d’une Ceni sur laquelle elle a peu à peu perdu la main soit revue, autant en discuter dès aujourd’hui et parvenir à un compromis. Le but : maintenir le calendrier fixé par les accords du 3 juillet 2013 (présidentielle et législatives en octobre 2015, communales en mars 2016), sans tenir compte de l’annexe non signée par les deux parties, qui recommande son inversion.
Coup politique donc, mais pas seulement. Pour un pays sinistré qui peine à s’extraire de la calamité Ebola, assumer le risque de glissement dans l’illégalité constitutionnelle qu’impliquerait presque automatiquement, faute de moyens suffisants, un report de l’élection à la magistrature suprême, relèverait de l’irresponsabilité.
Alpha Condé, dont on connaît l’investissement personnel et passionnel, parfois au-delà du raisonnable, dans la construction d’un pays dont il ne cesse de plaider le dossier aux quatre coins du monde, ne déviera donc pas de la voie qu’il s’est tracée. C’est tout au moins le signal qu’il envoie, ne varietur, depuis des semaines, tant aux Guinéens qu’à la communauté internationale.
Face à cette posture constante, l’opposition a le choix entre négocier ou affronter. Le problème est que si ses principaux leaders, qui tous ont occupé de hautes fonctions au sein de l’État, n’ont rien d’irresponsables à titre individuel, leur unité n’est que de façade.
Cellou Dalein Diallo est surveillé par l’aile radicale de son propre parti, prompte à dénoncer toute volonté de compromission, et marqué de près par Sidya Touré, qui lui conteste le rôle de leader de l’opposition et se verrait bien en candidat unique de celle-ci à la présidentielle, parce qu’issu d’une petite communauté moins « clivante ».
Ce climat de méfiance réciproque entre opposants, au sein duquel chacun soupçonne l’autre de vouloir jouer son propre jeu, fait hélas le lit des solutions extrêmes. En l’occurrence, le choix de la rue, avec tout ce que cela implique, quand des policiers inaptes au maintien démocratique de l’ordre font face à des émeutiers déguisés en manifestants. Est-il trop tard pour retrouver la raison ?
Alpha Condé, qui a effectué fin mai une tournée quasi triomphale en Guinée forestière – histoire, aussi, de démontrer la vacuité de la candidature du fantasque et inquiétant Dadis Camara -, n’a pas attendu la réponse à cette question pour entrer de plain-pied en campagne…
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