La multiplication des attentats à N’Djamena a un goût prononcé de vengeance. En un mois, trois attaques ont fortement ébranlé la capitale tchadienne alors que son armée, à la tête de la coalition régionale, continue de porter de durs coups au groupe terroriste basé au Nigeria.
Depuis janvier, le Tchad a déclaré la guerre à Boko Haram. Plus de 5000 Tchadiens se battent contre la secte au Nigeria, au Cameroun et au Niger et autant d’hommes s’affairent à sécuriser la zone du lac Tchad. Début août, c’est à N’Djamena que prendront place les quartiers officiels de l’état major de la Force mixte internationale, dont le but est d’éradiquer les insurgés.
Trois attaques sanglantes en un mois
Avant le 15 juin, le Tchad n’avait encore pas subi d’attaques directes de Boko Haram sur son territoire. Mais ce jour-là, le commissariat central et l’école de police de N’Djamena ont été les cibles de deux attaques quasi-simultanées peu avant 10h. Le bilan est lourd : 38 morts et des dizaines de blessés. À peine quelques heures plus tard, le gouvernement d’Idriss Déby Itno avait déjà montré du doigt les islamistes de Boko Haram en qualifiant les attentats de « représailles » contre son pays. Les jours suivants, l’armée tchadienne a annoncé plusieurs frappes aériennes contre des bases de Boko Haram dans le nord du Nigeria.
Deux semaines plus tard, le 29 juin, une explosion a tué 11 personnes, dont 5 policiers, lors d’une opération policière dans le quartier Ndjari où un groupe de terroristes se terrait pour y fabriquer des bombes artisanales. Depuis la première attaque, la police tchadienne avait multiplié ce type d’opérations qui avaient permis l’arrestation d’une soixantaine de personnes.
Samedi 11 juillet, une troisième attaque a tué au moins 15 personnes dans le marché central de N’Djamena. Un kamikaze, déguisé en femme, a fait exploser sa ceinture d’explosifs, cachée sous une burqa, lorsqu’un policier a demandé à le fouiller. L’attentat a immédiatement été revendiqué par Boko Haram.
La burqa interdite
Deux jours après le premier attentat à la mi-juin, les autorités tchadiennes avaient interdit le port du voile intégral dans ce pays majoritairement musulman pour des raisons de sécurité, une mesure qui n’a été que partiellement respectée. Le Premier ministre tchadien avait même indiqué que « des instructions ont été données aux services de sécurité d’entrer dans les marchés et de ramasser toutes les burqas qui y sont vendues et de les brûler. »
Après la mise en place d’une cellule de crise, le Premier ministre avait aussi lancé une série de mesures afin de renforcer la sécurité dans le pays. La circulation des véhicules aux vitres teintées a été formellement interdite et des policiers et des soldats ont été déployés partout dans la ville, notamment devant les mosquées.
La capitale N’Djamena a déjà été placée sous haute surveillance depuis le début de l’offensive de la coalition régionale en janvier dernier et des mesures supplémentaires ont été prises après le double-attentat à la mi-juin.
Mais cela n’a pas suffi à empêcher les derniers attentats…
Le règne de la peur
Au lendemain de l’explosion au marché central de N’Djamena, l’inquiétude règne au milieu des rares commerçants qui ont repris leurs activités. Les policiers, aux aguets, sont armés jusqu’aux dents.
« Je suis indigné par ce qui vient de se passer, c’est inhumain. Un musulman ne peut pas se permettre de tuer des innocents en ce mois saint de ramadan », a déclaré à l’AFP Kachallah Kasser, le sultan de N’Djamena, dont la maison est située tout près de l’entrée du marché.
Les chefs traditionnels promettent de sensibiliser la population à la vigilance et à dénoncer toute personne suspecte. « Il faut éviter les attroupements », a ajouté Issa Adjide, le gouverneur de la capitale.
Pour Paul Manga, porte-parole de la police nationale, « cet attentat vient confirmer que l’interdiction du port » du voile intégral est « une mesure salutaire pour tous et doit être respectée plus que jamais par toute la population ». Les personnes qui ne se « soumettent pas à la loi seront arrêtées et traduites en justice », a-t-il prévenu.
La peur de voir les attentats terroristes se multiplier terrorisent les Tchadiens, qui n’avaient jamais connu une telle menace avant juin dernier.