La parti au pouvoir en Éthiopie est décidément très populaire. Lors des élections générales de 2010, l’opposition n’avait réussi à remporter qu’un seul siège à la chambre des représentants – qui en comporte 547. Mais cette année, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF) et ses alliés, qui dirigent le pays depuis 1991, ont trouvé le moyen de faire encore mieux : pas un seul siège ne leur a échappé lors du scrutin de mai dernier.
Après la mort de Meles Zenawi (au bout de 21 années de pouvoir), l’Éthiopie a connu en 2012 sa première transition ordonnée depuis le démantèlement de l’empire. Mais le pays est encore loin des canons d’une démocratie libérale. L’ancien « Monsieur Afrique » de Barack Obama, Johnnie Carson, a lui-même récemment qualifié le régime « d’État semi-autoritaire » dans une tribune au New York Times.
Première visite officielle d’un président américain en Éthiopie
Et pourtant, c’est bien Addis-Abeba que Barack Obama a choisi pour conclure sa deuxième tournée africaine, à l’issue de sa visite au Kenya du 24 au 26 juillet. Il deviendra même, à cette occasion, le premier président américain en exercice à fouler le sol abyssin.
Jusque-là, Obama avait soigneusement pris en compte les critères démocratiques pour déterminer ses – rares – déplacements en Afrique subsaharienne. Il avait ainsi choisi le Ghana, théâtre de plusieurs alternances démocratiques, pour prononcer son fameux discours d’Accra (« l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes »). Pour sa tournée africaine de 2013, il avait choisi le Sénégal – où le président sortant Abdoulaye Wade venait d’être battu par Macky Sall -, l’Afrique du Sud, – considérée comme un modèle démocratique du continent – et la Tanzanie. Ce dernier pays n’a certes pas connu de réelle alternance : le Chama Cha Mapinduzi (CCM, « parti de la révolution » en swahili) est au pouvoir depuis sa fondation en 1977. Mais trois de ses présidents ont quitté d’eux-mêmes le pouvoir. Et l’actuel chef de l’État, Jakaya Kikwete, que la Constitution empêche de se représenter, s’apprête à faire de même en octobre prochain.
Depuis son élection, en 2008, Barack Obama avait en outre évité le Kenya, dont le président, Uhuru Kenyatta, était poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI). Pourtant, ce dernier avait remporté en 2013 des élections globalement pacifiques et non contestées par l’opposition. L’abandon des charges qui pesaient contre lui, fin 2014, a sans doute permis à Obama d’envisager de se rendre dans le pays de son père.
« Une dose de réalisme »
L’escale éthiopienne sera donc une exception dans les visites de Barack Obama sur le continent. Signe que, en dépit de son régime, le deuxième pays d’Afrique par sa population (96 millions d’habitants) devient une puissance continentale incontournable. Son économie croît de plus de 10% par an en moyenne depuis une décennie et le pays enregistre d’impressionnants progrès en matière de développement humain. Il dispose en outre d’une diaspora importante aux États-Unis – qui n’est d’ailleurs pas tout à fait ravie de voir le gouvernement d’Addis-Abeba ainsi honoré.
L’Éthiopie est un allié clé de Washington dans la lutte contre les islamistes somaliens shebabs.
Surtout, l’Éthiopie est un allié clé de Washington dans la lutte contre les islamistes somaliens shebabs. Il accueille en outre des drones américains sur ses bases aériennes. « Avec cette visite, Obama ajoute une dose de réalisme, notamment économique, à sa démarche africaine, analyse Mamadou Diouf, le directeur de l’Institut d’études africaines de l’université new-yorkaise de Columbia. Mais du fait de la compétition avec Pékin, il pouvait difficilement faire autrement », ajoute-t-il.
La Chine est en effet très présente en Éthiopie : elle y investit massivement – notamment dans les infrastructures – et a même commencé à y délocaliser une partie de son industrie textile. C’est en outre elle qui a construit le nouveau siège de l’Union africaine, où Barack Obama doit prononcer un discours…
De son côté, Addis-Abeba semble avoir fait quelques efforts avant l’arrivée de son hôte. Six blogueurs militants et journalistes, qui étaient détenus depuis avril 2014, ont été relâché il y a quelques jours. Mais quatre de leurs camarades sont toujours en détention.