La Chapelle, La Halle Pajol, Austerlitz… autant de noms familiers pour les Parisiens évoquant les campements de migrants: depuis début juin, les évacuations se sont multipliées dans la capitale, avec toujours la même interrogation: et après ? Où accueillir ces exilés ?
Le départ des « opérations humanitaires » a été donné le 2 juin, à 6H30, avec l’évacuation par les forces de l’ordre des 350 migrants installés depuis des mois sous le métro aérien à La Chapelle.
Apparu l’été dernier, le campement avait brusquement grossi au mois d’avril, dans le sillage des arrivées de migrants sur les côtes italiennes au printemps. La capitale française n’est parfois qu’une étape sur le chemin de Calais avant le Royaume-Uni, eldorado fantasmé pour ces exilés, érythréens, éthiopiens, soudanais ou afghans.
Symbole des campements parisiens, l’endroit a donné son nom à un comité de soutien aux migrants, « La Chapelle en lutte ».
Depuis, les évacuations se sont succédé.
Improvisés dans des espaces publics ou désaffectés, souvent insalubres, ces campements ressemblent à des bidonvilles : tentes de fortune, matelas et cartons sales, rats, et conditions d’hygiène dégradées qui multiplient les risques de maladies comme la gale et la dysenterie.
Le 11 juin, une centaine de migrants sont contraints de quitter la caserne désaffectée de Château-Landon près de la gare de l’Est. Plus de 200 personnes sont également évacuées du jardin d’Eole (XVIIIe arrondissement), une semaine après. Le 9 juillet, c’est au tour des 200 migrants de la Halle Pajol de partir. Trois semaines plus tard, nouvelle évacuation de 240 personnes au même endroit.
A chaque fois, la mairie de Paris a assuré que tous s’étaient vus proposer d’intégrer l’un des 21 centres d’hébergement d’Ile-de-France (dont huit à Paris), et que les services de l’Etat ont créé 1.300 places d’hébergement d’urgence depuis début juin.
– Pousser les murs –
Dernier local occupé « illégalement », un lycée hôtelier désaffecté dans l’est de Paris, rue Jean Quarré (XIXe arrondissement). Quelque 150 personnes y ont élu domicile et « La Chapelle en lutte » se prend à rêver d’en faire un centre d’accueil pérenne.
« Nous n’envisageons pas d’expulsion » a déclaré le premier adjoint de la mairie de Paris Bruno Julliard, mais « les conditions dans le lieu ne sont pas dignes pour en faire un lieu d’hébergement durable ».
Valérie Osouf, bénévole de « La Chapelle en lutte », explique que « certains migrants refusent des hébergements parce qu’ils sont trop insalubres, soit isolés en banlieue. Ils sont hébergés quelques jours puis remis dehors. Ils reviennent ensuite par leurs propres moyens à Paris, dans leur camp d’origine ».
« Paris n’a pas la capacité d’ouvrir des places en plus. Nous avons poussé les murs », plaide Sophie Brocas, secrétaire générale de la préfecture de région, rappelant qu’un hébergement « tout le temps de la procédure de dépôt d’une demande d’asile » est proposé à chacun.
Pour Bruno Julliard, « devant l’ampleur du travail, qu’il y ait quelques difficultés ou du retard, c’est tout à fait normal. Nous trouvons les meilleures solutions pour répondre à cette situation d’urgence ».
« Quelle serait l’alternative ? », poursuit-il, fustigeant la droite qui « instrumentalise cette crise migratoire sans précédent »: « la solution pragmatique qui devrait rassembler tout le monde, c’est mettre à l’abri ».
Alors que de nouveaux arrivants se réinstallent dans les sites évacués, d’autres campements subsistent, comme celui de la gare d’Austerlitz, où ils sont plus de 400 depuis des mois, installés sous la très chic Cité de la mode et du design. La jeunesse dorée danse dans les bars branchés des étages, mégots et bouteilles tombent parfois quelques mètres plus bas au milieu des tentes des réfugiés.
Las, le processus paraît sans fin : « il est probable qu’il y ait encore des arrivées de migrants dans les semaines qui viennent, et rien ne peut se faire au détriment de l’accompagnement social d’urgence des autres sans-abri », se lamente le responsable.