Ayoub El Khazzani, le Marocain auteur de l’attaque contre le Thalys, fut un jeune délinquant, dealer de haschisch, qui se serait radicalisé en prison, en 2012 en Espagne. Le jeune homme serait passé par la France, la Turquie et peut-être la Syrie.
On le dit « gringalet », « squelettique », « peu instruit » et « un peu paumé ». Trois jours après l’attaque contre le train Thalys Amsterdam-Paris, la personnalité et le parcours de l’assaillant, Ayoub El Khazzani, commencent à se dessiner. Ce Marocain, âgé de 25 ans, fiché par les services antiterroristes, mais qui nie avoir mené une attaque jihadiste, était avant tout un délinquant, vivant du trafic de haschisch et de petits larcins en Espagne, où il a résidé de 2007 à 2014.
Né le 3 septembre 1989 à Tétouan, dans le nord du Maroc, Ayoub a grandi dans une fratrie de quatre enfants, dont trois filles. Ses parents, très modestes, peinaient à joindre les deux bouts pour nourrir la famille. « Est-ce pour mettre la main à la pâte qu’Ayoub El Khazzani stoppe ses études en septième – l’équivalent de la sixième en France ? », s’interroge « Libération ». Peut-être. Quoi qu’il en soit, le jeune Ayoub arrête alors l’école.
Dealer de drogue
Peu d’éléments filtrent sur son enfance avant son arrivée en Espagne en 2007. Il a alors 18 ans et vient tenter, avec ses sœurs, l’aventure à Madrid, où son père réside depuis les années 1990. Selon son avocate, Me Sophie David, il enchaîne les petits boulots : peintre en bâtiment, distributeur de publicités dans des boîtes à lettres. Et dealer de haschisch. Entre 2007 et 2009, Ayoub El Khazzani se fait arrêter à deux reprises pour trafic de drogue.
En 2009, il change de ville et part habiter à Algésiras, en Andalousie, une ville où le taux de chômage explose. C’est là que commence sa métamorphose : Ayoub se fait remarquer par ses discours légitimant le jihad, sa barbe plus longue. En 2012, la police espagnole l’arrête dans la région, à Ceuta, pour une nouvelle affaire de drogue. Le garçon passe alors par la case prison où, selon plusieurs sources, il se serait définitivement radicalisé. « Entre ces deux dates [2009 et 2012], Ayoub El Khazzani, d’abord arrêté à Madrid le cheveu court et rasé de près, est à nouveau interpellé trois ans plus tard […] avec la coiffe religieuse et la barbe longue », écrit « Libération ». Cette barbe, pourtant, il ne la porte plus lors de l’attaque manquée du Thalys, précise son avocate.
« Je ne sais pas ce qui a pu lui passer par la tête »
Selon « El Mundo », Ayoub et son père fréquentaient la même mosquée, Taqwa, « la plus radicale d’Algésiras, sur laquelle la police exerçait une vigilance intense ». « Son parcours est significatif de la relation très forte entre trafic de drogue et jihad », affirme un enquêteur cité dans le quotidien « El País ». Son père, Mohamed El Khazzani, qui a affirmé dimanche au « Daily Telegraph » ne pas avoir parlé à son fils depuis un an, l’a pourtant décrit comme un « bon garçon, très travailleur ». « Je ne sais pas ce qui a pu lui passer par la tête », a-t-il déclaré.
La suite de son parcours devient ensuite plus compliquée à suivre. Ayoub El Khazzani se déplace dans l’espace Schengen grâce à sa carte de séjour espagnole. En 2014, les autorités espagnoles alertent Paris de sa possible arrivée en France. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) effectue des vérifications et émet une « fiche S » (pour « sureté de l’État ») à son égard. Mais elle ne déclenche aucune surveillance renforcée. Aucune trace d’Ayoub n’existe d’ailleurs en France entre 2014 et l’attaque du Thalys, vendredi 21 août.
Mais cela ne veut pas dire qu’il était hors de l’Hexagone pour autant. Selon son père, Ayoub avait été embauché pour travailler en France, dans une société de télécoms il y a un an et demi, avec cinq autres jeunes Marocains vivant à Algésiras. Mais ils auraient été licenciés au bout d’un mois.
« Terrorisme de proximité »
Selon son avocate, le suspect aurait voyagé ces derniers temps en Allemagne, en Autriche, en France, en Andorre, en Belgique. Selon les renseignements espagnols, l’homme serait même parti en Syrie avant de revenir en France, mais le mystère demeure sur cet hypothétique voyage, qu’Ayoub nie. Le 10 mai 2015, la DGSI retrouve sa trace à Berlin, d’où il s’envole pour Istanbul, en Turquie. S’est-il alors rendu en Syrie ? Difficile à dire.
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Le parcours d’Ayoub El Khazzani rappelle à certains égards ceux de Mehdi Nemmouche, le tueur de Bruxelles, et Mohamed Merah, l’auteur de la tuerie de Toulouse. Des petits délinquants qui se sont radicalisés avant de commettre leur massacre. Une forme de terreur qualifiée de « terrorisme de proximité » par le professeur français en criminologie Alain Bauer.
Le suspect affirme avoir trouvé sa kalachnikov dans une « valise »
D’après les premiers éléments de l’enquête, Ayoub El Khazzani, dont l’identité a été confirmée grâce à ses empreintes digitales, vivait ces derniers temps en Belgique. « Il est monté dans un train en Belgique avec des armes sans doute acquises en Belgique. Et il avait des papiers délivrés en Espagne », a résumé une source proche du dossier. Le suspect affirme avoir trouvé sa kalachnikov dans une « valise », dans un jardin public près de la gare de Bruxelles « où il dort avec d’autres SDF », a raconté son avocate.
Pendant sa garde à vue, ne parlant ni anglais ni français mais arabe et espagnol, Ayoub El Khazzani, n’a « rien fait transparaître d’un discours extrémiste », niant « toute activité cultuelle » et « tout projet terroriste », a précisé Me David. Il a expliqué avoir voulu détrousser les passagers du train, façon attaque de diligence, « pour pouvoir se nourrir ». Une version qui ne convainc ni les enquêteurs français, ni les jeunes Américains qui l’ont maîtrisé dans le train. « Pour braquer des gens, on n’a pas besoin de huit chargeurs », a commenté dimanche l’un d’eux, Anthony Sadler.
Avec AFP