Si ce dernier point semble résolu après de longs atermoiements autour du choix porté par l’opposition sur une de ses deux commissaires, il en est différemment des deux autres questions pourtant essentielles et déterminantes pour la qualité du processus électoral.
L’opposition déplore que par des manœuvres dilatoires, la mouvance présidentielle retarde l’application des dispositions convenues pendant que la CENI continue à dérouler de façon unilatérale son chronogramme sans que le mécanisme de concertation prévu dans l’Accord du 20 aout dernier n’ait été rendue réellement fonctionnelle.
L’opposition met en garde contre toute tentation de la CENI d’ignorer les dispositions de cet Accord et de poursuivre sa fuite en avant et sa politique de fait accompli dans la conduite du processus électoral. Les anomalies et autres irrégularités graves et nombreuses (enrôlement indu de mineurs, existence de doublons, occultation de nombreux électeurs, effectifs pléthoriques d’électeurs rattachés à certains bureaux de vote…) qui affectent le Fichier électoral révélées à l’occasion de l’affichage des Listes provisoires ne permettent pas l’organisation d’élections crédibles sans un assainissement en profondeur.
En particulier, l’opposition rejette fermement la décision du lancement des opérations d’édition des cartes d’électeurs les jours prochains, alors même que le Comité technique chargé de l’assainissement et de la consolidation du Fichier électoral est à peine opérationnel et qu’il se heurte par ailleurs au refus de la CENI de lui faciliter l’accès aux informations nécessaires à l’exécution de sa mission.
L’opposition rappelle que près d’un mois après la signature de l’Accord politique et bientôt deux semaines après le terme prévu pour la recomposition des 128 conseils communaux, aucun accord définitif sur les formes et modalités de cette recomposition n’est encore obtenu. La mouvance présidentielle se complait, en effet, dans la modification continue des critères prévus pour l’application de cette mesure qui devait pallier en partie l’inversion de l’ordre des élections communales et présidentielle illégalement décidée par la CENI et le Gouvernement.
L’opposition rappelle également que le Dialogue politique et l’Accord qui en a résulté ont été rendus nécessaires par le refus des autorités de se conformer aux dispositions de la Constitution et des Lois. Il devient évident que l’objectif inavouable du pouvoir est d’instaurer en Guinée un régime peu respectueux des principes démocratiques et des droits de l’homme pérennisé par un processus électoral piégé et des institutions républicaines inféodées à l’exécutif.
Au nombre des violations de la Constitution et des Lois à la base de la crise politique actuelle dont la responsabilité incombe totalement au Gouvernement et à la CENI figurent notamment:
- Le non-respect des délais légaux d’organisation des élections locales avec des exécutifs locaux actuels dont les mandats ont expiré depuis près de six années
- La dissolution de conseils communaux et l’installation et le maintien de délégations spéciales en dehors des procédures et des délais prévus par le Code des collectivités locales
- L’inversion de l’ordre des élections communales et présidentielle, en violation des dispositions de la Constitution, du Code électoral, du Code des collectivités locales, de l’Accord politique du 03 juillet 2013 et du Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et les Elections;
- Le tripatouillage du Fichier électoral par l’enrôlement massif de mineurs dans les fiefs du Pouvoir et le maintien d’un nombre considérable de doublons;
- Le maintien d’une CENI qui a perdu toute légalité en raison de la rupture totale de parité dans sa composition et toute légitimité du fait de sa partialité avérée en faveur du Pouvoir;
- La violation systématique du principe constitutionnel de neutralité du service public et la fermeture totale des médias de service public aux sensibilités politiques non favorables au Pouvoir;
- La restriction drastique des libertés d’expression, de manifestation et de cortège pourtant consacrées par la Constitution;
- L’usage courant d’armes à feu dans les opérations de maintien d’ordre avec comme corollaire la mort de 64 manifestants par suite de tirs à balles réelles;
- Le refus des autorités d’engager des poursuites judiciaires à l’encontre des auteurs et commanditaires de ces violences, entretenant ainsi à dessein une impunité totale qui encourage la récidive;
- Le retard pris par le Gouvernement dans l’application des mesures d’indemnisation des victimes des manifestations de l’opposition, conformément aux dispositions de l’Accord politique du 03 juillet 2013;
- Le non respect du principe d’indépendance et de séparation des pouvoirs par l’immixtion flagrante de l’exécutif dans le fonctionnement des institutions républicaines et du système judiciaire.
L’opposition, faisant le constat de la volonté manifeste du Pouvoir de s’opposer par des manœuvres de tous genres à la mise en œuvre des dispositions de l’Accord politique du 20 Aout 2015, décide d’appeler tous les candidats non issus de la mouvance présidentielle à se retrouver dans les meilleurs délais pour tirer les conséquences du refus du pouvoir de créer des conditions minimales de transparence et de régularité pour l’élection présidentielle prévue le 11 octobre prochain.
Dans le cas où les incertitudes prévalant ce jour quant à la crédibilité du scrutin prévu n’étaient levées dans les prochains jours, l’opposition n’exclut pas de se retirer du processus électoral et d’appeler au boycott de l’élection présidentielle prochaine. Dans cette éventualité, elle initiera une série de manifestations pacifiques destinées à attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur la dérive dictatoriale dont notre pays est l’objet en raison de pratiques électorales en totale contradiction avec les principes de bonne gouvernance démocratique et les règles de l’Etat de droit.
L’opposition réitère sa détermination à s’élever fermement contre toute tentative de confiscation du pouvoir par des élections frauduleuses. Elle appelle le Peuple de Guinée à la mobilisation totale pour la défense de ses droits et la sauvegarde de ses acquis démocratiques.
Conakry, le 14 septembre 2015
L’opposition républicaine