Ce retour à un pouvoir civil pourrait probablement permettre au président Michel Kafando, toujours de fait en résidence surveillée, de se réinstaller sur son fauteuil présidentiel jusqu’à des élections qui, selon le schéma établi, pourraient être décalées d’un mois – la date du 8 novembre est désormais évoquée à la place du 11 octobre – en revanche la démission de son premier ministre, le lieutenant-colonel Isaac Zida, paraît désormais scellée. Ses anciens frères d’armes du RSP qui l’avaient placé à la tête de l’Etat après la chute de Blaise Compaoré le 31 octobre 2014 ayant fait de sa démission un préalable. A trop vouloir s’émanciper de son mentor, le général Gilbert Diendéré, le chef de la junte, M. Zida s’est brûlé les ailes. Samedi, ce dernier était encore prisonnier des putschistes.
Ouagadougou paralysée
Ce départ du pouvoir de l’ancienne garde prétorienne de Blaise Compaoré, s’il se confirme, est à mettre au crédit de la communauté internationale qui a exercé d’intenses pressions, mais surtout à la mobilisation de la rue burkinabée. Samedi, Ouagadougou, comme plusieurs villes de province, était encore paralysée.
A l’entrée ouest de la capitale, des barricades enflammées interdisaient toute entrée ou sortie. Georges, un directeur des ressources humaines dans une ONG, garantissait alors avec ses jeunes compagnons de lutte qu’ils seraient là « jusqu’à la fin » et qu’ils résisteraient « au péril de leur vie ». Au moins dix personnes ont été tuées dans la répression menée par le RSP. Abderamane, un gendarme de 54 ans, menaçait de « trouver une solution même si elle est violente » et promettait au général Diendéré une fin de parcours devant la Cour pénale internationale. Le sort réservé au chef de la junte et à ses complices est l’une des questions épineuses qui restent à trancher.
Dans le quartier de Larlé, comme dans toute la capitale, des barrages ont été érigés. Idrissa Zida, chef du quartier et « coordonnateur de la lutte », assure que face « à ce coup d’Etat qui ne vaut rien » lui et ses hommes préfèrent « mourir dehors plutôt que d’être tués chez eux ». « Ici nous avons eu deux morts. Un en ville au niveau du front et l’autre devant sa porte alors qu’il était en train de prendre le thé. » A quelques mètres de là, quatre jeunes filles confient leur peur des militaires. « Ils sont venus hier avec trois voitures. Nous sommes vite rentrées puis ils se sont mis à tirer alors que les manifestants n’avaient pas d’armes », témoigne Assetou. Les demoiselles jurent qu’elles n’ont rien fait puis reconnaissent malicieuses qu’elles ont coupé des branches de l’arbre qui leur fait face pour barrer la chaussée. Les trois jours de grève les ont cependant éreintées. « C’est la galère qui va nous tuer. Comment faire pour nourrir la famille quand on gagne seulement un franc ou deux par jour ? On veut seulement que ça s’arrête mais on ne sait pas quelle est la solution », se désole Oumou.
Certains reconnaissent timidement que les deux camps leur font peur. Le ventre rebondi par l’attente imminente d’une heureuse nouvelle, une marchande de fruits et légumes déjà mère de deux jumeaux et de deux jumelles, détaille, sous couvert d’anonymat, en quelques mots simples et sages sa solution de sortie de crise : « Ici, vraiment ça ne va pas. Les soldats tuent les gens au hasard. On n’a plus rien à manger. Il faut que les soldats et les politiciens s’entendent bien et le pays va aller. »