Les Congolais semblent avoir largement boudé dimanche le référendum sur un projet de constitution ouvrant la voie pour 2016 à une nouvelle candidature du président Denis Sassou Nguesso, qui a déjà passé plus de 30 ans au pouvoir.
Groupés en plusieurs coalitions, les opposants au chef de l’État avaient appelé à boycotter ce qu’ils ont qualifié de « coup d’État constitutionnel ».
« Je crois que [le mot d’ordre] a été suivi », a déclaré à l’AFP Guy Brice Parfait Kolelas, un des chefs de file de l’opposition au référendum joint par téléphone alors qu’il est assigné à résidence à Brazzaville.
Tout au long du scrutin, qui s’est achevé à 18 h (17 h GMT), aucune file d’attente n’a été constatée dans les différents bureaux de vote visités par l’AFP dans la capitale, à l’exception de celui où a voté le chef de l’État, et ce au moment où il y est passé.
Au deuxième bureau du centre de santé de Kinsoudi, dans le sud de la capitale, traditionnellement acquis à l’opposition, le dépouillement était terminé à 18 h 15. Résultat : sur 833 inscrits, 184 « Oui », 48 « Non » et 12 bulletins nuls.
Le bureau de l’hôtel de ville de Brazzaville (254 inscrits) semblait faire figure d’exception avec une participation de plus de 96 % et une victoire du « Oui » à 97 % après dépouillement total.
À Pointe-Noire, capitale économique du pays (sud), un journaliste de l’AFP a pu constater un quart d’heure avant la fermeture du scrutin que les quatre urnes transparentes d’un centre de vote du quartier 120 Mpaka contenaient au total une quarantaine d’enveloppes, avant d’être chassé par des policiers.
Selon une source à la mairie d’Ouesso, « il n’y a pas eu d’affluence ni d’engouement » pour le vote dans cette ville de l’extrême nord du pays.
À Owando (420 km au nord de Brazzaville), « bon nombre de votants n’ont pas fait le déplacement », selon une source militaire.
La participation semble avoir été un peu plus active à Dolisie (3e ville du pays, entre Brazzaville et Pointe-Noire), selon des témoins.
Les résultats officiels ne devraient pas être connus avant plusieurs jours.
— Messes interrompues —
« Nous voulons changer pour avoir une constitution d’avenir et non comme les autres l’évoquent de façon superficielle parce que le président veut briguer de nouveaux mandats. Cette question n’est pas à l’ordre du jour » a affirmé M. Sassou Nguesso après avoir voté.
Depuis mardi, l’internet mobile, les SMS et le signal FM de la radio française RFI, l’une des stations les plus écoutées du pays, sont coupés.
La campagne référendaire s’était achevée vendredi dans une ambiance tendue, après plusieurs jours d’interdiction des rassemblements publics et des violences meurtrières qui ont ravivé dans l’opinion le spectre des épisodes de guerre civile ayant déchiré le pays entre 1993 à 2003.
Le projet de nouvelle constitution permettrait de faire sauter les deux verrous qui empêchent le chef de l’État de briguer un troisième mandat : la limite d’âge et celle du nombre des mandats présidentiels.
Plusieurs ONG locales et internationales ont dénoncé cette semaine un climat de « répression » au Congo rendant impossible la tenue d’un scrutin dans des conditions démocratiques, opinion partagée publiquement par l’Union européenne.
Aucun incident majeur n’a été signalé, mais à Pointe-Noire, selon Brice Mackosso, secrétaire général de la commission diocésaine catholique locale Justice et Paix, la police a interrompu trois messes dominicales en arguant qu’« il n’y a pas de rassemblement aujourd’hui ».
Une source à l’évêché a incriminé une décision du préfet, alors qu’aucune directive ministérielle n’avait interdit les cultes dimanche.
Né en 1943, M. Sassou Nguesso cumule 31 ans à la tête du Congo, petit pays d’Afrique centrale de 4,4 millions d’habitants. Riche en pétrole, cette ancienne colonie française où le groupe Total est solidement implanté est classée par l’ONU comme un pays au « développement humain moyen », mais avec un fort taux de chômage des jeunes.
M. Sassou Nguesso a dirigé le Congo à l’époque du parti unique, de 1979 jusqu’aux élections pluralistes de 1992, qu’il a perdues. Revenu au pouvoir par les armes en 1997, il a été élu président en 2002 et réélu en 2009.
Plusieurs pays africains ont été récemment confrontés à la question de la modification ou de l’interprétation de leur constitution pour permettre au chef de l’État de se maintenir au pouvoir, à l’image du Burundi, où l’élection de Pierre Nkurunziza à un 3e mandat a plongé le pays dans une crise profonde et meurtrière.