Dès l’accession de la Guinée à l’indépendance le 2 octobre 1958, les architectes ont compris très tôt que sans armée nationale il n’y aura ni souveraineté ni sécurité et ni intangibilité des frontières du premier Etat indépendant de l’Afrique noire francophone.
C’est pourquoi, un mois après l’accession de la Guinée à l’indépendance, le Président Ahmed Sékou Touré annoncera la création de l’armée nationale guinéenne le 1er novembre 1958, pour la défense de l’intégrité territoriale et de la souveraineté nationale, ainsi que la sauvegarde des intérêts supérieurs de la République et du peuple de Guinée dont elle est l’émanation.
Le choix de nos anciens combattants pour une armée nationale après la proclamation de l’indépendance le 2 octobre 1958 est l’expression achevée du patriotisme et du nationalisme des premiers soldats. Ces vaillants dignes fils d’alors avaient fait du respect des ordres de l’obéissance aveugle un sacerdoce.
Après sa création, l’armée s’illustrera dans le maintien de la légalité constitutionnelle et s’impliquera dans le secteur de la vie socioéconomique. Elle s’organisera pour affirmer sa vocation nationale et africaine, notamment dans la défense de l’intégrité territoriale et la décolonisation totale du continent noir. Dès 1960, l’armée nationale s’est déployée en Afrique, répondant non seulement à l’appel des peuples en lutte pour l’indépendance mais aussi au panafricanisme d’Ahmed Sékou Touré qui a déclaré que « la Guinée ne sera jamais libre tant qu’une partie de l’Afrique sera sous domination coloniale ». D’abord au Congo sous le drapeau des Nations unies. Dans la même décennie, elle ira exprimer la volonté africaine de libération des peuples en Angola, en Guinée Bissau et au Cap-Vert.
Ensuite elle participera au rétablissement de la paix au Liberia et en Sierra Leone au sein de l’ECOMOG.
L’engagement à défendre la patrie s’est démontré lors de l’agression du 22 novembre 1970. Ce jour, c’est avec bravoure que les forces armées guinéennes ont défendu la souveraineté nationale en infligeant une cuisante défaite aux mercenaires guinéens et étrangers à la solde des portugais qui étaient venus agresser notre chère patrie.
A cette vocation de facilitateur, de défenseur de la patrie, s’ajoute une autre dimension qui particularise l’armée guinéenne, celle qui a permis de mettre la fleur au canon pour s’investir dans les programmes nationaux de développement. Nous retenons encore l’image des soldats dans les champs de riz, dans les Fermes Agro-pastorales (FAPA) et dans la construction des routes et des pistes ainsi que des ouvrages de franchissement à travers les génies militaires sous la première République.
Aussi, ce sont nos soldats qui s’installeront aux commandes des aéronefs de la jeune compagnie « Air Guinée » pour sillonner l’Afrique et le monde entier, et même initier certains militaires des pays de la sous-région.
Le 26 mars 1984, le père de l’indépendance décède aux Etats-Unis sans successeur désigné. Le peuple observe le deuil national. Les tractations de la succession ont commencé sur fond de règlement de compte et de condescendance.
Ainsi, pour éviter à la Guinée les évènements que préparaient les péripéties de cette guerre de succession anarchique, le 3 avril 1984, la grande muette renversera le 1er régime et un Comité Militaire de Redressement National (CMRN) prendra le pouvoir, sans effusion de sang, sous la direction du Général Lansana Conté. Désormais ce sont les militants en uniforme qui gèreront la chose publique. Depuis lors, ils commenceront à prendre goût du pouvoir politique et commenceront à en abuser et en utiliseront pour s’enrichir.
Conséquences : en 1985, 60 officiers seront exécutés après le « coup d’Etat » (?) manqué de Diarra Traoré. Les 2 et 3 février 1996, une grande mutinerie au sein de l’armée sera déclenchée. Le Général Conté sera arrêté et relâché plus tard par les mutins. En réaction à cette humiliation, Lansana Conté procèdera à une vague d’arrestations dans les différentes casernes de la capitale. Certains seront exécutés et d’autres seront déshabillés avant d’être jetés en prison. Ce fut la dernière cure dans l’armée.
Désormais, le Général de brigade gardera un œil vigilant sur ses camarades et, pour être à l’abri de toute surprise, conservera le portefeuille de la défense. En 2000, grâce à la détermination et au courage de nos soldats, les rebelles qui ont franchi nos frontières, du côté de Guéckédou, seront écrasés et boutés hors de nos frontières.
Depuis cet acte de défense de notre souveraineté et de notre intégrité territoriale, l’armée guinéenne se transformera petit à petit en une armée en Guinée tuant le peuple qu’elle est sensée défendre, se livrant aux actes de vandalisme, aux viols et aux vols en vue de sauvegarder le pouvoir d’un seul individu, le commandant en chef des forces armées, le Général Lansana Conté.
Les plus récents sont les tueries de 1999, de 2003, de 2006. Ensuite le carnage de janvier et février 2007, la mutinerie de la bande à Claude Pivi alias Coplan le 16 mai 2008 et la grève des policiers le 16 juin 2008 réprimée par les militaires sous l’ordre de Coplan. Le Général Lansana Conté conscient des menaces que représentaient désormais Claude Pivi et ses hommes, décidera de faire venir certains jeunes aux commandes, tels que Feu Général Arafan Camara, le Général Sékouba Konaté, le Général Mamadouba Toto Camara et tant d’autres. Quelques mois après ce remaniement à la tête de l’armée, le Général Lansana Conté tirera sa révérence et la junte militaire prendra le pouvoir le 23 décembre 2008. Le chef de la junte sera le Capitaine Moussa Dadis Camara, protégé bien sûr par El tigre, le principal artisan du renversement du régime de Lansana Conté.
Les nouveaux maîtres de Conakry engageront une grande réforme de l’armée, reconstruiront les casernes militaires, équiperont l’armée et procèderont à la formation des jeunes militaires. Mais toujours les hommes en kaki n’avaient pas cessé de terroriser le peuple, violer les femmes et faire des rackets. Pour illustrer ce qui précède, on peut citer le carnage et le viol collectif du 28 septembre 2009 au stade du même nom. Plus de 150 personnes ont perdu la vie et plusieurs femmes violées. Ce fut la dernière bavure de l’armée guinéenne sous l’ère Moussa Dadis Camara.
Le 3 décembre 2009, le mouvement pendulaire de l’histoire guinéenne s’accélère. Le Capitaine Moussa Dadis Camara reçoit une balle dans la tête, de son aide de camp Toumba Diakité qui accusait son mentor de vouloir lui faire porter seul la responsabilité du carnage du stade du 28 septembre. Le Président du CNDD est évacué sur Rabat. Le général Sékouba Konaté, ministre de la défense d’alors qui était en visite au Liban rentrera précipitamment pour continuer la transition qui était déjà compromise par la fâcheuse volonté de Moussa Dadis Camara de se représenter à l’élection présidentielle de 2010.
Après ces quelques temps d’errements de l’armée pendant la deuxième République, caractérisés par la répression et l’indiscipline, le désormais nouvel homme fort du pays, le Général Sékouba Konaté, imposera une discipline exemplaire à l’armée et engagera une vaste réforme avec l’appui des Nations Unies avant d’organiser les élections libres et démocratiques le 7 Novembre 2010. Les militaires retourneront dans les casernes. Les armements lourds seront transférés dans les camps militaires de l’intérieur du pays.
En ce jour d’anniversaire de la création de l’armée, cette œuvre gigantesque et inoubliable du général El Tigre ne peut passer inaperçue. Car n’eussent été, son courage, sa détermination et son aversion du pouvoir, la démocratie dont nous nous targuons tant aujourd’hui aurait mis du temps à être une réalité.
C’est cette œuvre amorcée par l’actuel Représentant de l’Union Africaine chargé de l’opérationnalisation de la Force Africaine en Attente, le général Konaté, qui mettra fin au régime militaire et permettra l’accession d’un civil au pouvoir.
Aujourd’hui, sous la 3eme république, l’armée guinéenne est devenue une armée républicaine. Le professeur Alpha Condé a continué la réforme engagée par son prédécesseur, augmenté le salaire des militaires, amélioré leurs conditions de vie dans les casernes, et envoyé à la retraite près de 4.000 militaires.
Aussi l’armée commence-t-elle à redevenir une armée de métier qui participe au développement économique et social du pays et marque davantage sa présence dans les contingents militaires des Nations Unies, de l’Union Africaine ou de la CEDEAO. La dernière en date est la participation de l’armée guinéenne au nord du Mali.
En guise d’illustration, on peut citer la vaste campagne de nettoyage de la ville engagée récemment par l’armée sous la direction éclairée du général Namori Traoré chef d’Etat-major général des armées et la récente décision du Président de la République de déployer 850 militaires aux cotés des Maliens pour achever la lutte contre les Djihadistes qui continuent de semer la terreur par des attentats suicides
Ce 57e anniversaire est une occasion pour nos militaires de continuer à se réorganiser pour réaffirmer leur vocation nationale d’antan. La défense de notre souveraineté, la protection des intérêts de l’Etat et du peuple contre tout abus de pouvoir et d’agression provenant de l’extérieur.
En cette journée mémorable, la pensée du peuple de Guinée va à tous nos braves militaires qui sont tombés sur les champs d’honneur. Les Guinéens ne cesseront jamais de saluer leur mémoire et de faire confiance à la nouvelle génération de soldats mieux formés et plus disciplinés prêts à accompagner le nouvel élu, le Professeur Alpha Condé dans son combat pour le développement économique et social et l’instauration d’une vraie démocratie en Guinée.
Ce n’est qu’en cela que le peuple de Guinée aura son salut.
Bangaly Condé « Malbanga », depuis les Etats-Unis