À Bujumbura, des centaines de policiers ont encerclé dimanche 8 novembre à l’aube le quartier contestataire de Mutakura, dans le nord de la capitale – déserté par ses habitants – où ils ont procédé à des fouilles systématiques, selon des témoignages.
« L’opération de désarmement forcé est en cours depuis ce matin à Mutakura et elle se déroule dans le calme jusqu’à cette heure », a annoncé dans l’après-midi Remy Barampama, l’administrateur de la commune de Ntahangwa, qui englobe Mutakura. « Des fusils et des grenades ont déjà été saisis, (…), mais sachez que l’opération ne fait que commencer et qu’elle devra se poursuivre dans les jours qui viennent », a-t-il affirmé.
La police a présenté à des journalistes à la mi-journée une dizaine de fusils et des grenades. « J’appelle la population à la sérénité car elle voit bien que les forces de l’ordre ne leur font aucun mal », a lancé M. Barampama, appelant les habitants « à regagner leurs maisons tout en se désolidarisant des criminels armés qui les ont pris en otage ».
Neuf personnes ont été tuées dans la nuit de samedi à dimanche dans l’attaque d’un bar dans un autre quartier d’opposants du sud de la capitale, dans un scénario faisant penser à une exécution, selon le maire et des sources médicales.
« Ils leur ont tiré dessus froidement, c’était vraiment une exécution », a déclaré le maire de Bujumbura, Freddy Mbonimpa.
Des témoins ont affirmé que « ces gens étaient en tenue policière », accusant « des agents de police et des Imbonerakure (ligue des jeunes du parti au pouvoir) d’être responsable de ce massacre ». Plusieurs quartiers du sud de la capitale ont été en pointe dans la contestation du troisième mandat présidentiel. Des insurgés armés, qui se nomment eux-mêmes « les résistants », y sont présents, selon des sources concordantes.
Des quartiers vidés de leurs habitants
Selon le maire, « les quartiers contestataires, surtout ceux situés dans le nord, se sont pratiquement vidés de tous leurs habitants ». Pris de panique, les habitants des quartiers de Mutakura et Cibitoke, hauts-lieux de la contestation anti-gouvernementale et où l’on recense chaque jour plusieurs morts, ont fui à l’arrivée des forces de l’ordre.
Marie, une quinquagénaire de Mutakura réfugiée dans un autre quartier avec ses enfants, « n’a pas fermé l’oeil de la nuit ». « Je pensais à mon mari resté à Mutakura, qu’il allait mourir et même qu’ils allaient nous pourchasser jusque dans ce quartier ».
Au moins 200 personnes sont mortes depuis le début de la crise fin avril, et 200 000 ont fui le pays.
La présidence a tenté samedi de rassurer, assurant qu’il n’y aurait ni « guerre » ni « génocide » au Burundi. Elle a réagi le lendemain aux déclarations du président rwandais Paul Kagamé qui a accusé son voisin burundais de « massacrer » son peuple. « Ce sont des propos inappropriés d’une agressivité inouïe », a déclaré à l’AFP Willy Nyamitwe, conseiller principal présidentiel en communication.
Dans une virulente charge publique, Paul Kagamé a estimé que la situation au Burundi « rappelle un peu celle qui a prévalu ici » au Rwanda en 1994 lors du génocide. « Les gens meurent tous les jours (au Burundi), les cadavres jonchent les rues ». « Ils (les Burundais) auraient dû tirer les leçons de ce qui s’est passé ici, » a-t-il déclaré, dans un discours prononcé vendredi.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir lundi, à la demande de la France, pour évoquer l’escalade des tensions dans ce pays.