Ce week-end, les Marocains ont été pris dans une transe patriotique qui n’était pas sans rappeler celle de la Marche verte, il y a quarante ans. Mobilisation sur les réseaux sociaux, festivals, rassemblements citoyens… Tout le monde – ou presque – s’est habillé aux couleurs nationales et s’est pris à scander « Sahara marocain, Sahara marocain ». Laâyoune, la plus grande ville des provinces du Sud, était the place to be.
Des milliers de Marocains s’y sont donnés rendez-vous, ce 6 novembre, le jour où, quarante ans plus tôt, Hassan II ordonna à près de 350 000 personnes de marcher vers cette région afin de la soustraire au colonisateur espagnol. Dans les rues de Laâyoune, l’ambiance était à la fête : des stars internationales se sont lancées dans des danses endiablées sur les rythmes de la musique amazigh, à l’image de Diego Maradona.
Le lendemain, samedi 7 novembre, près de 30 000 personnes ont manifesté devant le siège de la Minurso (Mission des Nations unies au Sahara occidental), demandant son départ. Mohammed VI a soutenu les manifestants. Le message adressé à la communauté internationale était clair et offensif : le Maroc est dans son Sahara et le restera.
L’Algérie dans la ligne de mire
Rarement le Maroc a connu un aussi grand engouement sur ce dossier qui empoisonne ses relations avec son voisin algérien depuis quarante ans. Mohammed VI n’y a pas été par quatre chemins. Dans son discours du 6 novembre, il a montré l’intention de son pays d’en découdre avec tous ceux qui l’empêchent de s’ancrer dans ses terres, en premier lieu l’Algérie. Le roi du Maroc ne s’est pas embarrassé de formules diplomatiques pour dire qu’Alger « exploite les enfants de la région du Sahara pour en faire un butin de guerre, les réduisant à l’état de quémandeurs d’aide humaine, sans prendre la peine de leur garantir une vie digne ». « Où sont passées les centaines de millions d’euros accordées sous forme d’aides humanitaires, lesquelles dépassent les 60 millions d’euros par an, sans compter les milliards affectés à l’armement et au soutien de la machine de propagande et de répression utilisée par les séparatistes ? », a-t-il dénoncé.
Face au statu quo à la fois algérien et onusien, Mohammed VI a voulu montrer que l’État marocain passait, lui, à l’action et souhaitait ancrer la région dans sa stratégie africaine. Finie l’économie de rente qui y a été longtemps privilégiée à des fins politiques. Elle n’a fait qu’agrandir le fossé entre le Sahara et les autres régions, lui donnant un statut exceptionnel qui ne lui a pas toujours rendu service.
Désormais, les régions sahariennes entreront dans la nouvelle politique de régionalisation au même titre que les autres, certes avec une plus large autonomie, mais avec le dessein de les sortir de leur isolement politique et économique. Le nouveau projet, qui coûtera pas moins de 13 milliards d’euros, prévoit d’en faire un hub commercial et logistique vers et en provenance de l’Afrique de l’Ouest et des Canaries avec des infrastructures adaptées. La plus grande gare routière du continent sera édifiée à Laâyoune. Elle mettra les marchés d’Abidjan et Lagos à portée de conteneurs de Tanger Med. Quant aux ports de Dakhla et de Boujdour et à l’aéroport de Guelmim, ils faciliteront l’intégration économique avec les pays voisins.
Une région comme les autres
Reconstitution des nappes phréatiques, lancement de la ceinture verte, lutte contre l’ensablement, sans parler du méga-projet solaire de Ouarzazate… Le Maroc veut construire dans le Sahara un bouclier écologique – le premier sur le continent africain – qu’il renforcera avec des programmes touristiques. Chaque ville aura une vocation : à Dakhla la pêche et les sports de glisse, à Aousserd les mines et l’agriculture, à Smara la culture et l’économie sociale et solidaire.
La mine de Phosboucraâ, appartenant à l’Office chérifien des phosphates (OCP), souvent dénoncée par les adversaires du Maroc comme étant « la preuve de la spoliation des richesses de la région » – alors que sa production est actuellement très faible -, entrera dans une phase plus active et ses revenus doivent profiter aux populations locales, selon le plan du souverain.
Ce 6 novembre, Mohammed VI a symboliquement voulu lancer une « nouvelle Marche verte ». Après le combat politique de son père, il veut ramener le Sahara sur un plan purement économique, et lui offrir le développement dont il a besoin, au même titre que les autres régions du royaume.
Nadia Lamlili