« Au travail ». C’est une expression qui rappelle l’effroi du génocide rwandais de 1994 lorsque ces mots – tels un code – étaient martelés par Radio mille collines pour appeler les Hutus à aller massacrer les Tutsis. Un ordre codé qui avait aussi été prononcé par le président intérimaire rwandais, Théodore Sindikubwabo, qui a joué un grand rôle dans le déclenchement du génocide.
Une triste référence qui est réapparue ces derniers jours au Burundi, où le président Pierre Nkurunziza et la coalition au pouvoir, le CNDD-FDD, sont accusés d’alimenter la violence et un climat de chaos en menant la chasse aux opposants. Une gigantesque opération de porte-à-porte de la part de l’armée a débouché sur la mort de neuf personnes ces dernières heures dans les rues de Bujumbura, la capitale.
Le centre de recherche de l’International crisis group a tiré la semaine d’alarme en dénonçant la politique de la terreur du gouvernement dans un rapport.
«Le Burundi fait face à la possibilité d’atrocités de masse et d’une guerre civile. Il apparaît que le président Pierre Nkurunziza et son entourage utilisent la force pour mettre fin aux manifestations qui ont lieu à Bujumbara depuis avril. Le langage qui est utilisé est sensiblement similaire à celui du Rwanda dans les années 1990 avant le génocide.»
«Inciter au génocide»
Sur le magazine en ligne américain Foreign Policy, qui traite de grands sujets géopolitique, l’analyse laisse également place à l’inquiétude.
«Les menaces du président qui veut écraser les « ennemis » et « les terroristes » sont les dernières d’une série de remarques incendiaires de la part du gouvernement. Des sorties médiatiques que plusieurs analystes qualifient avec inquiétude de similaires avec le langage utilisé dans le Rwanda voisin en1994 pour inciter au génocide.»
Le président burundais du Sénat, Reverien Ndikuriyo, a notamment déclaré la semaine dernière: «Quand les jours viendront nous leurs dirons d’aller « au travail »». Un ordre qui signifiait «allez tuer des Tutsis» pendant le génocide rwandais.
En avril 2015, Pierre Nkurunziza a, par la force, modifié la Constitution du pays pour briguer un troisième mandat lors d’élections très contestées qu’il a remporté dès le premier tour en juin 2015. Des milliers de Burundais ont déjà fui le pays selon l’Agence des Nations unies pour les réfugiés. Ils craignent une reprise de la guerre civile qui avait ravagé le pays entre 1993 et 2005 et pendant laquelle de nombreux massacres ethniques avaient eu lieu.