Transparency International estime que 75 millions d’Africains ont versé un pot-de-vin au cours de l’année dernière
Une majorité d’Africains déclare que la corruption a progressé au cours des 12 derniers mois et ils jugent que la plupart des gouvernements ne remplissent pas leurs obligations pour enrayer les abus de pouvoir, la corruption et les ententes secrètes, selon un nouveau sondage d’opinion réalisé par Transparency International (http://www.Transparency.org).
Dans le cadre du rapport People and Corruption: Africa Survey 2015, un élément du Baromètre mondial de la corruption, Transparency International s’est associé à Afrobaromètre, qui a interrogé 43 143 personnes dans 28 pays d’Afrique subsaharienne entre mars 2014 et septembre 2015 sur leurs expériences et perceptions de la corruption dans leur pays.
La majorité (58 %) des Africains au sein des pays sondés affirme que la corruption a augmenté au cours des 12 derniers mois. Sur 18 des 28 pays sondés, une grande majorité des personnes interrogées considère que le gouvernement de leur pays ne fait pas correctement son travail en matière de lutte contre la corruption.
Malgré ces conclusions décevantes, quelques pays du continent se distinguent néanmoins, parmi lesquels le Botswana, le Burkina Faso, le Lesotho et le Sénégal. Les citoyens de ces pays sont parmi les plus positifs de la région lorsqu’il est question de la corruption.
Pour la première fois, les personnes interrogées ont déclaré qu’elles percevaient les dirigeants d’entreprises comme hautement corrompus. Le monde des affaires est classé comme le deuxième secteur affecté par les niveaux de corruption les plus élevés dans la région, juste après la police. La police est régulièrement évaluée comme fortement corrompue, mais l’évaluation très négative des dirigeants d’entreprises est un fait nouveau par rapport aux sondages précédents.
Beaucoup d’Africains, en particulier les populations défavorisées, subissent le poids de la corruption quand ils tentent d’avoir accès aux services publics de base dans leur pays. 22% des gens qui ont été en contact avec un service public au cours des 12 derniers mois ont versé un pot-de-vin.
Sur les six principaux services publics sur lesquels nos questions ont porté, les personnes qui ont été en contact avec les tribunaux ou la police sont les plus susceptibles d’avoir versé un pot-de-vin. Respectivement 28 % et 27% des personnes qui ont eu un contact avec ces services ont versé un pot-de-vin. Sur tout le continent, les pauvres ayant recours aux services publics sont deux fois plus susceptibles que les riches d’avoir versé un pot-de-vin. Dans les zones urbaines, ils sont encore plus susceptibles de payer des pots-de-vin.
« La corruption crée et alimente la pauvreté et l’exclusion. Alors que des individus corrompus qui jouissent d’un pouvoir politique mènent un train de vie somptueux, des millions d’Africains sont privés de la satisfaction de leurs besoins fondamentaux comme l’alimentation, la santé, l’éducation, le logement, l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires. Nous appelons les gouvernements et les juges à venir à bout de la corruption, à mettre un terme à l’impunité et à mettre en œuvre l’Objectif 16 des Objectifs de développement durable édictés par les Nations unies visant à réduire la corruption. Nous exhortons également la population à exiger honnêteté et transparence et à se mobiliser contre la corruption. Il est temps de dire que ça suffit et de démasquer les corrompus, » a déclaré José Ugaz, le président de Transparency International.
Il est de plus en plus évident que les citoyens constituent un élément clé de toute initiative de lutte contre la corruption. Toutefois, l’enquête indique que les mécanismes de dénonciation de la corruption sont souvent perçus comme trop dangereux, inefficaces ou peu clairs. Plus de 1 Africain sur 3 pense qu’un lanceur d’alerte s’expose à des conséquences négatives s’il dénonce des pratiques de corruption, ce qui est la raison pour laquelle la plupart des gens ne dénoncent pas la corruption.
« Notre travail en tant que société civile est clair : nous devons diffuser un message d’espoir à travers le continent. Il est possible de lutter contre la corruption. On doit donner l’espace aux gens de s’élever contre elle sans crainte de représailles et les gouvernements doivent faire preuve de responsabilité pour mettre un terme à l’impunité généralisée. »
Transparency International fait les recommandations suivantes :
– Les gouvernements doivent renforcer et faire respecter la législation applicable aux hommes d’affaires corrompus et à la lutte contre le blanchiment d’argent, pour juguler le volume élevé des flux illicites en provenance du continent. Si ceux qui en profitent étaient tenus de rendre des comptes, cela pourrait contribuer à remédier à la perception négative du monde des affaires.
– Les gouvernements doivent établir un droit à l’information et adopter une législation visant à protéger les lanceurs d’alertes, afin de faciliter le rôle de la société civile, en rendant les institutions publiques plus transparentes, responsables et exemptes de corruption.
– Les gouvernements doivent manifester un engagement profond et durable pour agir contre la corruption à tous les niveaux de la police, en assurant la promotion de réformes qui conjuguent mesures punitives et changements structurels à court et moyen terme. Agir plus sévèrement contre la petite corruption a un impact direct sur les personnes les plus vulnérables de la société.
– L’Union africaine et ses membres doivent offrir la volonté politique et le financement nécessaires à la mise en œuvre du mécanisme de contrôle défini au titre de sa convention de lutte contre la corruption.
Tant qu’elle ne sera pas éradiquée, la corruption ralentira le développement et la croissance économique, tout en affaiblissant la confiance des citoyens à l’égard du gouvernement et la responsabilité des institutions publiques.
Distribué par APO (African Press Organization) pour Transparency International