En répondant aux questions de Christophe Boisbouvier de la RFI, Cheick Sako fait savoir qu’un mandat d’arrêt a été émis par la justice guinéenne depuis le 26 avril 2010. Donc, avant même l’arrivée du professeur Alpha Condé au pouvoir. Dès lors que monsieur Diakité Toumba avait fui la Guinée, ce mandat était émis. Lire la suite:
Les polices de Guinée et du Sénégal ont-elles bien collaboré ?
Tout à fait. Il faut dire que la justice guinéenne, contrairement à ce qui est dit, n’avait pas les bras croisés. Il était entre la France, le Maroc, la Gambie et le Sénégal. Donc il fallait le situer, il fallait le repérer.
Mais je crois que ça n’a pas été si simple parce qu’il avait changé de nom, il avait aussi changé de physionomie, il avait pris du poids…
Oui, tout à fait. Vous savez, j’en profite pour remercier nos frères sénégalais pour leur efficace collaboration. Mais je précise que monsieur Toumba Diakité est présumé innocent.Il appartient à monsieur Diakité de prendre des avocats et surtout de dire sa part de vérité dans ce malheureux événement.
J’imagine que, grâce notamment à la communauté guinéenne de Dakar – plusieurs centaines de milliers de personnes –, des renseignements ont dû pouvoir être obtenus, non ?
Je ne peux pas rentrer dans ces détails. Simplement, il a pu être repéré au niveau de l’adresse, la villa qu’il occupait à Dakar.
Que va devenir Toumba Diakité à présent ? Va-t-il être extradé rapidement ou va-t-il être d’abord auditionné à Dakar ?
Vous connaissez la procédure d’extradition qui est une procédure complexe, une procédure qui doit passer devant la Chambre d’accusation de Dakar. Le président de la République sénégalaise doit signer un décret d’extradition. Donc il faut respecter la procédure.
Mais pour l’instant, il n’est toujours pas inculpé formellement ?
Il n’est pas inculpé, mais le dossier est assez conséquent et je pense qu’il aura loisir de préparer sa défense.
Alors évidemment, tout le monde se demande s’il faudra attendre l’extradition de Toumba Diakité avant que le dossier d’instruction ne soit bouclé…
Il n’appartient pas au ministre de la Justice de dire à quelle période précise la procédure va être bouclée. Il y a trois magistrats instructeurs qui travaillent sur ce dossier, ce sont des vrais professionnels. Ces magistrats décideront en fonction du contenu de la procédure.
Mais sur le plan légal, les trois juges peuvent décider de clôturer l’instruction avant l’extradition de Toumba Diakité, est-ce possible ?
Juridiquement, ce n’est pas impossible. Mais voyez-vous, je ne me suis pas pressé… La justice guinéenne ne s’est pas pressée pour boucler ce dossier parce que c’est important que monsieur Diakité puisse être interrogé et qu’il puisse dire sa part de vérité dans ces événements. Donc, les magistrats vont l’entendre – que ce soit en Guinée ou au Sénégal, ça c’est une autre histoire, ils verront eux-mêmes – avant la clôture de ce dossier.
A quelle date espérez-vous la clôture de ce dossier ?
Ça va être en début d’année. Ça c’est sûr.
Début 2017…
Tout à fait. Les premiers mois de 2017.
A quelle date pourra démarrer le procès ?
On ne peut pas le dire de façon ferme. J’avais annoncé courant 2017, je maintiens cette position, courant 2017. Je ne peux pas vous donner une date précise.
Une quinzaine de personnes inculpées, 157 personnes massacrées et au moins une centaine de femmes violées. C’est un procès-fleuve qui s’annonce, Cheick Sako. Est-ce que la justice guinéenne est en mesure d’organiser toute seule ce procès ?
La justice guinéenne pourra organiser ce procès. Simplement, la justice guinéenne a besoin d’aide. On a eu des engagements fermes des Nations unies, des Etats-Unis, de l’Union européenne, de la France. Nous attendrons d’avoir ces aides pour effectivement commencer le procès. Je rappelle à ce sujet que le Sénégal a pu organiser convenablement le procès d’Hissène Habré avec l’aide internationale.
Est-ce que la salle d’audience de la Cour d’appel de Conakry est assez grande pour accueillir ce procès ?
Ce procès va durer entre six mois et huit mois. Nous verrons en temps opportun si on le fera dans l’enceinte de la Cour d’appel, ou si on trouvera un endroit neutre, un chapiteau par exemple, pour faire ce procès.
Pour l’Association des victimes et parents des victimes du massacre (AVIPA), il faut que lors de ce procès soient présents tous les responsables de cette tragédie et notamment le chef de la junte de l’époque, le capitaine Dadis Camara.
Monsieur Dadis a été assez clair. Il a dit qu’il viendra se défendre devant le tribunal criminel.
Oui, mais s’il ne vient pas de lui-même est-ce qu’il ne faut pas engager une procédure d’extradition avec le Burkina Faso, le pays où il est réfugié ?
Pour l’instant c’est prématuré. Monsieur Moussa Dadis Camara a indiqué clairement qu’il viendra se défendre. Donc il faudrait lui faire confiance.
En juillet 2015, à l’issue d’un déplacement des trois juges guinéens à Ouagadougou, Moussa Dadis Camara a été formellement inculpé de complicité de meurtres, de viols et de disparitions forcées. Est-ce que cela ne pourrait pas justifier le lancement d’une procédure d’extradition ?
Vous anticipez. Monsieur Moussa Dadis Camara est sous contrôle international au Burkina Faso. Dès lors que lui-même est prêt à venir se défendre devant le Tribunal criminel, la question de l’extradition ne se pose pas pour l’instant.
Souhaitez-vous, comme les victimes, qu’un jour Moussa Dadis Camara puisse répondre de ces actes ?
La procédure pénale criminelle est enjeu. Il viendra se défendre devant le Tribunal criminel. Il l’a dit lui-même. Voilà, je n’en dirai pas plus.
La rédaction