Historien reconnu, intellectuel au service de la mémoire africaine et auteur de l’Histoire générale de l’Afrique, Djibril Tamsir Niane règne toujours sur les livres de sa bibliothèque, située dans le quartier de La Minière.
IL HABITE TOUJOURS LA MÊME MAISON, DANS LE QUARTIER LA MINIÈRE, DERRIÈRE SA BIBLIOTHÈQUE. LE CÉLÈBRE HISTORIEN, QUI A CÉLÉBRÉ SES 85 ANS EN JANVIER, EST TEL UN VIEUX CAPITAINE QUI JAMAIS NE QUITTERA SON NAVIRE. « J’AI MOI-MÊME SAUVÉ DES FLAMMES DES OUVRAGES RARES ET MES BANDES D’ENREGISTREMENT », RACONTE-T-IL.
En effet, le bâtiment a été détruit par un incendie en 2012. Mais, grâce à la volonté du président Alpha Condé et à des financements du ministère de la Culture, la bibliothèque du professeur Djibril Tamsir Niane vient d’être reconstruite, et elle sera inaugurée au mois d’avril, lors du lancement de Conakry Capitale mondiale du livre.
Grand défenseur de l’histoire et la culture africaine
Tout a commencé à la fin des années 1950, alors que le brillant étudiant en histoire à l’université de Bordeaux (France) préparait son mémoire sur l’empire du Mandé. « On disait alors qu’il n’en restait aucune trace puisque c’était de tradition orale, explique-t-il. J’ai décidé d’aller à la source, j’ai fait le tour des villages de la sous-région, j’ai écouté les récits des griots… Et c’est comme ça que j’ai écrit Soundjata », (Soundjata ou l’épopée mandingue, publié en 1960 par Présence africaine).
En 1966, à Abidjan, avec son ami burkinabè Joseph Ki-Zerbo, mais aussi avec le Sénégalais Cheikh Anta Diop et le Malien Hampâté Bâ, il fait partie du premier comité scientifique pour la rédaction de l’Histoire générale de l’Afrique. Le médiéviste en codirige avec Joseph Ki-Zerbo le volume IV, relatif à l’époque des grands empires africains du XIIe au XVIe siècle. Sa maison devient « un lieu de visitation », comme le décrit sa fille Fifi, où se rencontrent les intellectuels (Maryse Condé, Sarah Maldoror, Cheikh Hamidou Kane…).
Emprisonné dans le camp Boiro
Aujourd’hui encore, devant la longue table du séjour, son épouse reçoit les visiteurs avec un large sourire avant de s’éclipser. Comme elle, Djibril Tamsir Niane est discret, surtout lorsqu’on lui demande de raconter sa vie, de parler de ses années d’emprisonnement au sinistre camp Boiro au début des années 1960, du décès tragique de « la si belle Katoucha », sa fille aînée, en 2008. Sur la bibliothèque, plusieurs photos d’elle trônent à côté de ses trophées d’historien. Son regard devient humide. Trop d’émotion. Cette histoire-là, il la garde pour lui.
Jeune Afrique