La dégradation de la situation politique du Mali a fini par causer le départ des institutions de la république. Le soulèvement populaire, canalisé par le M5-RFP et un certain nombre de partis politiques, a été favorable à la création des conditions de changement de l’ordre constitutionnel. Les uns et les autres ont repris à leur compte les revendications sociales et ont tiré  de la frustration générale les fondements de leur combat contre un système décadent. C’est ainsi, qu’au lendemain de la grogne générale du lundi 10 août, les forces armées se sont mêlées des mouvements sociaux.

Le résultat, la démission du président de la république et la dissolution des autres institutions, fait l’objet de controverses. La CDEAO et la communauté internationale prennent position et condamnent ce qu’ils qualifient de “Coup d’État”. Les uns et les autres réclament le retour à l’ordre constitutionnel. Les auteurs de ce changement inattendu d’institutions s’opposent à cette qualification. Ils estiment avoir maintenu l’ordre constitutionnel et s’apprêtent à confier la transition aux civils. La CDEAO menace d’exercer des sanctions à  l’encontre du peuple malien. Des mesures visant à la restriction des mouvements (des personnes et des biens) entre pays voisins ont été  unilatéralement  prises par certains pays.

Face à cette situation, il est primordial d’attribuer la qualification juridique adéquate à l’intervention des militaires maliens dans la résolution de la crise multidirectionnelle que traversait le pays.  Si c’est un “Coup d’État”, alors les maliens ont pris le risque de s’exposer à  des sanctions communautaires. En effet le traité institutif de la CDEAO (art 4 les principes fondamentaux) prône le respect des principes de la démocratie et l’ordre constitutionnel. Le texte cité insiste sur la nécessité de “promouvoir et de consolider la démocratie” dans les États membres.

Ce principe s’oppose aux transitions non démocratiques. On notera toutefois que le non de cet engagement n’est pas sanctionné  par le traité institutif. C’est peut-être par une interprétation, par extension, que la CEDEAO tente de justifier les mesures envisagées. Mais si la démission provoquée d’IBK  n’est  qu’un” Coup de grâce” de la révolte populaire, le peuple étant souverain, la CDEAO et la communauté internationale ont un devoir de compassion et d’assistance. L’intervention de la “junte”, condamnable dans une démocratie forte de l’adhésion du peuple souverain, semble pouvoir se justifier par la perte de légitimité du pouvoir délogé.

Ainsi la décrépitude de la légitimité démocratique, opposable à la légitimité constitutionnelle, semble-t-elle excuser la destitution du pouvoir. Le peuple est le baromètre de la légitimité et l’auteur de la Constitution. Par ailleurs, s’il estime que le pouvoir en place a cessé de répondre à  ses aspirations (sécurité, liberté et prospérité), celui, qui détient la souveraineté, se réapproprie légitimement ses prérogatives. Sa volonté prime sur les considérations d’ordre juridique ou Constitutionnel en dépit d’un risque latent de désordre. C’est donc au peuple malien d’assumer les conséquences de ce désordre interne.

Le principe du “gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple” (art. 25 Constitution) prend ainsi tout son sens. Nos partenaires ne peuvent que respecter les modes d’expression de notre souveraineté. La Constitution et les conventions (traité CEDEAO) ont été  adoptées dans l’intérêt du peuple souverain du Mali. Si leur respect porte atteinte aux intérêts supérieurs de la nation malienne, alors le peuple peut être excusé  pour son écart.

Nous, juriste et légaliste convaincu, demeurons perplexes quant à la qualification à donner à  l’intervention de la junte militaire. Nous ne pouvons que prendre acte et espérer un dénouement heureux. Il appartient donc au peuple malien de s’unir au tour de l’essentiel afin de faire face aux nombreux défis qui acculent le pays.

Dr Moussa Dougouné