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USA : pourquoi les agriculteurs américains soutiennent toujours majoritairement Donald Trump

FarmWise equipment operator Victor Rosales monitors the FarmWise agricultural robot as it weeds a bed of sprouting romaine lettuce at a farm in Salinas, California on February 20, 2020. - The FarmWise robot largely operates autonomously, though requires an operator to monitor the equipment and help it turn around at the end of each bed of crops. FarmWise aims to support sustainable farming through the use of artificial intelligence and data gathering via their autonomous robot. (Photo by Philip Pacheco / AFP)

Les fermiers américains ont beaucoup souffert ces dernières années : la guerre commerciale avec la Chine, les catastrophes naturelles et la pandémie de Covid-19 ont entraîné de lourdes pertes pour bon nombre d’exploitants.

Ceux-ci avaient très majoritairement voté pour Donald Trump en 2016 et leurs suffrages demeurent indispensables à sa réélection dans un certain nombre d’États clés, comme l’Iowa et le Minnesota. Toutefois, compte tenu de la situation actuelle, renouvelleront-ils leur confiance au président lors de l’élection de novembre ?

Nous avons mené de nombreuses enquêtes sur les agriculteurs américains, ces dernières années, en nous basant sur des sondages et des entretiens individuels. Nous nous sommes par ailleurs employés à évaluer l’impact de la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine.

Face à l’importance des pertes financières subies par cette frange de son électorat, Donald Trump a trouvé le moyen de se racheter en octroyant des aides record, ce qui nous incite à penser que la plupart des agriculteurs devraient lui demeurer fidèles.

Des exportations en forte baisse

La guerre commerciale contre la Chine, qui a débuté en 2018, a considérablement freiné les exportations agricoles américaines.

À l’automne 2019, après plus d’un an d’escalade, les sanctions en matière de droits de douane imposées par la Chine s’appliquaient à la quasi-totalité des produits agricoles américains. En conséquence, les exportations de marchandises stratégiques tels que le soja ont enregistré de fortes baisses, ce qui a entraîné, selon nos estimations, des pertes de plus de 10 milliards de dollars pour les producteurs concernés.

Cette crise a touché de façon inégale l’ensemble des États-Unis. La Californie a été la plus affectée, avec un déficit de plus de 6 milliards de dollars, même si la plupart des États ont enregistré des pertes s’élevant à des centaines de millions de dollars, ou même à plus d’un milliard de dollars pour onze d’entre eux.

Les subventions fédérales à la rescousse

En 2018, le gouvernement Trump a mis en place un programme de subventions destiné à atténuer les pertes subies par les agriculteurs du fait de cette guerre commerciale. Contrairement aux usages, il a permis au département de l’Agriculture de débloquer les fonds avant même d’avoir obtenu l’approbation du Congrès.

Dans le cadre de ce programme, les agriculteurs et les éleveurs ont perçu 8,5 milliards de dollars au titre des pertes enregistrées en 2018, et 14,3 milliards de dollars pour l’année suivante. Aucune subvention liée aux échanges commerciaux n’a été allouée en 2020, si ce n’est la troisième tranche des versements se rapportant à 2019.

Toutefois, de même que certains États ont été plus durement touchés que d’autres par la guerre commerciale, tous les États n’ont pas profité équitablement de ces subventions. Ces dernières ont en effet largement bénéficié au Midwest, ce qui témoigne du poids politique des électeurs ruraux des États de cette région. De fait, la plupart des États qui en ont le plus profité, comme l’Iowa et le Nebraska, votent généralement pour les Républicains et sont des régions plutôt agricoles.

Comme l’a récemment affirmé le président lui-même lors d’un meeting dans l’Iowa, « certains agriculteurs gagnaient plus grâce à mes mesures qu’en se tuant à la tâche, OK ? Ils étaient vraiment très contents ».

Dans la mesure où ce programme est financé par l’ensemble des contribuables, les États à forte population urbaine comme la Californie, le Texas et New York en assument la charge, et cotisent davantage qu’ils ne perçoivent. Les agriculteurs californiens, par exemple, n’ont reçu que 106 millions de dollars d’indemnités – malgré les 6 milliards de dollars de pertes subies – alors que les contribuables de l’État ont contribué à hauteur de 2 milliards de dollars.

Le coronavirus aggrave les pertes financières

Malheureusement pour les agriculteurs, au moment même où les États-Unis et la Chine parvenaient à la conclusion d’une trêve dans le cadre du différend qui les opposait, la récession due au coronavirus a entraîné de nouvelles considérables contraintes économiques.

Bien que le préjudice financier causé par la pandémie reste difficile à évaluer, les fermetures d’écoles, de restaurants et d’autres entreprises ont provoqué une baisse des ventes de denrées alimentaires et une nouvelle dégradation des marchés dont pâtissent les agriculteurs et les éleveurs de tout le pays. En 2020, en dépit de l’aide fédérale qui leur est octroyée, les producteurs de maïs et de soja du Midwest risquent fort de subir des pertes financières.

Le gouvernement a alors mis sur pied, en partenariat avec le Congrès cette fois, un autre programme d’aide aux agriculteurs touchés par la pandémie, au titre duquel pas moins de 30 milliards de dollars ont déjà été versés. Une fois encore, une grande partie des fonds a été attribuée aux États républicains du Midwest, comme l’Iowa, qui à eux seuls ont perçu près d’un milliard de dollars sur les 10,2 milliards de dollars initialement déboursés.

À l’approche du scrutin, les versements se multiplient. Conjugués aux subventions liées aux échanges commerciaux et aux aides antérieures au mandat de Donald Trump, le montant total des subventions devrait atteindre cette année le chiffre record de 46 milliards de dollars.

Bien que ces indemnités visent à fournir une aide provisoire, il se pourrait que la guerre commerciale porte déjà préjudice aux agriculteurs américains sur le long terme. En matière de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux, les droits de douane sur les produits agricoles américains ont conduit les entreprises chinoises à rechercher des sources d’approvisionnement plus compétitives. Les exploitants brésiliens ont vendu des quantités record de soja à la Chine en mai et en juin, et tirent maintenant de cette culture des bénéfices record.

Le monde agricole affiche son soutien indéfectible au président. Paul Weaver/Pacific Press/LightRocket via Getty Images

Un soutien qui ne se dément pas

Comment tout cela influera-t-il sur le soutien potentiel des agriculteurs au candidat Trump, le 3 novembre ?

Deux récentes études ont montré que les candidats républicains ont perdu des suffrages lors des législatives de 2018 dans les comtés les plus exposés aux sanctions commerciales, et dans ceux où la production de soja est la plus importante. Évidemment, tous les agriculteurs ne sont pas satisfaits de Donald Trump. Un exploitant agricole de l’Ohio qui avait voté pour lui en 2016 a par exemple déploré dans un article que le président agisse « toujours de la même manière. Il vous fait du tort et vous donne ensuite de l’argent pour vous amadouer ».

Néanmoins, les aides considérables versées au secteur de l’agriculture comptent parmi les raisons pour lesquelles les agriculteurs disent approuver la guerre commerciale menée par le président. Notre enquête réalisée auprès des cultivateurs du Midwest à l’automne dernier a montré que 56 % soutenaient peu ou prou les droits de douane imposés par Donald Trump sur les produits chinois, malgré les sanctions qui visaient en retour leurs propres exportations. Ils déclaraient également qu’ils partageaient les préoccupations de nombreux Américains sur la menace plus générale que représente la Chine, sur le déficit commercial et le cyber-espionnage, par exemple.

Par ailleurs, plusieurs sondages réalisés récemment montrent que Donald Trump bénéficie toujours d’un large soutien du secteur agricole. En effet, 82 % des agriculteurs interrogés par le Farm Journal au mois d’août ont déclaré qu’ils avaient l’intention de voter pour le président sortant. Un sondage réalisé en juillet auprès de grands exploitants agricoles a révélé que 75 % se prononçaient aussi en faveur de Donald Trump, soit à peu près la même proportion qu’en 2016.

Si l’impact de la guerre commerciale sur l’élection reste incertain, rien ne laisse penser que la majorité des agriculteurs se détourneront du président.

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