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Espace : la Chine lance la construction de sa future station spatiale concurrente de l’ISS

La Chine a lancé, jeudi 29 avril, le premier élément de sa station spatiale, la « CSS » (la station spatiale chinoise). Jusqu’à présent, il n’y avait qu’une seule station spatiale en orbite autour de la Terre, l’ISS gérée par la NASA (l’agence spatiale américaine). Un astronaute dans l’espace en 2003, première mission humaine sur la face cachée de la Lune en 2019, robot prévu sur Mars le mois prochain… La Chine a beaucoup investi dans son programme spatial. Quels objectifs pour Pékin ? Paul Wohrer, chargé de recherches à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) et spécialiste de l’espace, répond à nos questions. Entretien.

La Chine finalise la construction de sa station spatiale concurrente de l’ISS d’ici 2022.
La Chine investit  en effet depuis des décennies des milliards dans son programme spatial. En 2003, le géant asiatique a envoyé son premier astronaute dans l’espace. En 2019, le pays a posé un véhicule sur la face cachée de la Lune (une première mondiale). En 2020, la Chine a rapporté des échantillons de Lune et a finalisé son concurrent du GPS. Le pays asiatique prévoit de faire atterrir un robot sur Mars le mois prochain ou d’envoyer des humains sur la Lune d’ici 2030.

TV5MONDE : Quelles sont les raisons de cet « activisme » spatial de la part de la Chine ?

Paul Wohrer, chargé de recherches à la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS) : C’est la même raison que les États-Unis ou les autres puissances spatiales dans le domaine de l’espace habité. Ça a toujours une vocation politique : soit géopolitique, soit de politique intérieure en fonction du point de vue où on se place. C’est un marqueur de la puissance. Ce marqueur de puissance politique a été très important pour les Américains dans le cadre de la Guerre Froide avec les missions Apollo dans les années 60.

 »Le « spatial habité » permet de rentrer dans le club des grandes puissances. »

                             Paul Wohrer, chargé de recherches à la FRS

Aujourd’hui, la Chine est une puissance plus qu’émergeante, c’est désormais une puissance établie. Elle considère qu’elle a besoin d’un des marqueurs de la puissance. En opposition aux missions qu’on peut qualifier de missions purement utiles comme les missions de télécommunication, de navigation ou d’observation de la Terre, ces marqueurs de la puissance sont, d’une part, le vol habité avec la CSS et d’autre part, des grandes entreprises scientifiques comme la sonde qu’ils ont lancé vers la planète Mars qui devrait se poser le mois prochain.

(Re)voir : Conquête de l’espace : la Chine rapporte des morceaux de Lune sur Terre

 Ça démontre une maturité technologique, la capacité à poursuivre des programmes de très grande envergure et on associe toujours au « spatial habité » une symbolique qui est très forte et qui permet d’une certaine manière de rentrer dans le club des grandes puissances.

Peut-on espérer des collaborations avec d’autres pays ? La Russie, l’Europe et soyons fous, les États-Unis ?

Paul Wohrer : Entre la Russie et la Chine, c’est assez probable étant donné qu’ils ont annoncé récemment leur objectif commun d’aller sur la Lune ensemble et d’y mettre en place une base lunaire. Et d’ailleurs, une grande partie des technologies actuellement utilisées pour ces programmes-là proviennent d’échanges qui ont été menés avec la Russie. Par exemple, le module habité chinois est, en fait, issu des technologies du Soyouz russe. Donc il y a déjà une histoire de coopération avec la Russie.

Il y aura, probablement, une coopération avec l’Europe puisque des astronautes européens se sont déjà entraînés avec des astronautes chinois pour certains types d’opérations. Il est très clairement envisagé que des astronautes européens se rendent dans la station chinoise.

 »Les États-Unis ne peuvent pas, d’un point de vue légal, participer à des entreprises spatiales avec les Chinois »

      Paul Wohrer, chargé de recherches à la FRS

Avec les États-Unis, il y a eu des tentatives de coopération par le passé. Mais depuis l’amendement Wolf, en 2011, les États-Unis et en particulier la NASA ne peuvent pas, aujourd’hui, d’un point de vue légal, participer avec les Chinois à des entreprises spatiales sans autorisation express du Congrès américain. En cause ? La sécurité nationale : il y a eu à l’époque des affaires d’espionnage et de transfert de technologie sensible à la NASA de la part de personnes qui ont été identifiés comme des agents chinois.

Donc dans les faits une coopération entre la NASA et le CNSA (l’agence spatiale chinoise) n’est pas interdite mais en pratique ça a énormément limité les échanges. On a eu un exemple de coopération en 2019 autour du programme lunaire « Chang’E » de la Chine mais disons que la porte est très peu entre-ouverte aujourd’hui et les échanges restent extrêmement limités.

Pourquoi on a l’impression qu’on parle moins de Mars récemment ?

Paul Wohrer : Ce qui est sur actuellement, c’est qu’il y a un objectif commun et c’est la Lune. Il s’agit de la destination envisagée à assez court terme, d’ici une dizaine d’années, par les deux « champions » des programmes habités que sont la Chine et les États-Unis. Donc même si tout le monde garde Mars dans un coin de la tête quand on parle de vol habité futur, on ne voit plus la planète rouge comme destination possible. La Lune, en revanche, c’est là où tout le monde a envie d’aller aujourd’hui.

D’une certaine façon, on sait que c’est possible et aujourd’hui, on peut l’envisager. Une mission martienne serait beaucoup trop ambitieuse. Le cadre de compétition qui a lieu à l’heure actuelle n’est pas propice à ce type de grande mission spatiale. Mars nécessiterait vraiment énormément d’argent et un investissement colossal de tous les pays qui souhaiteraient y aller.

Dans les années 60, il a été possible d’aller sur la Lune parce qu’il y avait la Guerre Froide. Il fallait démontrer dans le cadre d’une recherche de prestige la supériorité d’un modèle, en l’occurrence du modèle américain sur le modèle soviétique. Aujourd’hui, c’est différent. C’est un but qu’on a pas atteint depuis 1972 avec la dernière mission Apollo. Ce n’est pas complètement nouveau. Cette ambition permet de focaliser tout un nombre de nouveaux acteurs et de nouvelles entreprises spatiales qui sont capables d’accompagner les agences publiques dans leur objectif.

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