Accueil à la une Le e-yuan, une monnaie électronique « made in China »

Le e-yuan, une monnaie électronique « made in China »

Contrairement aux autres crypto-monnaies comme le Bitcoin, le e-yuan sera émis par la banque centrale de Chine.

La Chine a désormais sa propre monnaie virtuelle, le e-yuan, créé pour des raisons politico-économiques, stratégiques, ainsi que les besoins de stockage et d’égalité avec les entreprises qui offrent des plateformes numériques, tout en à surveillant à la fois son économie et sa population.

Le e-yuan doit remplacer le yuan, la devise nationale chinoise, sous sa forme physique. Les deux monnaies ont la même fonction. Elle est distribuée par les banques nationales à leurs clients, sous contrôle de la banque centrale chinoise. Les premiers tests se déroulent depuis avril dans des villes choisies par le gouvernement.

Qu’est-ce que le yuan numérique?

La monnaie numérique chinoise est une initiative du gouvernement central chinois nommé la DCEP (Digital Currency Electronic Payment). Familièrement appelée le « yuan numérique », elle at été lancée en 2015. C’est une première pour les grandes économies.

Jusqu’ici, seul le Venezuela avait franchi le rubicon en lançant, en 2018, le petro, une crypto-monnaie garantie par les réserves pétrolières pour faire face au marasme financier dans lequel le pays se trouvait. A la différence du Venezuela, le e-yuan ne se propose pas d’être la réponse à une crise quelconque. C’est plutôt l’expression, sur la place monétaire, d’une Chine aux ambitions d’hégémonie planétaire.

Le e-yuan est contrôlé par la Banque centrale chinoise, qui émettra la nouvelle monnaie électronique. Elle permet à la Banque centrale de numériser les billets de banque et les pièces en circulation.

Les raisons de la création du e-yuan sont principalement politico-économiques, stratégiques et des besoins de stockage, selon le quotidien américain Wall Street Journal.

Raisons politico-économiques

Le dollar américain est actuellement la référence pour les échanges économiques internationaux. La Chine, qui est dans une guerre économique et technologique avec les Etats-Unis, refuse de dépendre de l’économie américaine.

De par son caractère virtuel, le e-yuan pourra être plus facilement implémenté dans des pays sanctionnés par les Etats-Unis et qui menacent d’utiliser la devise chinoise pour réaliser leurs échanges économiques.”, explique Annie Guo, PDG de Silkpay, société spécialisée dans le paiement, dans une interview accordée le 28 mai 2020 au Magazine “Tom. travel”, un réseau d’experts reconnus et d’une rédaction composée de journalistes spécialisés en technologie.

Le e-yuan pourrait donc aider Pékin à renforcer sa position su la scène internationale, notamment en Afrique où la Chine gagne du terrain et où des dirigeants et des gouvernements subissent de plus en plus des sanctions économiques de la part de Washington.

Rien qu’en Afrique, actuellement, environ 300 personnes réparties sur 26 pays ont visées par des sanctions économiques des États-Unis, selon une analyse de la base de données de l’Office du contrôle des avoirs des étrangers (OFAC), une agence du Trésor américain.

Vaste répertoire de ceux que les États-Unis considèrent comme infréquentables, la liste SDN inclut des seigneurs de guerre notoires, des chefs d’État (anciens et actuels), des officiels, des hommes et femmes d’affaires, des rebelles des présumés trafiquants de drogue et des personnes accusées d’actes de terrorisme.

Certaines personnes sont sanctionnées pour des délits de droit commun de haute portée. C’est le cas de six Nigérians qui, à ce jour, sont les seuls Africains sanctionnés sous la rubrique de cyber crime. Recherchés par le FBI, la police fédérale américaine, ils sont accusés d’avoir subtilisé 6 millions de dollars aux entreprises et aux citoyens américains sans jamais quitter le Nigeria.

En plus des individus, les sanctions américaines visent aussi au moins 200 entreprises et œuvres caritatives sur le continent africain, ainsi que des bateaux et des avions dont le nombre exact est difficile à déterminer.

Ces personnes et ces organismes pourraient trouver refuge auprès de l’autonomie monétaire que se construit la Chine avec le concours du e-yuan, afin d’échapper aux sanctions économiques de Washington.

Pékin positionne également le yuan numérique pour un usage international et le conçoit pour qu’il ne soit pas lié au système financier mondial, où le dollar américain est roi depuis la Seconde Guerre mondiale.”, peut-on lire dans le Wall Street Journal du 5 avril 2021. “La Chine adopte la numérisation sous de nombreuses formes, y compris l’argent, dans le but d’obtenir un contrôle plus centralisé tout en prenant une longueur d’avance sur les technologies du futur qu’elle considère comme à gagner”, poursuit l’article.

Être à la hauteur des concurrences

Pour Linghao Bao, analyste chez Trivium China, la principale raison de création de l’e-yuan est « d’égaliser les règles du jeu », explique-t-il dans un article publié début mars par la chaîne américaine CNBC.

Grâce au e-yuan, le gouvernement chinois devrait donc être en mesure d’accroître la concurrence dans les paiements électroniques, dominés en Chine par Alibaba et WeChat Pay et réduire ainsi le risque systémique.

Linghao Bao ne considère pas la monnaie numérique chinoise comme un concurrent direct d’Alipay ou de WeChat Pay, mais comme une “nouvelle plate-forme qui permet à d’autres acteurs de rivaliser avec WeChat et Alipay”, rapporte-t-il à CNBC.

Le vice-gouverneur de la Banque populaire de Chine soutient par ailleurs que la monnaie numérique pourrait rendre les paiements plus efficaces, améliorer la politique monétaire, contribuer à la stabilité financière grâce à un système d’”anonymat contrôlable » et aider la banque centrale à détecter les activités illégales.

Souci de stockage

Selon Fan Yifei, vice-gouverneur de la Banque populaire de Chine, il existe un “besoin pressant de numériser les espèces et les pièces de monnaie”, car leur production et leur stockage sont actuellement coûteux, rapporte CNBC dans son édition du journal numérique du 4 avril 2021. M. Fan a aussi estimé que l’argent liquide et les pièces ne sont pas faciles à utiliser, qu’ils sont faciles à contrefaire et qu’en raison de leur anonymat, ils pourraient être utilisés à des fins illicites.

L’utilisation de l’argent liquide diminue. Finalement, l’argent liquide sera remplacé par quelque chose au format numérique. C’est l’un des principaux moteurs de tout cela”, a déclaré à CNBC Yan Xiao, chef de projet pour le commerce numérique au Forum économique mondial.

Motivations stratégiques

Dans un pays où “tous les mouvements des citoyens sont surveillés par le gouvernement central, cette monnaie virtuelle permettre d’avoir en plus un contrôle sur les transactions. Cela permettra de lutter contre le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale, la corruption et le financement du terrorisme.”, a confié Annie Guo, dans une interview accordée au Magazine “Tom” le 28 mai 2020.

L’e-yuan permet à la banque centrale de suivre les dépenses en temps réel, y compris les fonds non liés au système financier mondial dominé par le dollar.

Fonctionnement de l’e-yuan

L’e-yuan sera distribuée via un système dit à deux niveaux. La banque centrale le distribuera aux banques commerciales qui elles, seront chargées de la donner aux consommateurs. On ne sait pas comment les utilisateurs détiendront et dépenseront réellement l’e-yuan mais ils devront télécharger une application pour cela.

On sait que la forme de paiement mobile la plus populaire en Chine repose sur des codes de réponse rapide (QR). Pendant la transaction, les utilisateurs affichent, dans leur application, le code que le commerçant le scanne.

Les analystes estiment que les banques commerciales pourraient intégrer des fonctionnalités similaires dans leurs applications. ce qui signifie que les concepteurs des téléphones et des tablettes deviendront des acteurs de cette révolution monétaire en Chine. Les smartphones pourraient, en effet, de leur côté inclure des portefeuilles numériques en yuans pour faciliter les transactions.

Vingt grandes sociétés proposent déjà ce nouveau moyen de paiement. Tout se passe sur mobile grâce à la technologie NFC ou “Near Field Communication”, une technologie permettant d’échanger des données entre un lecteur et n’importe quel terminal mobile compatible ou entre les terminaux eux-mêmes.

C’est la technologie qu’utilise la carte bancaire pour le paiement sans contact, ou la carte de transport. Cette technologie offre l’avantage de n’exiger aucune application. Il suffit de rapprocher les deux supports.

Les banques chinoises proposent cette fonctionnalité via leur application. Contrairement à WeChat Pay et Alipay, les commerçants seront obligés de proposer ce moyen de paiement. Il aura donc un avantage considérable.

Quelle est la différence entre le yuan numérique et le bitcoin?

Le bitcoin est une crypto-monnaie décentralisée qui n’est contrôlé par aucune autorité centrale comme une banque centrale. L’e-yuan, par contre, sera émis par la banque centrale chinoise; de même titre que toutes les monnaies dont le FCFA, l’Ouguiya mauritanien, l’ariary malgache, les dollars (américains canadien, australien), le peso, l’euro, la livre, la couronne, le roupie, les dinars (bahreïni, jordanien, libyen, tunisien, koweitien, irakien) le rial omanais, le riyal yéménite ou le dong vietnamien sont contrôlées par leurs banques centrales respectives.

En plus, le yuan numérique annule l’anonymat pour l’utilisateur, l’un des principaux attraits du bitcoin.

Révolution monétaire

L’e-yuan apporte incontestablement une véritable révolution monétaire dans le monde économique actuel. Avec les cartes de crédit et les nombreuses applications de paiement, qui effacent l’utilisation des billets de banque ou des pièces de monnaie, beaucoup pourraient croire que l’argent est déjà virtuel. Il serait toutefois intéressant de noter que ce ne sont que des moyens permettant le transférer électronique de l’argent.

Ce que vise la Chine, c’est la transformation de la monnaie matérielle en code informatique.

Pionnière de la réinvention de la monnaie

L’initiative chinoise pourrait être suivie par d’autres pays. Dans une interview accordée au Magazine “Tom” le 28 mai 2020, Annie Guo, CEO de Silkpay, société spécialisée dans le paiement, affirme, cite le cas de la banque centrale européenne qui a lancé des études pour faire des recommandations aux pays membres en ce sens.

La Suède teste l’e-krona. “Si l’on doit vivre avec le virus, c’est sans doute une bonne chose de ne plus manipuler de l’argent physique.”, suggère-t-elle.

« Il y a mille ans, lorsque l’argent signifiait pièces de monnaie, la Chine a inventé le papier-monnaie. Maintenant, le gouvernement chinois frappe de l’argent numériquement, dans une ré-imagination de l’argent qui pourrait ébranler un pilier de la puissance américaine. », conclut-elle.

VOA

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