Le Président de la transition, le Colonel Mamadi DOUMBOUYA, signait le décret D/2021/0196/PRG/CNRD/SGG portant règlementation des transactions électroniques en Guinée. En plus de confier la règlementation desdites transactions à l’ARPT, le décret annonce la taxation de certaines transactions financières traçables : le Mobile Money ; le Mobile Banking, le transfert d’argents en ligne etc.  Ce décret d’une grande importance, pourrait sans doute impacter tout cet écosystème. D’où la nécessité qu’il soit compris par l’ensemble des acteurs, professionnels ou non. C’est pourquoi, j’ai trouvé utile de partager mon point de vue sur ce sujet qu’est la taxation des transactions électroniques en Guinée.

Je me nomme Barry Tidiane, avec plus de 10 années d’expérience dans l’industrie des télécommunications dont 6 années (parallèlement) dans les services financiers mobiles, je suis titulaire d’une licence en droit des affaires et d’un Master Spécialisé (BADGE REGTEL) en Régulation des Télécommunications de l’Institut TELECOM PARIS (France).

En effet, le décret suscité annonce la taxation de certaines transactions financières traçables comme le Mobile Money, le Mobile Banking ou encore le transfert d’argent en ligne etc. Par ailleurs, il offre une opportunité aux acteurs concernés (l’ARPT, BCRG, Banques, IMF et les établissements de monnaies électroniques…) de discuter sur cette éventualité pour le bien du pays (recettes étatiques) et des utilisateurs (accessibilité aux services à des coûts abordables).

Avant tout, il est important de ressortir certains facteurs qui motivent les pays à taxer de plus en plus ces services et surtout le Mobile Money.  La raison principale est d’augmenter les recettes de l’Etat pour faire face aux problèmes de déficit budgétaire par la mobilisation des ressources domestiques. Cette politique de mobiliser les ressources domestiques donne une certaine indépendance aux Etats que s’ils sont accompagnés par les bailleurs de fonds internationaux.

En ce qui concerne le Mobile Money, l’envie de taxer ce service s’explique par la croissance continue de la valeur des transactions qui se chiffre en millions de dollar, cette valeur dépasse les budgets nationaux d’autres pays où le Mobile Money est déployé. Mieux, ces transactions sont effectuées pour la plus grande majorité par des personnes exerçantes dans l’informelle, donc échappent souvent aux contrôles des autorités fiscales. Ainsi, en introduisant des impôts indirects par exemples, les pays augmenteraient leurs recettes à travers ce service émergent.

Pour revenir au cas de la Guinée, ce serait d’abord bien d’apprécier la volonté des autorités de s’inscrire dans une logique de transparence et d’équilibre. En effet, à la différence d’autres pays, le décret du 09 décembre 2021 apporte une clarification majeure. Il précise que la redevance sur les transactions électroniques sera payée par les sociétés ayant reçu des ressources de l’Etat par le biais de l’ARPT pour la fourniture de leurs services de transactions électroniques.  En terme simple, les sociétés concernées paieront une contrepartie pour l’utilisation des ressources attribuées par l’ARPT (les codes USSD par exemple) ou les services de confiance mis en place par l’ARPT (certification des réseaux…). Cette approche est à apprécier car elle répond à la notion de redevance et annonce la mise en place prochaine de mécanismes de certification et de sécurisation des réseaux dans le but ultime de protéger les utilisateurs que nous sommes.

Cependant, avant l’introduction d’une telle redevance, il serait prudent de prendre en considération plusieurs facteurs et d’analyser plusieurs données afin d’évaluer les impacts possibles sur l’industrie et la SNIF (Stratégie nationale d’inclusion financière). Cette analyse permettrait de déterminer l’urgence d’introduire cette redevance dans l’immédiat, et si c’est le cas, de fixer un montant ou un taux proportionnel et flexible pour la redevance.

En fait, une telle redevance doit être équitable, proportionnelle et en principe exclure certains types de transaction utilisant ce procédé (paiement des taxes, des salaires, des pensions, des subventions et la distribution de fonds pour des raisons humanitaires…). Ces méthodes de règlements permettent de limiter la perte des recettes pour l’Etat mais aussi aident les personnes vulnérables et éloignées à intégrer et se maintenir dans le circuit financier ordinaire à moindre coût. Dès lors, on se demanderait s’il est ‘’SMART’’ de décourager ces modes de règlement ? Ou s’il est juste de taxer des sociétés pour des règlements effectués pour le compte de l’Etat ? Le débat reste ouvert.

S’agissant de l’impact sur la SNIF, par exemple, entre 2014 et 2017, l’utilisation des moyens de paiement électroniques a progressé de 1,5% à 13,8 %. La poursuite de cette progression pourrait être freinée par la limitation des investissements des acteurs privés notamment dans les zones reculées et non rentables (si la redevance a un impact significatif sur leurs marges) ou le désabonnement des utilisateurs en raison des surcoûts (s’il arrivait qu’ils supportent une partie de la redevance).

Pour finir, je recommanderais qu’il soit mis en place un cadre de discussion impliquant toutes les parties prenantes afin de prendre des décisions sur la base de données et d’analyses approfondies sur les impacts immédiats et futurs qui seront occasionnés par l’introduction d’une telle redevance dans un cadre global. Cette approche permettrait de trouver un équilibre afin que, Etat, investisseurs et utilisateurs sortent gagnants.

Barry Tidiane

atidianebarry03@gmail.com