Dans le récit des médias occidentaux, l’Afrique est le coin maudit des famines et des guerres. Mais dans la stratégie de politique étrangère, le continent semble être la terre promise pour chacune des grandes puissances.

Un mois jour pour jour après sa récente tournée en Afrique (Cameroun, Bénin et Guinée Bissau), le président français sera de retour sur le continent. Emmanuel Macron est attendu en Algérie le 25 août prochain, officiellement sur invitation de son homologue algérien. Les deux pays comptent inaugurer une nouvelle ère dans leurs relations bilatérales, avec en toile de fond le gaz algérien dans un contexte géopolitique difficile pour les Européens notamment en matière d’énergie.

Pendant que la France et les autres pays européens se débattent dans le continent, les Etats-Unis préparent un retour en force. Le mercredi 20 juillet, le président américain a annoncé un sommet entre les Usa et l’Afrique. Un sommet prévu en décembre et qui devrait réunir les chefs d’Etats africains autour de Joe Biden, à Washington. Après Chine-Afrique, Russie-Afrique, voilà donc Etats-Unis/Afrique !

Joe Biden promet déjà ‘’des milliards de dollars’’ d’investissements américains en Afrique. Une stratégie qui vise à contrer l’influence économique chinoise dans le continent. Pourtant, si l’on en croit René Massiga Diouf docteur en sciences politiques, ce sommet n’est pas une première. Il a déjà eu lieu en 2014 déjà, sous un autre format. « Les Etats-Unis ont segmenté les centres d’intérêt : tantôt c’est économie, tantôt institutionnel, tantôt géopolitique »,  explique-t-il.

Pour lui, les Etats-Unis n’avaient pas besoin de ce type de sommet avec l’Afrique, ils privilégiaient toujours les rencontres au plus haut sommet entre autorités. C’est ainsi, souligne-t-il, qu’il y avait une forte présence sous Obama qui avait centré une partie de sa politique étrangère en Afrique. Mais Trump a eu une autre orientation. Ce qui donnait une sorte de ‘’retrait’’, même Washington opérait toujours sur les grandes questions. Aujourd’hui, c’est le  grand retour !

 
Le grand retour des États-Unis

Il faut croire que cette contre-offensive a déjà commencé. Le 20 juillet dernier, a eu lieu le 14ème sommet des affaires Etats-Unis/Afrique à Marrakech au Maroc. Il s’agit certes d’une initiative privée, mais le président de la Bad, Akiwumi Adesina, habitué de cette rencontre, a déclaré sur Africa24 n’avoir jamais vu une délégation américaine aussi importante à ce rendez-vous.

Seulement, le sommet annoncé par Biden n’est pas qu’économique, il est aussi géopolitique. Aujourd’hui, le journaliste René Massiga Diouf pense que la présence des Américains en Afrique se fera de plus en plus marquée afin de contrer l’influence de la Russie et de la Chine. Ce qui justifie l’utilisation du terme sommet Etats-Unis/Afrique. « Du point de vue sémantique, c’est important. C’est pour montrer l’ancrage des Etats-Unis dans le continent ».

Déjà, le secrétaire d’Etat américain était en tournée en Afrique à partir du 7 août 2022, seulement 8 mois après sa tournée qui l’avait mené au Sénégal, au Nigéria et au Kenya en novembre 2021. Antony Blinken s’est rendu cette fois-ci en Afrique du Sud, en Rdc et au Rwanda. À Pretoria, il était surtout question de convaincre cette puissance économique du continent, membre du Brics, à rejoindre le camp occidental. En fait, l’Afrique a plutôt gardé une position de neutralité dans ce conflit entre la Russie et l’Ukraine qui apparait plus comme une guerre froide entre Moscou et l’Occident. C’est cette posture qualifiée d’hypocrite par Emmanuel Macron qu’Antony Blinken et ses alliés et l’Europe essaient de modifier. En effet, en matière géopolitique, s’assurer le soutien des autres est important. Un pays peut ne pas représenter un intérêt purement économique, mais avoir une importance stratégique.

Aux nations unies par exemple, l’Afrique ne pèse pas lourd, mais la voix de chaque pays africain compte pour prendre certaines résolutions. D’où la guerre de position dans le continent.

Nouvelle conférence de Berlin

Or, jusqu’ici, l’Afrique comptait très peu dans la politique étrangère des Américains. Les Etats-Unis semblaient se suffire de l’influence de leurs alliés européens dans le continent. Mais depuis quelques années, le vieux continent peine à résister à la Chine et à la Russie. « Les Occidentaux sont en pertes de vitesse, il y a une opinion publique révolutionnaire qui exige la coupure du cordon ombilical avec les anciennes puissances coloniales », souligne René Massiga Diouf, Dr en science politique.

Les cas de la Centrafrique et du Mali qui ont vu le départ des Français au profit des Russes constituent des exemples patents. « La Chine et la Russie s’imposent en  Afrique, les Etats-Unis sont obligés de revenir pour les contrecarrer », ajoute le journaliste.

D’ailleurs, ce déplacement de Blinken a eu lieu quelques jours après la venue en Afrique du ministre russe des Affaires étrangères. En juillet, Sergueï Lavrov a effectué un déplacement au Congo-Brazzaville, en Égypte, en Éthiopie et en Ouganda. Ce même Lavrov est annoncé au Mali dans les jours à venir.

L’Afrique est donc plus que exposée aux appétits voraces des grandes puissances. Si elle ne définit pas sa politique et ses priorités, une nouvelle conférence de Berlin pourrait avoir lieu, avec un simple changement de forme.