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Mahamadou Sawadogo « L’incompétence des dirigeants détourne l’attention des populations en mettant tout sur la France.»

Le terrorisme est une menace transfrontalière et n’épargne aucune région du monde. En Afrique, la zone du Sahel est devenue depuis des années un espace géostratégique pour les différents mouvements jihadistes. Parmi les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Tchad, Niger, Mauritanie), trois sont en transition et deux sont en sursis. Il s’agit du Niger et de la Mauritanie. Dans ces pays en transition, c’est au nom de l’insécurité que tout le monde a accepté les coups d’État. Malgré ces coups d’État, les groupes terroristes sont en train de gagner du terrain.

Mahamadou Sawadogo, Expert en sécurité et des questions de l’extrémisme violent dans le Sahel fustige le comportement des dirigeants ayant favorisé l’émergence des groupes armés.

 « L’incompétence des dirigeants détourne l’attention des populations en mettant tout sur la France. C’est faux ! Ils sont responsables. Au Burkina, on a décaissé, selon la loi de la programmation militaire 700 milliards de francs CFA. On n’a pas vu de traces. Les gens qui sont sur le terrain n’ont pas d’équipements, pas d’armes. Ils sont 5 militaires pour une arme. Ils font ce qu’on appelle « tires, donnes-moi, je vais tirer ». Actuellement, des militaires au Burkina Faso mangent du foin. Ça, ce n’est pas la France. Si on dégage par exemple 5000 francs pour le militaire au terrain, avant qu’il ne reçoive ce montant, il ne restera que 1000 francs. Parce que, de main à main, les chefs, chacun, a pris un peu. Ça, ce n’est pas à cause de la France« , a-t-il dénoncé.

Quel est l’objectif de ces groupes armés ?

 « Les groupes armés sont très organisés et ils sont mieux organisés, mieux structurés parce que tout ce qu’ils font ça marche. Premièrement, c’est affaiblir le pouvoir central, délégitimer l’État aux yeux de population et gérer les affaires publiques. Il y a des zones où ils sont en train d’administrer et contrôler les activités socioéconomiques ».

Comment fonctionnent les groupes armés en Afrique de l’Ouest ?

« Le mode opératoire des groupes armés, c’est d’attaquer les forces de l’armée et les infrastructures critiques pour fluidifier le couloir de passage afin de créer des zones de confort et faciliter les prises d’otages.

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Le JNIM) et l’État islamique au grand Sahara (L’EIGS), ce sont deux grands groupes qui ont des modes opératoires différents. Le JNIM s’en prend très rarement aux populations de façon ciblée. Mais lorsque le gouvernement arme ces populations, le principe d’être attaqué est engagé. Quant à l’EIGS, ils utilisent des instruments idéologiques, l’extrémisme religieux. Il y a des zones où ils mettent l’accent sur les revendications économiques. Parce que l’État a été prédateur dans ces zones là et ces populations sont très pauvres de telle sorte que lorsqu’il y a un autre discours, elles sont plus réceptives à ce discours. C’est la même chose aussi sur les faits idéologiques et les faits culturels. Lorsque l’armée brime certaines communautés alors, les groupes armés approchent ces communautés, les unissent et les arment.

Le Bénin a été attaqué à partir de 16 juillet 2021. Pourquoi ? Parce que le Bénin a émis une loi sur la sédentarisation. La première grosse attaque a eu lieu en décembre 2021. Donc quelques mois seulement après avoir mis en place cette loi sur la sédentarisation et qui a dit que désormais le Bénin n’est plus disponible à accueillir les pasteurs en transhumance et cela a créé beaucoup de frustrations.

Ils utilisent aussi les instruments militaires. Ils ont une bonne communication et un mode de recrutement basé sur les frustrations des communautés les plus exclus. Aujourd’hui au Burkina, les groupes armés se déplacent en bande de 200 à 300 personnes. Ce ne sont pas des Chinois qui sont venus s’ajouter mais plutôt des Burkinabè qui ont rejoint les groupes terroristes. Il faut se demander pourquoi cet intérêt ? C’est parce que leur offre est plus consistante que l’offre étatique.

L’État a pris des mesures qui n’arrangent pas dans certaines zones. L’État a interdit à la population la circulation à moto et l’exploitation de l’or dans les mines qu’il ne contrôle même pas. C’est des stratégies qui ne marchent pas. Au Burkina, il y a plus de 3 millions de jeunes qui sont dans l’orpaillage. Pour convaincre ces jeunes, les groupes armés autorisent l’exploitation de l’or tout en assurant leur protection. Ainsi, grâce à cette activité, les groupes armés obtiennent de fonds. Ils cherchent désormais à atteindre le littoral pour être en liaison avec les narcotrafiquants.’’

La Guinée est-elle sous la menace terroriste ?

« La Guinée est dans le collimateur des groupes armés. Un pays qui n’est pas stable sur le plan politique, est un pays systématiquement attaqué par les groupes armés. Parce qu’ils trouvent des adeptes parmi les frustrés. Aussi, la Guinée est à proximité avec la Guinée-Bissau qui est un pays narcotrafiquant. Il y a un couloir qu’ils ont tracé. L’accointance avec le Mali peut aussi accélérer les choses. »

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