La passion pour la musique et le football a atteint en Guinée, des sommets. Certains artistes et footballeurs se sont pour l’occasion, autoproclamés ‘‘héros nationaux’’. Oui, vous avez bien entendu ! Selon eux, leur contribution à la société est tellement cruciale qu’ils méritent non seulement le respect, mais aussi ‘‘tout l’or’’ du pays. Ils exigent de l’Etat, passeports diplomatiques, gros 4×4, soins de santé, et tout. Qui a besoin de médecins et d’enseignants quand on a des vedettes qui chantent la pluie et le beau temps ?

‘‘Je fais ça pour mon pays’’, clament-ils, tout en se pavanant avec des contrats mirobolants

Prenons un moment pour admirer leurs talents : ces artistes de scène en scène, chantent des refrains accrocheurs tout en s’assurant que chaque cachet qu’ils perçoivent est bien pour ‘‘le pays’’. Ils n’hésitent pas à rappeler que leur présence illumine les cœurs et les esprits -du moins jusqu’à la fin du concert, quand il est temps de rentrer à la maison avec un beau chèque dans la poche. Après tout, qui d’autre peut prétendre que le dernier tube sur la danse du ventre est aussi important que les cours d’histoire ?

Et que dire de nos chers footballeurs, ces gladiateurs des temps modernes ? Ils dribblent et tirent avec une telle verve qu’on pourrait croire qu’ils portent le poids de la nation sur leurs épaules. ‘‘Je fais ça pour mon pays’’, clament-ils, tout en se pavanant avec des contrats mirobolants. Si seulement ils pouvaient dribbler aussi bien devant un tableau noir ou un stéthoscope !

‘‘Travailler pour son pays’’ ne signifiait pas uniquement faire du bruit sur scène

Mais revenons un peu en arrière. Nos ainés, ces valeureux musiciens et footballeurs (je pense à Sory Kandia Kouyaté, aux orchestres nationaux, aux Petit Sory, aux footballeurs du Hafia, etc.) étaient les véritables bâtisseurs de la nation. Ils jouaient pour le plaisir, souvent payés par la fonction publique, sans attentes démesurées. Peut-être qu’ils savaient que ‘‘travailler pour son pays’’ ne signifiait pas uniquement faire du bruit sur scène. Ils contribuaient à l’éducation, à la culture du patriotisme.

Aujourd’hui, nos artistes -qui chantent le plus souvent mal, soit dit en passant-, réclament des lois spéciales, comme s’ils étaient des super-héros en route pour sauver la patrie. Mais, après réflexion, ne devrions-nous pas leur rappeler que les véritables super-héros portent parfois des blouses blanches ou des sacs à dos pleins de livres ? Peut-être qu’un jour, ils réaliseront que le respect se gagne aussi en contribuant à un équilibre dans la société, et pas seulement en se pavanant sur un podium.

Après tout, une nation ne se construit pas uniquement sur des refrains et des buts

On peut en attendant, continuer à applaudir ceux qui se font pompeusement appelés des ‘‘icônes’’, tout en gardant à l’esprit que le véritable or de notre pays se trouve dans l’éducation, la santé et le dévouement silencieux de ceux qui œuvrent dans l’ombre. Après tout, une nation ne se construit pas uniquement sur des refrains et des buts, mais sur des fondations solides, bâties par tous ceux qui, jour après jour, choisissent de servir le bien commun.

Ibrahima S. Traoré pour guinee7.com