Maroc, Kenya ou Tunisie ? La palme du plus fort taux d’accès à internet en Afrique revient à des pays différents, en fonction des chiffres disponibles… Tour d’horizon des principales sources de référence.
Qui croire lorsqu’il est question d’accès à internet en Afrique ? La Banque mondiale évoque une moyenne de 22% d’internautes en Afrique subsaharienne, contre 55% en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, pour une moyenne mondiale de 49% (contre 81% en Europe et 77% en Amérique du Nord).
Ces données reposent sur les statistiques de l’Union internationale des communications (UIT), l’agence des Nations unies dédiée aux technologies de l’information et de la communication (TIC), ainsi que sur les enquêtes nationales réalisées auprès des ménages, dont la précision varie en fonction des pays.
De son côté, le site Internet World Stats donne une moyenne africaine (Afrique du Nord incluse) deux fois supérieure, à 39,8%, contre 57,3% dans le monde, avec une Amérique du Nord (89,4%) qui supplante l’Europe (86,8%). Ses sources : l’UIT, Facebook et World Wide Worxs, un bureau d’études sud-africain.
Le Maroc et les Seychelles en tête, selon la Banque mondiale
En nombre d’internautes sur la population totale, le Maroc arrive premier dans les statistiques 2017 de la Banque mondiale (62%), avant les Seychelles (59%) et le Cap-Vert (57%). L’Afrique du Sud fait partie, avec Djibouti, Maurice et la Tunisie, de quatre pays situés au 4ème rang (56%), avant le Gabon (50%), l’Algérie (48%) et l’Égypte (45%).
Le Rwanda (22%), qui communique fort sur sa stratégie digitale, occupe le 25ème rang en Afrique, au même niveau que la Libye, après le Cameroun et avant la Mauritanie. Souvent présenté comme un autre champion du numérique, le Kenya (18%) se trouve quant à lui au 30ème rang des 54 pays d’Afrique, en termes d’accès au web.
Inversement, les pays les moins connectés d’Afrique et du monde sont Madagascar (10%), la RDC et le Congo (9%), le Liberia, les Comores et le Soudan du Sud (8%), avant le Burundi et le Tchad (6%), la République centrafricaine et la Guinée-Bissau (4%), la Somalie (2%) et l’Erythrée (1%). Les plus faibles niveaux ailleurs dans le monde atteignent 11% en Afghanistan et en Papouasie Nouvelle-Guinée, 12% en Haïti et aux Iles Salomon.
Le Kenya et le Liberia premiers, selon Internet World Stats
Les dernières données d’Internet World Stats s’avèrent différentes et parfois curieuses, en raison de ce qui ressemble fort à une manipulation hasardeuse des données « Facebook ». Alors que le réseau social indique 155 millions d’utilisateurs par mois de ses plateformes (Facebook, Instagram et What’sApp) en 2019 en Afrique subsaharienne, sans donner de détail par pays, Internet World Stats le crédite de 204 millions d’abonnés en Afrique à fin 2018.
Les 10 pays d’Afrique les plus connectés au 30 juin 2019, selon ce classement, sont le Kenya (83%), le Liberia (80,9%), la Tanzanie (71,6%), les Seychelles (70%), la Tunisie (67%), le Mali (63,4%), Maurice (63,2%), le Cap-Vert (62,8%), le Maroc (61,8%) et le Nigeria (59,5%). Le Liberia doit cette étonnante performance à 4 millions de comptes Facebook pour une population totale de 4,9 millions de personnes.
Un chiffre aussi peu crédible que celui de l’Angola, où Facebook est crédité par Internet World Stats de 27,4 millions d’utilisateurs pour une population totale de 31,8 millions d’habitants. Autre surprise : la présence du Mali, qui ne sort qu’avec peine de sa grave crise politique et économique de 2012. Ce pays affiche un taux de pénétration d’internet de 13%, selon la Banque mondiale et l’UIT.
La Tunisie et le Gabon en tête, selon l’UIT
Pour compliquer la donne, les pays eux-mêmes donnent des chiffres différents les concernant. Le Sénégal affiche ainsi en 2018 un taux de pénétration d’internet de 62,9%, selon son Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP) – deux fois plus que les 30% annoncés par la Banque mondiale et encore bien plus que les 46% donnés par l’UIT.
Qui croire ? L’UIT se présente comme la « source officielle des statistiques globales sur les TIC », tirant ses données des autorités de régulation des télécoms et des enquêtes auprès des ménages faites par les statistiques nationales de chaque pays.
Ses chiffres 2017 sont les mêmes que ceux de la Banque mondiale… à de notables exceptions près. Celles-ci changent tout au classement des pays les plus connectés. Les 10 premiers d’Afrique selon l’UIT sont la Tunisie (64,1%), le Gabon (62%), le Maroc (61,7%), les Seychelles (58,7%), le Cabo Verde (57,1%), l’Afrique du Sud (56,1%), Djibouti (55,6%), Maurice (55,4%), la Namibie (51%) et l’Algérie (47,6%).
Des tendances transversales
Quatre grandes tendances ressortent de ces données divergentes, parce qu’en évolution rapide et passées au crible par des statisticiens qui utilisent des outils différents. Tout d’abord, l’Afrique du Sud, seul « marché émergent » du continent, a perdu sa longueur d’avance des années 2000. La « nation arc-en-ciel » est pénalisée par ses inégalités (42% de sa population vit dans la pauvreté), d’où le plafond qu’elle semble avoir atteint ces dernières années autour de 50%, après avoir fait des bonds impressionnants entre 2009 et 2010 (de 10% à 24% d’internautes), puis 2011 et 2012 (de 34% à 41%).
Seconde tendance : tout va très vite aussi ailleurs en Afrique. L’Algérie est par exemple passée de 12,5 % à 60% d’accès des particuliers à internet entre 2010 et 2018, selon l’UIT – un résultat qui va affecter le classement des 10 pays africains les plus connectés en 2018.
Troisième tendance : les pays du littoral sont favorisés par l’arrivée des câbles à fibre optique. Les pays enclavés tels que le Tchad figurent au contraire parmi les marchés où l’accès à internet est le plus cher. L’Afrique centrale, pénalisée, accuse un net retard avec des taux d’environ 10%, qui s’explique aussi par son faible accès à l’électricité.
Enfin, l’accès à Internet passe très majoritairement par les smartphones (à hauteur de 88% au Sénégal par exemple, selon l’ARTP), et non par des ordinateurs et équipements à domicile. Selon le rapport de l’Association des opérateurs de téléphonie mobile dans le monde (GSMA) 2019 sur l’Afrique subsaharienne, le taux de pénétration du téléphone mobile va passer de 44% à 50% de la population entre 2018 et 2025, et celui de l’accès à internet de 23% à 39%. Ce rapport, lui aussi de référence, rappelle à quel point les chiffres comptent, dans la bagarre que se livrent les opérateurs autour d’un véritable pactole.
En 2018, les technologies et les services mobiles ont en effet généré 8,6% du PIB de l’Afrique subsaharienne, créant une valeur ajoutée de plus de 144 milliards de dollars. Et les 167 millions de nouveaux abonnés attendus d’ici 2025 vont alimenter la plus forte croissance de la téléphonie mobile dans le monde. Ils viendront principalement de cinq pays : le Nigeria, l’Éthiopie, la RDC, la Tanzanie et le Kenya.