Après sa victoire sans appel à la dernière présidentielle guinéenne du 11 octobre 2015, le chef de l’Etat, Pr. Alpha Condé est sur les nuages. Jamais, il n’a été mieux dans sa peau. Pour preuve, contrairement à l’élection présidentielle de 2010 où il avait été lié par des alliances, parfois contre-nature, cette fois-ci, il ressort requinqué des élection avec à sa disposition tous les pouvoirs et des coudées franches pour mettre en place, dès après son investiture, un gouvernement de technocrates capables de booster les nombreux chantiers de développement ouverts ici et là en Guinée.
Dans cette analyse, nous essayons de mettre en lumière les hommes et les femmes qui seraient potentiellement premiers ministrables d’Alpha Condé. La liste n’est pas exhaustive, elle peut-être complétée par les noms d’éminents guinéens disséminés à travers le monde mais aussi en Guinée.
Depuis l’avènement de la Guinée à l’indépendance en 1958, douze hommes et non pas des moindres, ont occupé le poste très stratégique de premiers ministres en Guinée. Ce sont par ordre de nomination : Lansana Béavogui – Diarra Traoré – Sidya Touré – Lamine Sidimé – François Lounceny Fall – Mamadou Cellou Diallo – Eugène Camara – Lansana Kouyaté – Ahmed Tidjane Souaré – Kabinet Komara – Jean Marie Doré – Mohamed Said Fofana. Aucune femme n’a eu ce privilège jusque-là !
Mohamed Saïd Fofana : le choix de la continuité
L’imam. C’est le petit nom donné à Mohamed Saïd Fofana qui tient la baraque de la primature depuis 5 ans alors qu’on le donnait partant à maintes reprises depuis les dernières législatives de 2013. Ce, malgré un score peu glorieux pour le camp présidentiel pour acquérir la majorité qualifiée à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, les mêmes questions reviennent sur le devant de la scène. Pr. Alpha Condé aurait-il la jugeote de reconduire celui qui fut aussi une sorte de stabilité à son poste dans l’ombre de son président ?
Le meilleur successeur de Mohamed Saïd Fofana ne s’appelle-t-il pas Mohamed Saïd Fofana ? Donné partant tous les ans depuis sa nomination, l’actuel premier ministre n’a jamais paru aussi fort. Il peut se vanter des progrès réalisés par le gouvernement qu’il dirige et mettre ce capital à son propre profit. Capital sur lequel Pr. Alpha Condé a bâti toute sa campagne d’ailleurs.
Le Pr. Alpha Condé entretient le mystère sur ses intentions. Quant à Mohamed Saïd Fofana, il joue profil bas pendant que nous autres analystes politiques, spéculons sur ceux qui sont susceptibles de le remplacer. Le fait nouveau après cette présidentielle, Mohamed Saïd Fofana donne également l’impression d’avoir envie de ‘’partir’’ après cinq années de bons et loyaux services. Selon certaines indiscrétions concoctées par rivieresdusud.net, il « n’aurait plus rien à prouver ». C’est son gouvernement depuis les indépendances qui a pu donner l’électricité à la Guinée et mis le pays sur la voie de l’émergence. Il tente de se démarquer, voire de s’émanciper. Sans drame. Au grand dam d’un ancien premier ministre qui s’était vanté d’avoir renoué la Guinée avec les institutions de Brettons Wood lorsqu’il fut nommé par feu Général Lansana Conté. Alpha Condé est condamné à voir son premier ministre hissé au rang de star politique quand bien même ce fut un presque inconnu quand il était jadis nommé à ce poste tant convoité.
Dans ces conditions, les proches du président en conviennent, ce ne sera pas facile de s’en séparer. Lors de leur tête-à-tête après la victoire, le président lui aurait dit: « Je n’ai pas décidé si je te garde ou pas à la primature, mais je veux que tu sois à un poste stratégique. Mohamed Saïd Fofana est reparti sans savoir lequel. «Il peut très bien rester», confie un membre du cercle restreint du pouvoir qui a requit l’anonymat, qui se voit également dans le costume de… Mohamed Saïd Fofana. « C’est un schéma qu’il ne faut pas évacuer», dit-on à Sékhoutoureya. Indestructible. Qu’il parte ou qu’il reste, Mohamed Saïd Fofana semble avoir gagné la partie. Ses ministres (même ceux qui l’ont beaucoup critiqué), sa majorité obsédée par 2020, jusqu’aux conseillers du président, tous sont bluffés par la résistance de ce parfait inconnu venu du parti Guinée pour tous- GPT de Kassory Fofana
Successeurs potentiels à Mohamed Saïd Fofana
Malgré des profils bien différents, tous les successeurs potentiels offrent en réalité autant d’avantages que d’inconvénients. Éternelle première ministrable depuis la présidentielle de 2010, Dr. Makalé Traoré croit plus que jamais dans ses chances. Si elle n’incarne pas vraiment la « rupture » condéiste, l’ex-directrice de campagne d’Alpha Condé, qui a écumé les ministères depuis plus de dix ans, mise sur son expérience également dans le monde des ONG. Et fait partie de la liste très restreinte des femmes guinéennes qui ont cette fibre qui fait d’elle une candidate sérieuse à occuper le poste prisé de la primature guinéenne. Cela n’en fait pas une favorite pour autant. Dr. Makalé Traoré, il faut noter au passage, est une transfuge de l’Union des forces républicaines- UFR de Sidya Touré. Pour faire plaisir à son nouveau ‘’allié’’ Sidya Touré, Pr. Alpha Condé peut jouer la carte de la division au sein de l’UFR en lambeaux, en nommant Baïdy Aribot également cité comme premier ministrable quand bien même nombreux sont les politiques avertis qui jugent cette hypothèse peu probable.
Peut-il nommer Dr. Makalé Traoré ; Youssouf Kiridi Bangoura ; Me Abdoul Kabèlè Camara ; Dr. Ibrahima Kassory Fofana ; Amara Camara ; ambassadeur de Guinée en France, Abdoulaye Yéro Baldé de la BCRG ; Taliby Sylla de l’Energie ; Bah Oury de l’UFDG ;Ghandy Tounkara ou encore Docteur Saramady Touré ? La jeunesse de Kiridi Bangoura actuel ministre secrétaire général de la présidence et porte-parole de Sékhoutoureya ou celle de Saramady Touré sont un atout d’autant plus que ce sont deux personnalités appréciées à Sékhoutoureya et qui intéresse le président Alpha Condé. Mais sont-ils fiables ? Du coup, Sékhoutoureya, en revient à la case Mohamed Saïd Fofana. Grinçant, un ténor de la majorité ironise : « Mohamed Saïd Fofana ne va quand même pas devenir le collaborateur d’Alpha Condé ? »
Dr. Makalé Traoré : L’avantage de l’expérience
Éternelle première ministrable, Dr. Makalé Traoré y croit encore. Favorite en 2010, Alpha Condé lui avait préféré Mohamed Saïd Fofana. Jamais découragée, toujours prête, Dr. Makalé Traoré mène une campagne discrète. Elle préside une ONG dénommée COFFIG/DCPD qui excelle dans la valorisation du travail des femmes. Elle a publié ces 5 dernières années des tribunes dans la presse, accordé des interviews et activé ses relais politiques. « On est étonné de la campagne de presse qu’elle a », grince un proche du président Condé. Le président ne lui a pour l’instant donné aucun signe.
Docteur Saramady Touré : Le choix du RPG
Au lendemain des législatives de 2013, Pr Alpha Condé fait appel spécialement à l’actuel ambassadeur de Guinée au Canada pour lui confier le poste stratégique de Secrétaire Permanent du Bureau politique national- BPN du RPG arc-en-ciel en vue de la présidentielle passée. Il est décrit comme serein et bon organisateur.
Saramady Touré est diplômé des universités cubaine et française en Géomorphologie. Il revient au pays avec le titre d’ingénieur pour mettre ses expériences au service de la nation. Quinze mois après, l’ingénieur Saramady Touré obtient une bourse d’étude post-universitaire en France à l’université de Bordeaux III pour le doctorat 3ème cycle en Géomorphologie. Il continue un stage de longue durée en France, au Centre National de la Recherche Scientifique, ensuite au centre géographique tropical de Bordeaux et en fin à l’UNESCO de Paris à la Division des Sciences écologiques. Plusieurs fois ministre, il fut nommé en août 2014 ambassadeur de Guinée au Canada. Il reste à savoir si cet ancien fonctionnaire du PNUD et Diplomate a toute la confiance du chef de l’Etat au point de le nommer premier ministre ?
Dr. Ibrahima Kassory Fofana : Le choix de la sécurité économique ?
Dr. Ibrahima Kassory Fofana a été le directeur victorieux de la campagne du Pr. Alpha Condé à l’élection présidentielle dernière. La logique voudrait qu’il occupa la fonction de premier ministre et chef du gouvernement. Généralement, ce poste stratégique cumulé à celui que Kassory occupe actuellement au sein du gouvernement, tout porte à croire, selon des indiscrétions que le poste de la primature a été taillé pour lui en cette fin d’année 2015. Au-delà de ses compétences en économie et finances, Dr. Kassory est apprécié par Alpha Condé et ses expériences ministérielles sont un atout inestimable pour porter l’habit de premier ministre. L’actuel chouchou du président Alpha Condé revient dans la liste des bookmakers. Il était au premier rang des premiers ministrables à la fin de l’année 2010. Puis il n’en fut plus question après la nomination de Mohamed Saïd Fofana. Mais après quatre années de disette où il a assumé le rôle du «dur» dans l’opposition centriste, Alpha Condé le couvre à nouveau d’éloges en faisant de lui son directeur de campagne. Il ne serait pas paradoxal de le voir nommé à la primature. Selon une source, Dr. Kassory a en tout cas étoffé ses réseaux, et laisse faire ses amis, qui lui demandent de rencontrer des experts sur tous les sujets brûlants du pays pour se mettre aussitôt au travail si le poste lui était confié.
Youssouf Kiridi Bangoura : l’atout de la proximité
« Voyez avec Kiridi », dit toujours le président à propos du secrétaire général de la présidence. Mais «Kiridi» peut aller à pied de Sékhoutoureya à la Primature et s’installer au petit palais. L’hypothèse est régulièrement avancée depuis au moins deux ans. Après les législatives l’idée d’un grand changement d’équipe à Sékhoutoureya avait le vent en poupe. Quelques mois plus tard, Youssouf Kiridi Bangoura, paraît plus inamovible que jamais. Ses proches reconnaissent qu’il n’est pas toujours apprécié de tout le monde. Et que son profil de grand commis de l’Etat ne le distingue pas suffisamment du méthodique Mohamed Saïd Fofana.
Baïdy Aribot : l’option jeunesse
«On a été invité par le chef de l’Etat pour discuter des problèmes du pays.» C’est en ces mots que se défendait Baïdy Aribot suite à l’entretien qu’il avait eu avec Alpha Condé en présence de Sidya Touré du parti UFR. À Sékhoutoureya, on a trouvé cette nouvelle parade pour entretenir le suspense. Le paradoxe, c’est que cette nouvelle génération politique est incarnée par l’Honorable Baïdy Aribot à qui on donne des compétences de premiers ministrables. Toutefois, politiquement, il a longtemps été un ennemi d’Alpha Condé, avant de devenir l’un des hommes politiques préférés du chef de l’Etat guinéen qui ne manque pas une occasion pour le faire savoir. Tout devient possible.
Taliby Sylla : la carte de l’opinion
L’inusable ministre de l’Energie, moins connu mais très apprécié à Sékhoutoureya n’est pas le grand favori pour la primature, mais il reste toujours en bonne place dans la liste des candidats possibles – notamment pour sa brillante conduite du projet Kaléta qui été un point d’orgue pour la réélection d’Alpha Condé. Pas de sondage à exploiter mais Taliby Sylla reste dans la logique d’un Mohamed Saïd Fofana, ‘’fait ton boulot et tais-toi’’ !
Ghandy Tounkara et Bah Oury sont également nommés dans les premiers ministrables. Vrai ou faux, ces hypothèses laissent de marbre dans la mesure elles sont peu probables au-delà de la compétence des uns et des autres et surtout à cause de la guerre larvée qui existe entre les différents protagonistes politiques.
Me Abdoul Kabèlè Camara : maître d’oeuvre des réformes de l’armée et de la sécurité
L’ancien bâtonnier guinéen et avocat, peu bavard malgré ses compétences en la matière- est l’un des hommes forts du régime Alpha Condé. Il fut pendant les périodes noires du chef de l’Etat, son avocat attitré dans l’ubuesque procès ‘’Alpha Condé’’ concocté par le régime de feu Général Lansana Conté. L’armée guinéenne, jusque-là une épine dans les pieds des régimes successifs guinéens, s’est assagie grâce aux gigantesques réformes entreprises sous le magistère de Me Abdoul Kabèlè Camara. Il est aimé des différents bords politiques grâce à une certaine neutralité adoptée dans sa fonction de ministre délégué à la Défense. Il fut un temps dans la liste restreinte des premiers ministrables avant la nomination de Lansana Kouyaté à ce poste. Ça ne serait pas une surprise à le voir à ce poste pour être l’un des fidèles parmi les fidèles du Pr. Alpha Condé.
Abdoulaye Yéro Baldé : Compétence et intégrité dit-on !
Abdoulaye Yéro Baldé est le premier vice-gouverneur de la Banque centrale de Guinée et fait partie des personnalités guinéennes souvent citées pour épauler Alpha Condé, au poste de premier ministre. Ayant longtemps servi à la Banque mondiale et dans les entreprises minières en Guinée, réputé compétent et intègre, Abdoulaye Yéro Baldé pourrait être une alternative crédible à la succession de Mohamed Saïd Fofana. Venu du privé, ce qui le met à l’abri des critiques des plus infâmes. Aux dires de certains contacts, Abdoulaye Yéro Baldé fait partie de cette lignée de jeunes économistes qui ont l’estime d’Alpha Condé. Mais, de là, à le nommer premier ministre, il n’y a qu’un pas. Rien d’impossible avec à la manœuvre l’imprévisible Président de la Guinée qui a le dernier mot.
Amara Camara : Un ambassadeur, pourquoi pas !
Amara Camara est, depuis 2011, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Guinée en France, au Portugal et au Luxembourg. En sus de cette fonction, depuis le mois de novembre 2014, il est le représentant de la Guinée auprès de l’organisation des nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). L’ancien fondateur de l’ONG ‘’kossimakan’’ dans la région de Kankan, est l’ambassadeur qui a changé le Consulat guinéen à Paris en faisant de lui, une représentation digne de nom dans la capitale hexagonale.Depuis sa nomination, il n’a sans cesse arrêté de donner de la vitalité et de la lisibilité à la diplomatie Guinéenne à Paris. Avec Amara Camara, l’ambassade guinéenne à Paris connait une certaine fluidité de l’information mais également les démarches administratives sont moins enclines au clientélisme.
En 2007, il a fallu de peu pour qu’il occupe le poste de premier ministre. Il était reconnu comme l’un des rares guinéens à qui feu Général Lansana Conté pouvait confier la tache ardue de premier ministre de consensus, consécutivement à une grève illimitée jadis déclenchée par les centrales syndicales guinéennes. Sa longue expérience guinéenne des institutions internationales et son carnet d’adresses bien garni fait de lui un probable premier ministrable du régime Alpha Condé.
Riviéredusud