Les premiers résultats partiels et provisoires du référendum constitutionnel de dimanche dernier en Centrafrique ont été rendus publics ce jeudi. Que faut-il retenir de ce scrutin qui a valeur de test pour les présidentielle et législatives du 27 décembre prochain ?
- Bangui : hors du PK5, une situation sous contrôle
À Bangui, si la situation a dégénéré au PK5, les élections se sont déroulées sans trop d’encombre dans tous les autres bureaux de vote, même si des problèmes logistiques ont entraîné des retards. Dans les quatrième et huitième arrondissements, des grenades ont été jetées dans la matinée, sans faire de victime, et dans le quartier de Gobongo (4e arrondissement) un représentant général de l’Autorité nationale des élections (ANE) a essuyé des tirs. Cependant, les dégâts ont été minimes et les activités ont repris leur cours, selon un document interne de l’ANE.
- En province, des problèmes surtout logistiques
En province, l’essentiel des problèmes lors du scrutin ont été d’ordre logistique, puisque le matériel électoral n’a pas pu arriver à temps dans certaines localités reculées. Les troubles sécuritaires ont essentiellement touché des territoires dans le nord et l’est du pays, tenus par le leader de l’ex-Séléka, Noureddine Adam, qui avait promis peu auparavant qu’il saboterait les élections.
- Un succès relatif
« Si l’on se détache des violences ponctuelles pour regarder la situation dans son ensemble, on peut dire qu’il s’agit d’un succès indéniable », commente un expert international, qui rappelle les « énormes défis logistiques et sécuritaires » qui ont entravé le processus électoral. Selon des chiffres partiels et provisoires rendus publics par l’ANE jeudi 17 décembre, le scrutin a réalisé 30% de participation à Bangui (86 963 votes valablement exprimés sur 292 696 inscrits) dont 90% de oui et 10% de non. « On s’attendait à de tels chiffres à cause du climat d’insécurité et du manque de sensibilisation au sujet du référendum, réagit un expert proche du dossier. Pour les provinces, il n’y a aucun pronostic pour le moment car tout est extrêmement lent, les données ne sont pas toutes remontées. »
- La mobilisation de la population, même au PK5
En ce qui concerne la capitale, le cantonnement des violences au PK5 peut s’expliquer par le fait que les groupuscules anti-balaka ont peu d’effectifs et ne bénéficient pas du soutien d’une population rassurée, du moins a minima, par la présence des forces de sécurité intérieure, onusienne et française. Dans le quartier musulman en revanche, la population avait jusqu’ici davantage de mal à rejeter les milices affiliées aux ex-Séléka. Assiégés par des groupes anti-balaka, délaissés selon nombre d’entre eux par le gouvernement central, les habitants du PK5 entretenaient une relation ambiguë avec les ex-Séléka.
Mais selon le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies, Parfait Onanga-Anyanga, un pas a été franchi dimanche lorsque la population du PK5 s’est mobilisée en masse pour voter malgré la grande violence dont ont fait preuve les groupes armés. Pour le diplomate, qui compte à présent sur « la pleine collaboration » de la population, c’est cette détermination qui restera « la marque forte » du scrutin.
- Violences à prévoir pour les scrutins présidentiel et législatif
À peine le référendum terminé, des cortèges à l’effigie de différents candidats aux élections présidentielle et législatives se sont mis à sillonner en musique les rues de Bangui. Le premier tour du scrutin est prévu le 27 décembre prochain.
À Bangui, selon une source sécuritaire, des actions ponctuelles sont à prévoir car les groupes anti-balaka qui soutiennent l’ancien président François Bozizé, dont la candidature a été rejetée par l’ANE, se sentiront davantage concernés que pendant le référendum sur la Constitution. Mais cette source doute pour autant que ces troubles éventuels aient une réelle incidence sur le processus électoral. Après les violences de dimanche au PK5, « la Minusca a pris la mesure des actions qu’ils doivent mener pour protéger la population, » poursuit cet observateur.
Dans les provinces, la dynamique change. Car si dans la capitale les « ennemis de la paix », ainsi que les nomment nombre de Banguissois, font face à des forces de sécurité qui peuvent répondre rapidement en cas de violences, en province la Minusca est étirée sur tout le territoire, Sangaris n’est basée qu’à Sibut, et les forces de sécurité intérieure sont quasi-inexistantes. À Bossangoa notamment, lieu de naissance de François Bozizé où aucun vote n’a eu lieu dimanche en raison d’intimidations par les anti-balaka, des violences sont à craindre pendant les élections. Au nord et à l’est du pays, les ex-Séléka représentent la plus grande menace.
Même si les régions contrôlées par les milices en provinces sont généralement assez peu peuplées et que leur vote n’aurait pas forcément une incidence décisive sur les résultats du scrutin, un processus électoral perturbé viendrait renforcer l’impression chez les populations qu’elles sont laissées au ban de la vie politique du pays… Ce qui renforcerait par là même le discours des ex-Séléka. Mardi 15 décembre déjà, un témoin rapportait que des partisans de l’ex-Séleka brandissaient à Ndélé des pancartes en faveur de la récente déclaration de Noureddine Adam d’une « République autonome de Logone. »
En attendant, les ONG internationales, prises au dépourvu par les violences de fin septembre, œuvrent à dresser un « plan de contingence » pour organiser au mieux l’évacuation de leurs personnels, au cas où la situation devait dégénérer.