Au cours de l’année qui vient de s’achever, le monde a connu environ 300 attaques terroristes, dont près d’un tiers se sont produites en Afrique.
En Europe et de l’autre côté de l’Atlantique, Paris a été frappée par des attentats en janvier et en novembre et des attaques ont été commises par des individus isolés aux Etats-Unis, tandis que les shebab somaliens ont tué 148 personnes à l’Université de Garissa au Kenya et la secte islamiste nigériane Boko Haram a perpétré de nombreux attentats qui ont fait plusieurs centaines de morts.
Se sont ajoutés tout au long de l’année l’attaque du musée du Bardo qui a coûté la vie à 23 personnes le 18 mars à Tunis, l’attaque de l’hôtel Radisson de Bamako, qui a fait une vingtaine de morts de différentes nationalités le 20 novembre et le crash d’un avion de ligne russe le 31 octobre dans la péninsule du Sinaï, qui a tué les 224 personnes à bord et été revendiqué par la branche égyptienne de l’Etat islamique (EI).
La liste des pays africains aux prises avec le terrorisme continue de s’allonger au point que le continent, déjà ébranlé par de multiples conflits armés, connaît une vague de violences qui a atteint un niveau alarmant en 2015.
Le terrorisme progresse
De fait, le terrorisme fait rage en Afrique et ne cesse d’y progresser, sans que l’on n’y prête attention.
Parmi les dix organisations terroristes les plus notoires dans le monde, Boko Haram et les shebab sont des groupes terroristes africains qui enchaînent les conquêtes territoriales et sèment le chaos à travers les frontières, tandis que l’EI et al-Qaïda ont des branches en Libye, en Egypte, en Tunisie, en Algérie et au Sahel.
En outre, selon l’Index mondial du terrorisme, un rapport publié par l’Institute for Economics and Peace basé à New York, Boko Haram « est devenu l’organisation terroriste la plus meurtrière au monde ». Pire encore, il a prêté allégeance à l’EI début mars.
De l’est à l’ouest et dans le nord de l’Afrique, de plus en plus de groupes de combattants régionaux ont changé de tactique en s’affiliant à des groupes terroristes extérieurs. Le terrorisme, le djihad, la radicalisation et l’extrémisme ayant tendance à fusionner, un réseau global de terrorisme serait sur le point de se former sur le continent le plus pauvre du monde.
Les efforts engagés
Face à la montée fulgurante de Boko Haram, les membres de la Commission du Bassin du lac Tchad, à savoir le Nigeria, le Cameroun, le Niger, le Tchad et le Bénin, ont mis sur pied une Force mixte multinationale dotée d’un effectif initial de 8.700 hommes, qui tarde encore à devenir opérationnelle.
Au niveau sous-régional, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC) ont projeté d’organiser une conférence sur Boko Haram. Cette conférence aurait pu se tenir il y a quelques mois, mais a été reportée pour des raisons de calendrier.
Le G5 Sahel, qui regroupe la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, envisage lui aussi de créer un état-major intégré pour mieux coordonner les efforts conjoints de lutte contre les menaces de sécurité.
Sur le plan continental, la création d’un Afripol, déjà approuvée par l’Assemblée générale d’Interpol, a été esquissée lors de la réunion des responsables de police africains pour discuter des textes juridiques pour sa mise en place à la mi-décembre à Alger.
Une mission négligée
Malgré ces efforts régionaux et continentaux, l’Afrique demeure dans une certaine mesure au « point mort » de la lutte internationale contre le terrorisme.
« Pendant longtemps, on a cru que les pays du Nord étaient les seuls visés, mais depuis quelques années, on se rend compte que les pays africains sont également gagnés par ce fléau qui devient un fléau mondial et qu’on ne peut combattre qu’au plan mondial », estime Babacar Gueye, professeur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
La lutte contre le terrorisme en Afrique, négligée depuis longtemps par le reste du monde, mérite et exige désormais l’attention et le soutien de la communauté internationale, dont la mobilisation est pour le moment jugée « limitée », malgré les opérations françaises « Serval » et « Barkhane » contre les groupes djihadistes dans le nord du Mali et l’annonce de l’envoi de 300 militaires américains au Cameroun en soutien à la lutte contre Boko Haram.
Les pays africains ont besoin de moyens plus importants, d’autant que leurs armées « ne peuvent pas lutter seules contre ce fléau », observe le géostratège camerounais Joseph Vincent Ntuda Ebodé. Les pays africains attendent de la communauté internationale qu’elle « [forme] des forces armées et de sécurité [et fournisse] un appui technique et matériel », précise Dramane Aliou Koné, président de la maison de la presse du Mali.
En ce qui concerne l’aide internationale, « une stratégie globale et une approche multilatérale basée sur un système d’échange d’informations et de coordination des actions entre les pays » est nécessaire selon le député-maire sénégalais Mame Balla Lô.
Mais le combat ne doit pas se limiter au terrorisme. Il faut, sur le long terme, « insister davantage sur la prévention […], essayer de chercher les racines du terrorisme (discriminations, injustice sociale, chômage et pauvreté, etc.) et soigner ces racines malades », souligne Babacar Gueye. Et cela nécessite aussi des efforts internationaux.
via Xinhua